lundi 11 février 2013

Sodas lights : risque accru de diabète.

Une consommation régulière de sodas "light" doublerait le risque de diabète

Publié par : LE MONDE
Le : 08.02.2013

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C'est une pièce supplémentaire à l'édifice compliqué du débat sanitaire
sur les édulcorants. Des chercheurs français publient, dans l'édition de
février de la revue American Journal of Clinical Nutrition, les
résultats d'une étude épidémiologique associant, pour la première fois
sur une cohorte française, une consommation régulière de boissons
"light" à un risque plus que doublé de contracter un diabète de type 2,
dit "diabète sucré".

Le résultat est d'autant plus remarquable qu'il est tout à fait
contre-intuitif : le risque mis au jour est plus important pour les gros
consommateurs de boissons aux édulcorants que pour les gros
consommateurs de boissons sucrées classiques. La consommation de jus de
fruits pressés n'a pas, pour sa part, été associée à un risque accru de
diabète.

Les auteurs ont travaillé sur une cohorte de 66 118 femmes, qui ont été
suivies pendant quatorze ans. Ils n'ont considéré que les cas de diabète
apparus au cours de la durée du suivi – c'est-à-dire entre 1993 et 2007.
Leurs résultats associent une consommation moyenne de boissons
édulcorées supérieure à 1,5 litre par semaine (soit environ cinq
cannettes), à un risque accru de 130 % de contracter un diabète de type
2, par rapport aux personnes qui n'en consomment pas.

LA CONSOMMATION DE FRUITS PRESSÉS SANS RISQUE

Ce risque n'est accru que de 50 % dans le cas d'un niveau de
consommation équivalent de boissons sucrées, là encore par rapport à
ceux qui n'en consomment pas. En revanche, la consommation de fruits
pressés – quel que soit son niveau – n'est jamais corrélée à un risque
accru de contracter la maladie. Le risque est même très légèrement diminué.

Les auteurs, conduits par Françoise Clavel-Chapelon et Guy Fagherazzi
(Inserm, Institut Gustave-Roussy et université Paris-Sud), ont pris soin
de corriger ces effets des autres paramètres susceptibles d'influer sur
l'apparition du diabète sucré : âge, tabagisme, activité physique,
régime alimentaire, etc.

En l'absence d'un mécanisme consensuel capable d'expliquer le lien
statistique mis en évidence, les chercheurs ne prétendent pas démontrer
par ces résultats un lien de causalité stricto sensu entre la
consommation d'édulcorants et l'augmentation du risque de diabète. Pour
autant, plusieurs travaux, menés ces dernières années aux Etats-Unis,
parviennent à des résultats cohérents avec ceux des chercheurs français.

"UNE ÉTUDE PARTICULIÈREMENT BIEN FAITE"

"Nous ne faisons que constater un lien statistique sur une large
population, résume M. Fagherazzi. Un mécanisme possible est que le
cerveau, leurré par le goût sucré des édulcorants, enclenche la
sécrétion d'insuline qui fait baisser le taux de glycémie, à tort
puisqu'il n'y a pas eu d'apport de sucres. Cette baisse artificielle
pourrait favoriser la prise ultérieure de sucres pour compenser. Mais
cela n'est qu'une hypothèse."

D'autres hypothèses – particulièrement mises en avant par les
industriels – suggèrent une causalité inverse : la consommation
d'édulcorants serait supérieure chez les individus déjà atteints de
diabète ou montrant une condition prédiabétique (en particulier
l'obésité), d'où le lien statistique. La consommation régulière
d'édulcorant pourrait également favoriser l'attrait pour les aliments
sucrés, favorisant ainsi, par ricochet, une surconsommation collatérale
de sucres...

Les résultats présentés par les chercheurs français "ne sont pas
étonnants", estime Laurent Chevallier, nutritionniste associé au CHU de
Montpellier (Hérault) et responsable de la commission alimentation du
Réseau environnement santé (RES). "Ils sont issus d'une étude
particulièrement bien faite sur une cohorte dont les données n'ont
jamais été contestées", ajoute-t-il.

L'ASPARTAME EN QUESTION

Sans surprises, la branche française de l'Association internationale
pour les édulcorants (ISA France) a vivement réagi, jeudi 7 février, aux
travaux français, estimant ceux-ci "dignes d'intérêt", mais appelant à
les considérer "avec prudence". "Lorsque les études sont menées sur des
animaux et qu'elles trouvent des effets délétères, les industriels
disent qu'elles ne sont pas transposables à l'homme, ironise M.
Chevallier. Et quand ce sont des études épidémiologiques qui trouvent de
tels effets sur l'homme, les industriels demandent à ce qu'elles soient
refaites avant que l'on puisse tirer des conclusions..."

La publication de ces travaux tombe à un mauvais moment pour l'Autorité
européenne de sécurité des aliments (EFSA). Celle-ci a rendu publique,
en janvier, la version préliminaire de sa première évaluation complète
des risques présentés par l'aspartame – le principal édulcorant utilisé
par l'industrie agroalimentaire. Les experts de l'agence de Parme
(Italie) considèrent qu'en l'état des connaissances, l'aspartame ne
présente pas de danger, mais leur opinion est ouverte aux commentaires
des parties prenantes – associations, industriels, scientifiques, etc. –
jusqu'au 15 février.

L'avis définitif de l'EFSA, tenant compte de ces commentaires, doit être
rendu au printemps. Il est probable que, dans la semaine, les résultats
des chercheurs français soient opposés aux experts européens.

Stéphane Foucart

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