Pédagogie et domination :
entretien avec Charlotte Nordmann
Réactiver une critique radicale de l’école, aussi
éloignée des lamentations réactionnaires que des ambiguïtés
anti-libérales, tel est le pari lancé par Charlotte Nordmann
dans ses deux derniers ouvrages : Bourdieu / Rancière -
La politique entre sociologie et philosophie (Paris,
éditions Amsterdam, 2006) et La Fabrique de
l’impuissance 2. L’école, entre domination et émancipation (Paris,
Éditions Amsterdam, 2007). Un défi partagé par notre revue
qui a tenu à réaliser cet entretien.
La critique de l’école s’est
longtemps appuyée sur le concept d’« appareil idéologique
d’État », chargé d’assurer et de légitimer la
perpétuation de la classe dominante et de son idéologie.
Les travaux de Bourdieu sur l’école, auxquels tu as
consacré un essai, ont cherché à redéfinir et à bousculer
ce point de vue. En quoi cette approche « idéologique »
peine-t-elle à dévoiler la complexité du rôle de l’école
dans notre société ? Quels arguments Bourdieu lui
oppose-t-il ?
Charlotte Nordmann – À l’époque où
Bourdieu et Passeron lancent leur enquête sur les pratiques
des étudiants, et plus encore au moment où est publiée La
Reproduction, en 1970, les critiques de « l’école
capitaliste » ne manquent pas : on dénonce par exemple la
division entre éducation primaire et secondaire, propres à
assurer la reproduction des hiérarchies sociales en
produisant des travailleurs adaptés aux fonctions – de
commandement ou d’exécution – qu’ils sont appelés à
remplir ; on souligne le rôle essentiel joué par l’école
dans la diffusion de l’idéologie dominante 1. Mais ce que
Bourdieu et Passeron entendent établir, ce n’est précisément
pas cela : l’école n’assure pas la reproduction de l’ordre
simplement par ses structures extérieures ou les usages qui
sont faits des qualifications qu’elle dispense, mais à
travers sa pédagogie même. Le problème essentiel n’est pas
que l’école véhicule l’idéologie de la bourgeoisie (comme le
montre, par exemple, l’étude du contenu de la morale
enseignée à l’époque), mais plutôt que son apparente
neutralité, qui repose sur une autonomie, certes relative,
mais bien réelle, fournit une légitimation inappréciable à
la domination. En ce sens, il est juste de dire que le
professeur traite tous ses élèves également. Le sentiment
d’impartialité qu’il éprouve souvent n’est pas sans
fondement. L’illusion intervient dès lors que l’on croit que
cette « neutralité » suffit à assurer « l’égalité des
chances ». Car ce que le professeur exige uniformément de
tous les élèves n’est pas possédé également par tous : il
faut reconnaître l’existence d’inégalités culturelles qui
trouvent leur origine dans la hiérarchisation de la société.
En effet, « la cécité aux inégalités sociales condamne et
autorise à expliquer toutes les inégalités […] comme
inégalités naturelles, inégalités de don. » Croire que
l’enseignement dispensé à l’école est neutre socialement,
c’est se condamner à penser que les hiérarchies du jugement
scolaire sont l’expression d’une distribution inégale des
dons. C’est ainsi que cette prétention à l’impartialité, et
la reconnaissance dont elle bénéficie généralement,
permettent à l’école de jouer un rôle crucial dans la
légitimation des hiérarchies sociales. Renforçant encore les
mécanismes sociaux qui assurent l’adéquation des
« espérances subjectives » avec les « chances objectives »,
le système scolaire contribue « à convaincre chaque sujet
social de rester à la place qui lui incombe par nature, de
s’y tenir et d’y tenir 2 ». La fiction de l’égalité permet
donc la reproduction de l’inégalité ; tandis que la mise en
lumière de l’inégalité sociale des individus devant les
jugements scolaires est au contraire le préalable de toute
rupture de cette reproduction. Attribuer la responsabilité
de leurs « échecs » aux individus, en les en rendant
responsables comme d’une faute, et – paradoxalement – en les
y associant comme à une nature, ne peut que masquer la
monopolisation culturelle qui en est la cause véritable. Ce
procès de naturalisation des différences sociales légitime
l’arbitraire de la hiérarchie sociale. La domination est
transfigurée en méritocratie, la dépossession – c’est-à-dire
l’impossibilité pour « les dominés » de revendiquer leur
capacité à parler et à penser au même titre que les
dominants, leur incapacité à mettre en question
l’infériorité que leur attribue l’ordre social, parce qu’ils
l’ont « intériorisée » – est rendue invisible par sa
transfiguration en une inégalité de dons.
