Pour les générations nées au milieu du 20e siècle – sans parler de celles qui les ont précédées – la campagne est méconnaissable au regard de celle qu’ils ont connue.
La campagne est un milieu vivant, indépendant de l’homme, avec ses équilibres fragiles, ses lois,…
Toutes les espèces vivantes se sont adaptées à la nature,… et ont disparu en cas de non adaptation. L’homme lui fait exception,… après un temps d’adaptation, il a inversé le rapport et a adapté la nature à ses besoins, ses lois, ses goûts, ses intérêts, ses fantasmes….
L’AGRICULTURE A L’EPREUVE DU PROGRES
Après la longue période des chasseurs/cueilleurs, durant des siècles la pratique agricole, il y a 10 à 12000 ans – fondée sur la sédentarisation - n’a pas fondamentalement changé, même si les structures juridico-sociales ont, elles, largement changé.
Les efforts faits par l’homme pour adapter la nature à ses intérêts n’ont pas eu de conséquences fondamentales sur son environnement. L’activité se faisait au rythme des saisons et largement contrainte par les lois naturelles. Le défrichage pour étendre les zones cultivables, les systèmes d’irrigation, le développement de l’élevage,…ont amélioré les conditions d’existence des hommes sans porter atteinte à l’environnement. Le degré de développement technologique a peu évolué jusqu’au 18e siècle et les pratiques agricoles – largement dominantes dans l’activité humaine – se faisait, de manière générale, en harmonie avec la nature.
Les choses changent radicalement et relativement rapidement à partir de la fin du 18e siècle, date à laquelle les découvertes scientifiques permettent peu à peu de développer les technologies et de, non seulement maîtriser les éléments naturels, mais d’en fabriquer de nouveaux.
L’industrie qui prend alors une place prépondérante dans l’activité humaine, va peu à peu marginaliser l’activité agricole.
DE L’AGRICULTURE A L’AGROALIMENTAIRE
L’agriculture va de son côté bénéficier des apports de l’industrie en matière de technologie – évolution de l’outillage qui se mécanise en en démultipliant les fonctions et l’efficacité, développement de nouvelles pratiques basées sur l’industrie chimique en vue d’accroître les rendements : les engrais, les pesticides,…
Ces nouvelles méthodes et pratiques dans l’agriculture qui vont faire progresser la productivité de manière exponentielle vont à la fois inciter et compenser l’exode rural.
Dés le début du 20e siècle les règles de fonctionnement de l’industrie vont s’appliquer, de manière, spécifique (pas d’accroissement du salariat) à l’agriculture. L’accroissement de la productivité du travail agricole, combinée avec le besoin toujours plus important de force de travail dans l’industrie, sans parler de l’attrait « irrésistible » des lumières de la ville, vont peu à peu dépeupler la campagne.
Les exploitations agricoles vont disparaître à un rythme toujours plus accéléré, les remembrements vont rationaliser l’utilisation de l’espace rural, les remodelages des paysages et l’utilisation massive des engrais et des pesticides vont rentabiliser la terre.
Rentabilité, standardisation, normalisation deviennent le credo de la nouvelle agriculture. Tout est sacrifié à ce nouvel impératif.
Les bons prétextes ne manquent pas pour justifier une telle évolution, et en particulier celui, utilisé après la 2e guerre mondiale, de la « crainte de la pénurie » qui aboutira quelques années plus tard à la situation absurde des surplus alimentaires, de la baisse de la qualité et des catastrophes sanitaires (veau aux hormones, poulet à la dioxine, pesticides dans les fruits, « vache folle »… pour ne citer que les plus célèbres).
Toute cette évolution est en fait l’objectif d’une véritable politique tendant – et réussissant – à faire entrer l’agriculture dans le monde du capital. L’objectif est moins de nourrir que de faire de l’argent avec la nourriture.
Les normes de production qui s’appliquent ainsi à l’agriculture ont pour objectif de favoriser les grandes concentrations – comme dans l’industrie – et d’éliminer les petits producteurs. Bien sûr ceci n’est jamais avoué, mais fait au nom d’une soit disante « efficacité » et « sécurité alimentaire »… alors qu’il est prouvé que l’insécurité alimentaire vient, non pas de l’agriculture traditionnelle mais de l’agriculture industrielle.
Produits normalisés, standardisés, aseptisés, recomposés, issus de processus de fabrication dominés par l’industrie chimique et pharmaceutique constituent aujourd’hui ce que l’on appelle l’agro alimentaire. Des produits conditionnés, déshydratés, bourrés de colorants et de conservateurs, pour certains congelés, livrés à la grande distribution pour des consommateurs pressés, sous informés, conditionnés par la publicité.
