Une consommation régulière de sodas "light" doublerait le risque de
diabète
Publié par : LE MONDE
Le : 08.02.2013
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C'est
une pièce supplémentaire à l'édifice compliqué du débat sanitaire
sur
les édulcorants. Des chercheurs français publient, dans l'édition de
février
de la revue American Journal of Clinical Nutrition, les
résultats
d'une étude épidémiologique associant, pour la première fois
sur une
cohorte française, une consommation régulière de boissons
"light" à
un risque plus que doublé de contracter un diabète de type 2,
dit
"diabète sucré".
Le résultat est d'autant plus remarquable qu'il
est tout à fait
contre-intuitif : le risque mis au jour est plus
important pour les gros
consommateurs de boissons aux édulcorants que
pour les gros
consommateurs de boissons sucrées classiques. La
consommation de jus de
fruits pressés n'a pas, pour sa part, été
associée à un risque accru de
diabète.
Les auteurs ont
travaillé sur une cohorte de 66 118 femmes, qui ont été
suivies
pendant quatorze ans. Ils n'ont considéré que les cas de diabète
apparus
au cours de la durée du suivi – c'est-à-dire entre 1993 et 2007.
Leurs
résultats associent une consommation moyenne de boissons
édulcorées
supérieure à 1,5 litre par semaine (soit environ cinq
cannettes), à
un risque accru de 130 % de contracter un diabète de type
2, par
rapport aux personnes qui n'en consomment pas.
LA CONSOMMATION DE
FRUITS PRESSÉS SANS RISQUE
Ce risque n'est accru que de 50 %
dans le cas d'un niveau de
consommation équivalent de boissons
sucrées, là encore par rapport à
ceux qui n'en consomment pas. En
revanche, la consommation de fruits
pressés – quel que soit son
niveau – n'est jamais corrélée à un risque
accru de contracter la
maladie. Le risque est même très légèrement diminué.
Les auteurs,
conduits par Françoise Clavel-Chapelon et Guy Fagherazzi
(Inserm,
Institut Gustave-Roussy et université Paris-Sud), ont pris soin
de
corriger ces effets des autres paramètres susceptibles d'influer sur
l'apparition
du diabète sucré : âge, tabagisme, activité physique,
régime
alimentaire, etc.
En l'absence d'un mécanisme consensuel capable
d'expliquer le lien
statistique mis en évidence, les chercheurs ne
prétendent pas démontrer
par ces résultats un lien de causalité
stricto sensu entre la
consommation d'édulcorants et l'augmentation
du risque de diabète. Pour
autant, plusieurs travaux, menés ces
dernières années aux Etats-Unis,
parviennent à des résultats
cohérents avec ceux des chercheurs français.
"UNE ÉTUDE
PARTICULIÈREMENT BIEN FAITE"
"Nous ne faisons que constater un
lien statistique sur une large
population, résume M. Fagherazzi. Un
mécanisme possible est que le
cerveau, leurré par le goût sucré des
édulcorants, enclenche la
sécrétion d'insuline qui fait baisser le
taux de glycémie, à tort
puisqu'il n'y a pas eu d'apport de sucres.
Cette baisse artificielle
pourrait favoriser la prise ultérieure de
sucres pour compenser. Mais
cela n'est qu'une hypothèse."
D'autres
hypothèses – particulièrement mises en avant par les
industriels –
suggèrent une causalité inverse : la consommation
d'édulcorants
serait supérieure chez les individus déjà atteints de
diabète ou
montrant une condition prédiabétique (en particulier
l'obésité), d'où
le lien statistique. La consommation régulière
d'édulcorant pourrait
également favoriser l'attrait pour les aliments
sucrés, favorisant
ainsi, par ricochet, une surconsommation collatérale
de sucres...
Les
résultats présentés par les chercheurs français "ne sont pas
étonnants",
estime Laurent Chevallier, nutritionniste associé au CHU de
Montpellier
(Hérault) et responsable de la commission alimentation du
Réseau
environnement santé (RES). "Ils sont issus d'une étude
particulièrement
bien faite sur une cohorte dont les données n'ont
jamais été
contestées", ajoute-t-il.
L'ASPARTAME EN QUESTION
Sans
surprises, la branche française de l'Association internationale
pour
les édulcorants (ISA France) a vivement réagi, jeudi 7 février, aux
travaux
français, estimant ceux-ci "dignes d'intérêt", mais appelant à
les
considérer "avec prudence". "Lorsque les études sont menées sur des
animaux
et qu'elles trouvent des effets délétères, les industriels
disent
qu'elles ne sont pas transposables à l'homme, ironise M.
Chevallier.
Et quand ce sont des études épidémiologiques qui trouvent de
tels
effets sur l'homme, les industriels demandent à ce qu'elles soient
refaites
avant que l'on puisse tirer des conclusions..."
La publication
de ces travaux tombe à un mauvais moment pour l'Autorité
européenne
de sécurité des aliments (EFSA). Celle-ci a rendu publique,
en
janvier, la version préliminaire de sa première évaluation complète
des
risques présentés par l'aspartame – le principal édulcorant utilisé
par
l'industrie agroalimentaire. Les experts de l'agence de Parme
(Italie)
considèrent qu'en l'état des connaissances, l'aspartame ne
présente
pas de danger, mais leur opinion est ouverte aux commentaires
des
parties prenantes – associations, industriels, scientifiques, etc. –
jusqu'au
15 février.
L'avis définitif de l'EFSA, tenant compte de ces
commentaires, doit être
rendu au printemps. Il est probable que, dans
la semaine, les résultats
des chercheurs français soient opposés aux
experts européens.
Stéphane Foucart
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