Le Maître ignorant de Rancière,
l’école mutuelle, Freinet... les références sont
nombreuses et nous les partageons très souvent ! Quels
sont les auteurs, les expériences qui alimentent ta
réflexion sur l’école ?
CN. – Les premiers
textes que j’ai rencontrés sur la question de l’école ont
été ceux de Bourdieu. J’avais une histoire assez tendue avec
l’institution scolaire, qui faisait que j’étais très
« sensible » à ses classements, aux deux sens du terme :
très respectueuse d’eux en un sens, mais en même temps très
indignée, et surtout, progressivement, et de plus en plus,
très paralysée par eux. Les textes de Bourdieu (notamment
l’analyse des catégories du jugement scolaire dans La
Noblesse d’État) m’ont permis de mettre des mots, des
analyses, sur ce que j’avais pu vivre, voir ou ressentir à
l’école. Ils ont eu, du coup, un effet vraiment libérateur
(comme pour beaucoup de gens d’ailleurs) : on découvrait que
ce qui vous faisait souffrir ou vous écrasait, il était
possible d’en rire, de le disséquer et de le disqualifier.
Mais il y avait aussi, me semblait-il, un reste, quelque
chose qui n’était pas pensé, qui était parfois suggéré mais
n’était pas théorisé : le fait que ce que Bourdieu décrivait
comme une « dépossession » avait une pertinence plus
générale, qu’elle ne touchait pas seulement les « dominés »
au sens strict, et qu’éventuellement l’école en était, pour
une part importante, responsable. Il me semblait qu’à
l’école, l’apprentissage pouvait être décrit comme une forme
de dépossession : en apprenant à écrire, on se rendait
incapable de se servir librement de l’écriture, et plus on
requerrait des élèves qu’ils apprennent à parler selon les
normes scolaires, plus la parole devenait difficile. Le
point aveugle de l’analyse de La Reproduction venait de ce
que n’y était pas envisagé ce qui pouvait concrètement se
passer dans une classe, ce qu’induisait le type de pratiques
qui y avaient cours, ou ce que la situation d’enseignement
en elle-même pouvait produire. La lecture des analyses
lumineuses de Foucault me suggérait qu’on pourrait
approfondir à propos de l’école ce qu’il dit des
« disciplines » en général, dans Surveiller et Punir. Les
disciplines favorisent le développement en chacun de « sa »
puissance, mais elles le font de telle manière que cette
puissance n’appartient pas réellement à l’individu, qu’il en
est pour ainsi dire « dépossédé » au moment même où il
l’acquiert, en ce sens qu’il ne peut pas en faire usage pour
contester la domination qui le soumet. La puissance de
chacun est donc à la fois augmentée par le pouvoir et
canalisée, contenue dans des bornes précises.
L’apprentissage à l’école est rendu indissociable de la
soumission aux règles disciplinaires, de sorte qu’en même
temps que l’élève développe des capacités nouvelles, il
apprend à s’en servir d’une certaine façon, qui rend
improbable la contestation des normes qui lui ont été
inculquées. C’est là que j’ai croisé le chemin du Maître
ignorant, et ce texte-là aussi a été un événement : c’est,
à mon avis, le plus beau des livres de Rancière (surtout,
d’ailleurs, toute la première partie) ; Rancière parvient à
porter la parole de Jacotot, le « maître ignorant », et à la
faire résonner, de telle sorte qu’il se passe vraiment
quelque chose lorsqu’on le lit – ce qui n’est pas si
fréquent. Malgré tout ce qu’il y a de critiquable dans ce
livre (je pense notamment à la valorisation pour le moins
problématique de la « volonté » individuelle, censée être la
clé de tout, mais aussi à la dénégation massive de la
« dépossession » mise en évidence par Bourdieu), reste qu’il
produit un effet d’augmentation de la puissance d’agir, pour
parler comme Spinoza, chez son lecteur, et que cela est
assez précieux et rare pour n’être pas anodin. Ce n’est plus
une histoire qui nous est racontée, ce ne sont plus des
faits passés qui sont évoqués, c’est nous-mêmes qu’une voix
venue d’on ne sait où interpelle : « Raconte-moi la forme
de chaque lettre comme tu décrirais les formes d’un objet ou
d’un lieu inconnu. Ne dis pas que tu ne le peux pas. Tu sais
voir, tu sais parler, tu sais montrer, tu peux te souvenir.