UNE CAMPAGNE RECOMPOSEE ET EN DECOMPOSITION
Ce n’est finalement plus d’une campagne qui reflète un mode de vie et une manière de se nourrir sainement dont nous héritons aujourd’hui,… mais de manière générale d’une campagne façonnée par les politiques agricoles fondées sur une nouvelle répartition des cultures en fonction des intérêts financiers et des lois du marché.
La biodiversité des productions a largement disparue. La spécialisation a remodelé l’espace rural. Des secteurs entiers de production, dans certaines régions ont en grande partie disparus (élevage traditionnel, maraîchage autour des villes,…), d’autres se sont hyper développés sous la forme de mono production, mono culture.
Le phénomène n’est évidemment pas que national. Il a ses origines dans les choix politiques qui ont été faits en matière agricole dans la construction européenne. Les mécanismes du marché unique ont éliminés les « cultures les moins rentables », et souvent celles de qualité, au profit de monoproductions « industrialisées » et effectuées avec une main d’œuvre sous payée – exemple : les fruits et légumes en Europe.
C’est probablement en matière d’élevage que les dérives sont les plus graves. Les élevages en batteries, hors sols, avec nourriture industrielle et traitements pharmaceutiques sont devenus la règle… entraînant une baisse considérable de la qualité et des conséquences dramatiques sur l’environnement et la santé.
La pollution de l’environnement par les OGM, des sols par les engrais et l’épandage d’insecticides et fongicides complètent le tableau.
Les Etats sont complices de ces dérives, et en sont même les organisateurs, au nom du système marchand dont ils sont les garants.
Si l’aspect quantitatif de la production y trouve son compte, il n’en est pas de même de la dimension qualitative. Les scandales et affaires sanitaires qui constellent l’histoire de l’industrie agro alimentaire depuis un demi siècle en donnent une parfaite illustration. La différence considérable entre le prix/coûts de production et les prix de marché, le rôle parasite des intermédiaires, les politiques inégalitaires de subvention ont fait de notre système d’alimentation une jungle où règne l’inégalité et les incertitudes pour l’avenir.
Sans réaction, ce système nous conduit à la catastrophe écologique, économique, sanitaire et sociale.
Février 2013 Patrick MIGNARD
Toutes les espèces vivantes se sont adaptées à la nature,… et ont disparu en cas de non adaptation. L’homme lui fait exception,… après un temps d’adaptation, il a inversé le rapport et a adapté la nature à ses besoins, ses lois, ses goûts, ses intérêts, ses fantasmes….
L’AGRICULTURE A L’EPREUVE DU PROGRES
Après la longue période des chasseurs/cueilleurs, durant des siècles la pratique agricole, il y a 10 à 12000 ans – fondée sur la sédentarisation - n’a pas fondamentalement changé, même si les structures juridico-sociales ont, elles, largement changé.
Les efforts faits par l’homme pour adapter la nature à ses intérêts n’ont pas eu de conséquences fondamentales sur son environnement. L’activité se faisait au rythme des saisons et largement contrainte par les lois naturelles. Le défrichage pour étendre les zones cultivables, les systèmes d’irrigation, le développement de l’élevage,…ont amélioré les conditions d’existence des hommes sans porter atteinte à l’environnement. Le degré de développement technologique a peu évolué jusqu’au 18e siècle et les pratiques agricoles – largement dominantes dans l’activité humaine – se faisait, de manière générale, en harmonie avec la nature.
Les choses changent radicalement et relativement rapidement à partir de la fin du 18e siècle, date à laquelle les découvertes scientifiques permettent peu à peu de développer les technologies et de, non seulement maîtriser les éléments naturels, mais d’en fabriquer de nouveaux.
L’industrie qui prend alors une place prépondérante dans l’activité humaine, va peu à peu marginaliser l’activité agricole.
DE L’AGRICULTURE A L’AGROALIMENTAIRE
L’agriculture va de son côté bénéficier des apports de l’industrie en matière de technologie – évolution de l’outillage qui se mécanise en en démultipliant les fonctions et l’efficacité, développement de nouvelles pratiques basées sur l’industrie chimique en vue d’accroître les rendements : les engrais, les pesticides,…
Ces nouvelles méthodes et pratiques dans l’agriculture qui vont faire progresser la productivité de manière exponentielle vont à la fois inciter et compenser l’exode rural.
