Source : Le Monde
Une
centaine de personnalités – scientifiques, artistes, militants, même
l’Eglise catholique – réclament l’interdiction immédiate de tous les
pesticides de synthèse.
Temps de lecture : 3 min
C’est peut-être la première fois qu’un prélat de l’Eglise catholique s’associe à un texte publié par Charlie Hebdo.
L’hebdomadaire satirique devait rendre public, mercredi 12 septembre,
un appel demandant l’interdiction immédiate de tous les pesticides de
synthèse, soutenu par diverses personnalités, dont Marc Stenger…
l’évêque de Troyes. Intitulé « Nous voulons des coquelicots »
et lancé par le chroniqueur Fabrice Nicolino, rescapé de l’attentat du
7 janvier 2015, l’appel se veut non partisan et entend initier « un grand mouvement en faveur de la vie », selon M. Nicolino. « Ce n’est ni l’appel de Charlie ni le mien, dit-il. C’est un appel lancé par des humains à d’autres humains. »
A l’heure actuelle, poursuit le chroniqueur, « le
texte est signé par cent personnes qui ne sont pas particulièrement
connues ou médiatiques, mais qui sont le reflet de la société
française ». Le texte est néanmoins, d’ores et déjà, endossé par
des associations, des personnalités scientifiques ou du monde médical,
ou encore issues de l’univers du spectacle. M. Nicolino cite notamment
Greenpeace, la Fondation GoodPlanet de Yann Arthus-Bertrand, la
fédération d’associations France Nature Environnement, l’animateur
Laurent Baffie, la chanteuse Emily Loizeau, le docteur Pierre-Michel
Périnaud, président de l’association Alerte des médecins sur les
pesticides (ALMP), forte de 1 200 membres, Didier Robiliard, le
président de l’association France-Parkinson, ou encore le sénateur Joël
Labbé (EELV).
« Nous ne reconnaissons plus notre pays »
« Il y a des gens de gauche, mais aussi des personnalités proches de la droite catholique, résume M. Nicolino. Ce
n’est pas un nouvel appel à destination de la galaxie écolo. Il doit
pouvoir être signé par toute personne qui ne veut pas vivre dans un
monde où les gens sont de plus en plus malades, dans un monde sans
oiseaux, sans insectes, sans coquelicots… » Le texte en lui-même est très bref. « Nous ne reconnaissons plus notre pays ; la nature y est défigurée, y lit-on. Le
tiers des oiseaux ont disparu en quinze ans, la moitié des papillons en
vingt ans ; les abeilles et les pollinisateurs meurent par milliards.
Les grenouilles et les sauterelles sont comme évanouies ; les fleurs
sauvages deviennent rares. Ce monde qui s’efface est le nôtre et chaque
couleur qui succombe, chaque lumière qui s’éteint est une douleur
définitive. Rendez-nous nos coquelicots ! Rendez-nous la beauté du
monde ! »
Le
caractère radical de l’exigence portée par l’appel – l’interdiction des
centaines de produits phytosanitaires issus de la chimie de synthèse –
n’a pas dissuadé le docteur Pierre-Michel Périnaud d’y apposer sa
signature. « Il y a quelques années, je n’aurais pas adhéré à une
telle demande, et j’aurais opposé une méthode plus pragmatique
consistant à examiner les produits un par un, confie-t-il. Mais
ce que l’on constate à mesure que les connaissances avancent, c’est que
ce système d’évaluation, promu et imposé par l’industrie, et qui
raisonne substance active par substance active, ne permet pas d’évaluer
les risques réels. Il faudrait un demi-siècle pour réformer ce système,
qui ne contrôle plus rien. Poser d’emblée la sortie des pesticides de
synthèse permet de se placer dans un autre cadre d’action. »
Une action au long cours
Les
premiers signataires entendent faire vivre l’appel pendant plusieurs
mois et se fixent comme objectif de rassembler cinq millions de
signatures en deux ans, par le truchement d’un site Internet en préparation.
Une petite cocarde en tissu, en forme de coquelicot, est aussi en cours
de fabrication. Fabrice Nicolino espère qu’elle deviendra rapidement à
la défense de l’environnement ce que la petite main jaune arborant le
« Touche pas à mon pote » de SOS-Racisme a été à l’antiracisme. D’autres
initiatives sont en cours. Emily Loizeau confie travailler à l’écriture
d’une chanson qui, « si le résultat est à la hauteur de la cause »,
dit-elle, accompagnera le mouvement. Un bref ouvrage en forme de
plaidoyer, coécrit par Fabrice Nicolino et le militant anti-pesticides
François Veillerette, paraît également ces jours-ci (Nous voulons des coquelicots, LLL, 126 p., 8 €).
Outre la publication de l’appel, Charlie Hebdo
consacrera l’ensemble de son édition du 12 septembre aux pesticides et
publiera les résultats de l’analyse de mèches de cheveux prélevées dans
la rédaction, dans lesquelles des traces de « phytos » ont été
recherchées. « Tout le monde en est farci », prévient Fabrice Nicolino.
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