Que faut-il de plus ? une attention absolue pour voir et
revoir, dire et redire. Ne cherche pas à me tromper et à te
tromper. Est-ce bien cela que tu as vu ? Qu’en penses-tu ?
Est-ce que tu n’es pas un être pensant ? […] Il faut
commencer à parler. Ne dis pas que tu ne le peux pas. Tu
sais dire, je ne peux pas. Dis à la place Calypso ne pouvait
3… Et tu es parti, Tu es parti sur une route que tu
connaissais déjà et que tu devras désormais suivre sans
discontinuer. […] L’autre cercle est commencé, celui de la
puissance. Tu n’en finiras pas de trouver des manières de
dire je ne peux pas et bientôt tu pourras tout dire 4. » Le
Maître ignorant révélait l’un des principes majeurs à
l’œuvre dans l’institution scolaire : la construction d’une
relation de dépendance et d’infériorité à l’égard du maître,
et plus généralement d’une croyance dans « l’inégalité des
intelligences », dans l’existence d’une hiérarchie
générale des êtres. Mais il permettait aussi de sortir, dans
une certaine mesure, de cette logique, de passer à un autre
régime. Écrire ou parler devenait une manière de s’adresser
à tout homme, d’affirmer l’égalité des intelligences, et
l’on sortait de la réduction de l’écriture ou de la parole à
une façon de (tenter de) prouver sa valeur aux autorités
compétentes. C’est à partir de là que j’ai vraiment engagé
une réflexion sur l’école, et je me suis alors nourrie des
expériences rapportées tant par Freinet que par la pédagogie
institutionnelle, ou encore de l’histoire de l’école
mutuelle ou des errances de Deligny – chacune montrant
qu’il était possible, en mettant en œuvre des principes
finalement assez simples (qui ne requerraient pas
l’intervention d’une « intelligence supérieure » ou une
« expertise » particulière...), d’ouvrir les fenêtres de
l’école et d’y faire souffler un air un peu moins raréfié.
Tu avances des pistes pour enrayer le passage « de la
transmission à l’endoctrinement », comme la nécessité de
« reproblématiser » les savoirs enseignés qui « se
présentent sous une forme dogmatique, sans qu’on sache
comment ils se sont constitués, sur quoi ils reposent, ni
les problèmes qu’éventuellement ils posent, les polémiques
qu’ils suscitent ». Peux-tu nous expliquer comment tu
imagines cette réappropriation collective et politique des
savoirs ? Ce problème vient, pour une large part, de ce que
l’on estime souvent qu’il n’est pas possible d’introduire
les élèves aux savoirs tels qu’ils sont élaborés
aujourd’hui, puisque ces savoirs sont par définition
inachevés, en cours d’élaboration, susceptibles d’être remis
en question. Le problème est que, dans l’opération, les
enseignants épurent en fait leurs cours de tout ce qui fait
l’intérêt pour eux de leur discipline – et se désolent
ensuite de l’indifférence des élèves. On produit donc à
l’intention des petits élèves une mouture spéciale de
« savoir », ni trop rance, ni trop fraîche, spécialement
adaptée à leurs capacités. Par la même occasion, on
stérilise ces savoirs pour les expurger de tout ce qui
pourrait susciter la polémique, les rendant d’autant plus
propres, pense-t-on, à assurer leur fonction de « liant »
identitaire et national. L’école revendique l’héritage de
ceux qui contestèrent les « autorités », et pourtant
elle-même ne cesse d’exiger de l’élève qu’il accepte par
principe tout ce qui émane d’elle. L’inquiétude de nombre de
professeurs à l’égard d’Internet – qui fournit matière à
nombre d’« antisèches » – ne se comprend que si l’on voit
que le professeur lui-même omet le plus souvent de
mentionner ses sources et ne procède à aucun travail
explicite sur les fondements de son discours, qui pourrait
permettre à chacun de juger de sa valeur. Au lieu de
déplorer la naïveté des élèves, qui seraient prêts à
accepter tout ce qu’ils voient affirmé avec assez d’aplomb,
il conviendrait de les former à l’attention critique
nécessaire pour discriminer entre les discours fondés et
ceux qui ne le sont pas. L’école, aujourd’hui, se dispense
de le faire. Or, c’est moins le relativisme qui menace les
élèves, que la croyance en une séparation stricte entre