Dés le début du 20e siècle les règles de fonctionnement de l’industrie vont s’appliquer, de manière, spécifique (pas d’accroissement du salariat) à l’agriculture. L’accroissement de la productivité du travail agricole, combinée avec le besoin toujours plus important de force de travail dans l’industrie, sans parler de l’attrait « irrésistible » des lumières de la ville, vont peu à peu dépeupler la campagne.
Les exploitations agricoles vont disparaître à un rythme toujours plus accéléré, les remembrements vont rationaliser l’utilisation de l’espace rural, les remodelages des paysages et l’utilisation massive des engrais et des pesticides vont rentabiliser la terre.
Rentabilité, standardisation, normalisation deviennent le credo de la nouvelle agriculture. Tout est sacrifié à ce nouvel impératif.
Les bons prétextes ne manquent pas pour justifier une telle évolution, et en particulier celui, utilisé après la 2e guerre mondiale, de la « crainte de la pénurie » qui aboutira quelques années plus tard à la situation absurde des surplus alimentaires, de la baisse de la qualité et des catastrophes sanitaires (veau aux hormones, poulet à la dioxine, pesticides dans les fruits, « vache folle »… pour ne citer que les plus célèbres).
Toute cette évolution est en fait l’objectif d’une véritable politique tendant – et réussissant – à faire entrer l’agriculture dans le monde du capital. L’objectif est moins de nourrir que de faire de l’argent avec la nourriture.
Les normes de production qui s’appliquent ainsi à l’agriculture ont pour objectif de favoriser les grandes concentrations – comme dans l’industrie – et d’éliminer les petits producteurs. Bien sûr ceci n’est jamais avoué, mais fait au nom d’une soit disante « efficacité » et « sécurité alimentaire »… alors qu’il est prouvé que l’insécurité alimentaire vient, non pas de l’agriculture traditionnelle mais de l’agriculture industrielle.
Produits normalisés, standardisés, aseptisés, recomposés, issus de processus de fabrication dominés par l’industrie chimique et pharmaceutique constituent aujourd’hui ce que l’on appelle l’agro alimentaire. Des produits conditionnés, déshydratés, bourrés de colorants et de conservateurs, pour certains congelés, livrés à la grande distribution pour des consommateurs pressés, sous informés, conditionnés par la publicité.
UNE CAMPAGNE RECOMPOSEE ET EN DECOMPOSITION
Ce n’est finalement plus d’une campagne qui reflète un mode de vie et une manière de se nourrir sainement dont nous héritons aujourd’hui,… mais de manière générale d’une campagne façonnée par les politiques agricoles fondées sur une nouvelle répartition des cultures en fonction des intérêts financiers et des lois du marché.
La biodiversité des productions a largement disparue. La spécialisation a remodelé l’espace rural. Des secteurs entiers de production, dans certaines régions ont en grande partie disparus (élevage traditionnel, maraîchage autour des villes,…), d’autres se sont hyper développés sous la forme de mono production, mono culture.
Le phénomène n’est évidemment pas que national. Il a ses origines dans les choix politiques qui ont été faits en matière agricole dans la construction européenne. Les mécanismes du marché unique ont éliminés les « cultures les moins rentables », et souvent celles de qualité, au profit de monoproductions « industrialisées » et effectuées avec une main d’œuvre sous payée – exemple : les fruits et légumes en Europe.
C’est probablement en matière d’élevage que les dérives sont les plus graves. Les élevages en batteries, hors sols, avec nourriture industrielle et traitements pharmaceutiques sont devenus la règle… entraînant une baisse considérable de la qualité et des conséquences dramatiques sur l’environnement et la santé.
La pollution de l’environnement par les OGM, des sols par les engrais et l’épandage d’insecticides et fongicides complètent le tableau.
Les Etats sont complices de ces dérives, et en sont même les organisateurs, au nom du système marchand dont ils sont les garants.
Si l’aspect quantitatif de la production y trouve son compte, il n’en est pas de même de la dimension qualitative. Les scandales et affaires sanitaires qui constellent l’histoire de l’industrie agro alimentaire depuis un demi siècle en donnent une parfaite illustration. La différence considérable entre le prix/coûts de production et les prix de marché, le rôle parasite des intermédiaires, les politiques inégalitaires de subvention ont fait de notre système d’alimentation une jungle où règne l’inégalité et les incertitudes pour l’avenir.
Sans réaction, ce système nous conduit à la catastrophe écologique, économique, sanitaire et sociale.
Février 2013 Patrick MIGNARD
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