Entretien avec Bertrand Rambaud
Source : Reporterre mercredi 4 février 2015
Le Sénat débat mercredi 4 février
d’un projet de loi porté par les écologistes visant à autoriser l’usage
et la vente contrôlée du cannabis. Malade du sida, Bertrand Rambaud
explique l’enjeu de santé publique que représente le cannabis médical.
Bertrand Rambaud est atteint du VIH
depuis près de trente ans. Seul le cannabis parvient à soulager ses
douleurs et l’aide à supporter la trithérapie. En juin dernier, il a été
condamné pour l’usage du stupéfiant, mais... dispensé de peine. Défendu par Me Joseph Breham, il a décidé de faire appel de cette décision. Président de l’UFCM-iCare,
il se bat pour faire reconnaître la plante comme un remède naturel et
un médicament de phytothérapie, dans l’attente de son procès en deuxième
instance.
- Bertrand Rambaud -
Reporterre - Vous vous battez devant la justice pour la reconnaissance du cannabis thérapeutique. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Bertrand Rambaud - Je suis séropositif depuis 1984. Il y a une quinzaine d’années, avec les traitements, je ne parvenais plus à m’alimenter. Je n’arrivais plus à dormir, j’avais perdu 25 kilos. J’ai rencontré des cultivateurs allemands qui m’ont parlé de cannabis thérapeutique. En France, on commençait à peine à en entendre parler. J’avais déjà tout essayé, alors pourquoi ne pas tenter ça ? Le résultat, c’est que ça m’a permis de reprendre du poids et donc de recommencer mes traitements.
En fait, je suis intolérant aux antirétroviraux et le cannabis me permet de supporter les effets secondaires. Sans le cannabis, je ne peux plus prendre les antirétroviraux. D’ailleurs, quand la police m’a arrêté et est venue saisir mes plants de cannabis, j’ai dû arrêter dans la foulée de prendre les médicaments contre le VIH. J’ai de nouveau perdu 14 kilos et il a fallu chercher un autre traitement…
Le cannabis est donc un médicament qui vous permet de supporter les autres traitements ?
C’est un des médicaments qui me permettent de respirer aujourd’hui. D’ailleurs, j’ai trois attestations de médecins, dont deux professeurs spécialistes du VIH, qui expliquent que sans le cannabis aujourd’hui, je serais mort.
J’en suis à ma dix-septième trithérapie... Les nutritionnistes et les toxicologues qui me suivent disent que mon organisme est empoisonné par les produits chimiques. Or, ce sont tout de même ces produits qui me permettent de rester en vie. La plante de cannabis, grâce à ses vertus anti-oxydantes et anti-douleur, me permet en fait de prendre ces traitements agressifs. C’est un paradoxe. Et pour moi, le cannabis thérapeutique ne peut être qu’un cannabis naturel.
C’est-à-dire ?
Le cannabis naturel, c’est utiliser la plante entière comme un médicament, un médicament qui est beaucoup plus abouti qu’une extraction de plusieurs cannabinoïdes qu’on mettrait ensemble. Cela signifie qu’on parle de la plante en tant que telle, et non d’un médicament composé à partir d’une molécule du cannabis et fabriqué en laboratoire.
Le problème actuel pour les laboratoires pharmaceutiques, c’est qu’ils ne peuvent pas breveter le cannabis tel qu’il existe naturellement. Il y a plus de 400 composants dans la plante, donc ils sont obligés de procéder par extraction pour produire des médicaments.
Et puis le cannabis naturel, c’est aussi échapper aux problèmes liés au marché noir. Le cannabis que l’on consomme médicalement ne peut pas être coupé et mélangé avec d’autres produits, et vendu au bas d’une tour par quelqu’un qui n’est là que pour se faire de l’argent. Et malheureusement, aujourd’hui, en dehors du marché noir… Pour ceux qui ont les moyens, c’est la prescription dans d’autres pays européen, où c’est légal comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, et pour les gens qui ont moins de moyen, c’est l’auto-production.
Qu’attendez-vous du projet de loi sur l’usage contrôlé du cannabis qui arrive aujourd’hui au Sénat ?
Je n’ai pas eu les détails du projet de loi, mais il est temps de reconnaître le cannabis médical. Il faut sortir de cette hypocrisie dans la politique française concernant son usage, où l’on entretient l’amalgame entre le cannabis récréatif et le cannabis médical. Tout part de là, et aujourd’hui, on se sert de cet amalgame pour interdire le cannabis au prétexte que c’est un produit dangereux.