savoirs (objectifs) et opinions (subjectives) : à la
première catégorie appartiendraient les mathématiques, la
physique et, plus généralement, les « sciences dures », mais
aussi parfois l’histoire, la géographie, voire la
sociologie, la psychologie ou encore l’économie ; à la
seconde, « tout le reste » : tout ce qui relève des
sentiments, des opinions qu’on peut avoir sur tel ou tel
sujet qui suscite la controverse. Cette vision dualiste
contribue à décourager toute mise en question de ses propres
opinions, toute interrogation sur leurs fondements. Elle
présuppose qu’il y a entre le monde de l’« opinion » et des
savoirs non académiques et le monde des sciences de
l’histoire et de la société une rupture épistémologique, ce
qui est pour le moins discutable. Elle peut induire une
acceptation acritique de ce qui est perçu comme un savoir
incontestable ; elle nourrit le respect pour les
« experts », à l’heure où cette figure est l’un des moyens
les plus actifs de la négation de la politique et de son
assimilation à une pure et simple « gestion », aussi
« rationnelle » que possible. Dans ce contexte, la mise en
évidence du travail de construction polémique des
« savoirs » serait salutaire. L’évacuation des débats, et
par conséquent des enjeux du discours, aboutit à l’oubli pur
et simple de son sens, ou plutôt à la réduction du discours
à l’idéologie. La position qu’exclut ce mode de discours,
c’est la position critique. C’est un discours fermé, qui
prétend donner des cadres mais tend à interdire son propre
dépassement, un discours dont l’objectif est de paraître le
plus complet possible, lorsqu’il devrait – pour constituer
un véritable apprentissage intellectuel – faire au moins
soupçonner combien il est insuffisant et provisoire. Pour
que les savoirs transmis soient réellement émancipateurs, il
faudrait partir de leur élaboration, d’une interrogation sur
leurs fondements et leurs limites. Cela vaut aussi pour le
rapport que les professeurs eux-mêmes entretiennent
vis-à-vis du « savoir », et cela supposerait notamment que
se construisent des liens bien plus serrés entre
l’enseignement et la recherche – en particulier la recherche
didactique, qui reste très isolée.
La question d’une révolution de
l’évaluation scolaire traverse le livre et la conclusion y
revient longuement. Tu présentes l’école comme un monde où
l’intelligence des autres est vécue comme une menace, un
système qui vise finalement à mettre le savoir à distance
de soi. Pourquoi cette notion d’évaluation est-elle
centrale ? Comment la dépasser dans une perspective
émancipatrice, individuellement et collectivement ?
CN. – Les travaux
produits à l’école sont principalement destinés à être
évalués par le professeur, qui pourra ainsi attribuer à
l’élève sa juste place dans la hiérarchie de la classe et, à
terme, du système scolaire dans son ensemble. Le problème
est que la notation n’est pas un simple moyen, qu’elle n’est
pas neutre, qu’elle a des conséquences réelles. S’il peut y
avoir, indéniablement, un effet « motivant » de la notation,
si bien souvent c’est la menace d’une « mauvaise note » qui
pousse les élèves à travailler, cependant il est tout aussi
certain – mais peut-être plus difficile à appréhender – que
la notation, et les jugements sur la personne qui
l’accompagnent et lui sont associés, produisent aussi des
effets de paralysie. Lorsque ce qui vous aiguillonne est la
crainte de l’humiliation, ou la préoccupation infantilisante
de « faire plaisir » au maître, alors ce qui vous fait agir
est en même temps ce qui vous paralyse. Pour que l’école ne
soit pas essentiellement un instrument de classement et de
sélection des individus, il faudrait ne plus évaluer comme
on le fait actuellement. Si l’on veut que l’évaluation ne se
réduise pas à la stigmatisation d’une « lenteur », d’un
« retard », d’une « inaptitude », bref d’une classification
et d’une exclusion, si même on entend qu’elle ait une
véritable utilité pour l’apprentissage, alors il ne faut
évaluer que les travaux aboutis, et donner aux élèves le
loisir et les moyens d’aller jusqu’au bout de leur travail.
