Source : R-éveillez-vous
La xénophobie sous toutes ses formes est-elle le nouveau lien social ? L’autre, c’est l’étranger, c’est celui que l’on ne connait pas, c’est le différent. Son arrivée peut constituer une menace tant que nous n’avons pas fait connaissance, et qu’il n’y a pas eu un apprivoisement mutuel. La peur de l’autre constitue-t-elle un nouveau lien social ?
Le Lien social
Le
lien, maitre mot qui matérialise les fils et connexions qui se tissent
dans l’invisible, entre nous et nos contemporains. Les liens forment un
entrelacs, des nœuds, des tensions, des relâchements. Ils fondent notre
société. Ils relient et unissent et séparent parfois, les individus
entre eux. Sur quoi sont-ils fondés ? Peuvent-ils être fondés sur la
peur de l’autre ? La peur c’est une crainte qui se porte sur un objet
connu, facilement identifiable. Objet dont elle redoute l’impact dans
l’avenir. Avant la première guerre mondiale, les nationalismes exacerbés
des puissances européennes ont été renforcé par la définition d’un
ennemi. Toute la Nation était unie contre l’ennemi. Toute la société de
cette époque a partagé pendant un temps cette préoccupation.
La peur, et l’ennemi commun
La
peur de l’étranger, sa stigmatisation par amalgames, est-elle vraiment
un phénomène nouveau ? N’est-ce pas plutôt un mécanisme malheureusement
souvent observé au cours de l’histoire de l’humanité? Sa récurrence ne
nous empêche-t-elle pas de penser ce phénomène comme étant nouveau mais
bien plutôt comme étant millénaire ? Si nous avons peur, est inscrit
dans nos gènes et nos comportements ancestraux, la notion d’union qui
fait la force. C’est une stratégie de survie. Autrement dit, face à un
même ennemi, et l’urgence ou l’imminence d’y faire face, un groupe
d’individus sera beaucoup plus enclin à coopérer et à s’entendre, à
mettre des systèmes d’alliances en place, que s’il est face à la
perspective d’un gain. Ce dernier cas verra plutôt la mise en place de
systèmes de coopération moins forts, mais également un phénomène de
concurrence entre les associés dans certains cas. La peur au contraire
suscite le besoin de faire alliance solide entre les hommes. Il en va de
la survie. Elle permet donc de lier les membres d’une même société et
de les définir. « C’est l’antisémitisme qui fait le juif. » disait
Sartre dans ses Réflexions sur la question juive. Par cette
assertion, il affirme que l’ennemi commun aux juifs, l’antisémitisme,
participe de l’identité juive. Il en irait de même pour cet autre dont
nous aurions peur. Le problème de la peur, érigée au statut de lien
social, c’est que c’est un phénomène qui rétrécit notre vision des
choses. Elle focalise l’attention sur l’objet de la peur, car il faut
potentiellement que nous puissions nous en défendre. En tant que lien
social, elle crée une société de borgnes ou une société à œillères.
Chaque individu, lié aux autres par elle, serait alors comme un cheval
de course ne voyant que la piste, sans rien percevoir de ce qui se passe
autour. Dans ces conditions, bien malin celui qui réussira à faire
tomber les œillères qui l’empêchent de voir, et de prendre de la
distance sur la situation.
Illusion du lien fondé sur la peur
Ici,
elle s’applique à l’Autre. Mais qui est cet Autre, vague et
fantomatique, jamais défini et dont l’utilisation s’amenuise à mesure
que notre connaissance de cet Autre grandit? Derrière ce mot d’Autre,
nous identifions bien souvent l’étranger. Celui qui n’est pas soi et que
nous avons peur de reconnaitre comme un semblable. L’autre, c’est celui
qui n’a pas le même statut social et qui est différent. L’autre dans
notre société, c’est le stéréotype associé à sa valise de préjugés. En
excluant une partie de la population immigrée, et séparant les individus
socialement installés de longue date, des individus fraichement
arrivés, de quel lien social pouvons-nous nous permettre de parler ?
L’Autre, c’est le riche qui planifie machiavéliquement son hégémonie sur
le monde. L’Autre, c’est le pauvre qui fomente une révolution pour
acquérir les richesses des possédants. Qu’est-ce que cette société qui
prétendrait faire lien sur une base de Xénophobie ? Quelle honte
n’éprouve-t-elle pas de faire incarner à l’Autre, l’expression de toutes
ses peurs sociales. Parmi lesquelles nous pouvons citer le chômage, la
peur qu’il n’y ait pas assez de travail et que l’autre le vole, vole la
richesse, la peur que l’autre envahisse et prenne le pouvoir par un
phénomène de colonisation inversée, et enfin la peur de perdre son
identité et ses avantages sociaux, de payer plus d’impôts pour
entretenir l’autre, bref d’être parasité ! Plus que d’un véritable lien
social, il s’agit plutôt d’une expression communautaire entre des
individus différents qui se regroupent par opposition à d’autres
individus encore plus différents d’eux-mêmes. Comment ce phénomène
pourrait-il faire lien dans l’ensemble d’une société ? Il semble bien
plutôt participer à sa fragmentation qu’à son unité. La peur de l’autre
semble plus être le symptôme d’une fragilité et d’une absence d’unité
que d’un réel lien entre tous.
Par : Eugénie Baylac
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