Et pendant ce temps-là, nous sommes de nombreux malades à attendre l’autorisation du cannabis thérapeutique. Entre la sclérose en plaques, le VIH et toutes les maladies neurodégénératives, on doit être plus d’un million de patients qui espèrent un traitement à base de cannabis pour se soulager et continuer à vivre.
Propos recueillis par Barnabé Binctin et Lorène Lavocat
- Bertrand Rambaud -
Reporterre - Vous vous battez devant la justice pour la reconnaissance du cannabis thérapeutique. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Bertrand Rambaud - Je suis séropositif depuis 1984. Il y a une quinzaine d’années, avec les traitements, je ne parvenais plus à m’alimenter. Je n’arrivais plus à dormir, j’avais perdu 25 kilos. J’ai rencontré des cultivateurs allemands qui m’ont parlé de cannabis thérapeutique. En France, on commençait à peine à en entendre parler. J’avais déjà tout essayé, alors pourquoi ne pas tenter ça ? Le résultat, c’est que ça m’a permis de reprendre du poids et donc de recommencer mes traitements.
En fait, je suis intolérant aux antirétroviraux et le cannabis me permet de supporter les effets secondaires. Sans le cannabis, je ne peux plus prendre les antirétroviraux. D’ailleurs, quand la police m’a arrêté et est venue saisir mes plants de cannabis, j’ai dû arrêter dans la foulée de prendre les médicaments contre le VIH. J’ai de nouveau perdu 14 kilos et il a fallu chercher un autre traitement…
Le cannabis est donc un médicament qui vous permet de supporter les autres traitements ?
C’est un des médicaments qui me permettent de respirer aujourd’hui. D’ailleurs, j’ai trois attestations de médecins, dont deux professeurs spécialistes du VIH, qui expliquent que sans le cannabis aujourd’hui, je serais mort.
J’en suis à ma dix-septième trithérapie... Les nutritionnistes et les toxicologues qui me suivent disent que mon organisme est empoisonné par les produits chimiques. Or, ce sont tout de même ces produits qui me permettent de rester en vie. La plante de cannabis, grâce à ses vertus anti-oxydantes et anti-douleur, me permet en fait de prendre ces traitements agressifs. C’est un paradoxe. Et pour moi, le cannabis thérapeutique ne peut être qu’un cannabis naturel.
C’est-à-dire ?
Le cannabis naturel, c’est utiliser la plante entière comme un médicament, un médicament qui est beaucoup plus abouti qu’une extraction de plusieurs cannabinoïdes qu’on mettrait ensemble. Cela signifie qu’on parle de la plante en tant que telle, et non d’un médicament composé à partir d’une molécule du cannabis et fabriqué en laboratoire.
Le problème actuel pour les laboratoires pharmaceutiques, c’est qu’ils ne peuvent pas breveter le cannabis tel qu’il existe naturellement. Il y a plus de 400 composants dans la plante, donc ils sont obligés de procéder par extraction pour produire des médicaments.
Et puis le cannabis naturel, c’est aussi échapper aux problèmes liés au marché noir. Le cannabis que l’on consomme médicalement ne peut pas être coupé et mélangé avec d’autres produits, et vendu au bas d’une tour par quelqu’un qui n’est là que pour se faire de l’argent. Et malheureusement, aujourd’hui, en dehors du marché noir… Pour ceux qui ont les moyens, c’est la prescription dans d’autres pays européen, où c’est légal comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, et pour les gens qui ont moins de moyen, c’est l’auto-production.
Qu’attendez-vous du projet de loi sur l’usage contrôlé du cannabis qui arrive aujourd’hui au Sénat ?
Je n’ai pas eu les détails du projet de loi, mais il est temps de reconnaître le cannabis médical. Il faut sortir de cette hypocrisie dans la politique française concernant son usage, où l’on entretient l’amalgame entre le cannabis récréatif et le cannabis médical. Tout part de là, et aujourd’hui, on se sert de cet amalgame pour interdire le cannabis au prétexte que c’est un produit dangereux.
Et pendant ce temps-là, nous sommes de nombreux malades à attendre l’autorisation du cannabis thérapeutique. Entre la sclérose en plaques, le VIH et toutes les maladies neurodégénératives, on doit être plus d’un million de patients qui espèrent un traitement à base de cannabis pour se soulager et continuer à vivre.
Propos recueillis par Barnabé Binctin et Lorène Lavocat
Source : Barnabé Binctin et Lorène Lavocat pour Reporterre
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