Il faut en outre que l’évaluation porte sur ces
« produits », et non sur des personnes. Si la
hiérarchisation, la mise en jeu de sentiments de supériorité
et d’humiliation apparaissent comme des moyens essentiels
pour « motiver » les élèves, c’est parce qu’on tend à
exclure toute autre source de reconnaissance ou de valeur du
travail des élèves dans l’école. Dès lors qu’on accepte de
donner aux élèves le temps et les moyens nécessaires pour
travailler efficacement, pour nourrir et complexifier leur
pensée par un dialogue avec la réalité, et pour aller
jusqu’au bout d’une réalisation, on est amené à remettre en
question les modes d’évaluation communs : un tel processus
demande du temps, un temps qu’on ne peut mesurer à l’avance,
et il est rarement susceptible d’être évalué
« rigoureusement », selon les critères censés garantir
l’objectivité du jugement scolaire (même temps imparti,
mêmes moyens mis à disposition, même format, et travail
individuel). Pour sortir du rapport duel entre le maître et
l’élève, rapport essentiellement fondé sur la contrainte, il
peut être utile d’introduire entre eux des tiers : à partir
du moment où la classe se structure autour d’outils,
d’instruments, comme ceux conçus par Freinet (en particulier
l’imprimerie), à partir du moment où il s’agit de réaliser
des produits (par exemple, un journal de la classe), et non
simplement de « s’exercer » pour être évalué par le maître,
le travail cesse d’être motivé essentiellement par
l’obéissance à son autorité. Faire que les textes écrits par
les élèves circulent, puissent prendre place dans une
correspondance avec d’autres, puissent être entendus et
produire des effets, est un des principes majeurs de la
« révolution pédagogique » prônée par Freinet 5. En effet,
lorsqu’on s’applique à produire un objet aussi abouti que
possible, afin qu’il puisse remplir au mieux son rôle :
mener à bien une recherche, être lu et entendu, témoigner de
telle expérience, etc., alors il y a un sens à revenir sur
son travail, à chercher à l’achever, au-delà de la seule
exigence formulée par le « maître », alors la règle est
moins l’expression de la « domination » du maître qu’elle ne
s’impose pour que le travail commun soit possible.
Entretien
recueilli par Grégory Chambat
1-Louis Althusser,
« Idéologie et appareils idéologiques d’État », avril 1970,
dans Positions, p. 72. 2. La Reproduction, pp.
252-253. 3. Les premiers mots du Télémaque de Fénelon, le
livre fétiche de Joseph Jacotot. 4. Le Maître ignorant, p.
42. 5. La pédagogie institutionnelle reprend également ce
principe : voir Vers une pédagogie institutionnelle ?,
Matrice, Paris, 1998 (rééd.).
Charlotte Nordmann, La
fabrique de l’impuissance 2 L’école, entre domination et
émancipation, éditions Amsterdam, 7,5 €
Charlotte
Nordmann refuse le débat entre « républicains » et
« pédagogues » parce qu’elle refuse l’hystérie réactionnaire
des premiers (belle démolition en quelques pages) et la
volonté de « calmer le jeu » des seconds (L’école ou la
guerre civile est le titre d’un des livres de Meirieu). Elle
ne se cantonne pas à la dénonciation, et avance sa
démonstration portant la question de l’écriture à l’école,
codée, contrainte, n’ayant de valeur que par rapport à la
note, pour poser plus largement la question de l’évaluation
et du travail de groupe. C’est très stimulant, un peu
secouant pour « nous autres » qui travaillons au quotidien
avec les « pédagogues », très clair… on aimerait continuer
la discussion car la brièveté de l’ouvrage, s’il lui donne
une grande lisibilité, donne juste l’envie d’aller plus loin
pour envisager ce que pourrait être une école émancipatrice.
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