Le Conseil national de la Résistance fut réactivé l'été 2008. Le CNR en Midi-Pyrénées est la déclinaison régionale de ce réseau organisé pour mener une résistance créatrice d'alternatives. Nous contribuons ainsi par notre action politique coopérative à construire Un Autre Monde...
"Créer, c'est Résister. Résister, c'est créer."
Une opération d'habitat participatif de près de 90 logements va sortir
de terre au sein de l'écoquartier de la Cartoucherie. Grâce au dynamisme
des futurs habitants de la Jeune
Pousse, au travail de l'AERA, à l'engagement de la SA de Chalets, cette
initiative que j'ai défendue pendant le précédent mandat se concrétise.
La première pierre est posée et elle est riche d'espoirs et de
promesses. C'est sans doute l'opération la plus importante, par sa
taille, en France. Elle mixe l'accession à la propriété, le logement
social, les valeurs écocitoyennes, la mixité sociale et générationnelle.
L'objectif que j'avais défini dans l'écoquartier était d'atteindre 10 %
de logements réalisés par ce montage participatif. Espérons que la
municipalité saura lancer de nouveaux appels à projets pour permettre à
d'autres personnes de bénéficier de cette possibilité d'habiter
différemment à Toulouse et dans l'agglomération.
Les futurs habitants de la première résidence 100 % habitat participatif de Toulouse
ont posé sa première pierre hier à la Cartoucherie. Parmi les 89
logements, 17 sont dévolus à la première coopérative d'habitants de la
région.
Ils s'appellent Thomas, Chantal, Ludovic, Pierre, Rachel ou
Françoise, ils sont 21, âgés de 0 à 80 ans, et ont choisi d'habiter
différemment. Dans 18 mois, ils emménageront dans la résidence les
«Quatre Vents», dont la première pierre a été posée hier dans le
quartier de la Cartoucherie. Une résidence particulière, où chacun
occupera son propre appartement, mais qui sera équipée de nombreux
locaux communs : chambres d'amis à chaque étage, lave-linge, grande
pièce de 55 m2 avec atelier de bricolage, jardin sur le toit… La liste
peut encore s'allonger à l'infini, puisque tous ces habitants ont fait
le choix de vivre la ville autrement. De partager tout ce qui peut
l'être. Les 21 membres de la coopérative «Abricoop» sont enseignant,
retraité, ingénieur, chauffeur, ou parent au foyer, et ils ont dessiné
leur immeuble et leurs appartements avec l'architecte du lieu. C'est
l'un des avantages de l'habitat participatif.
«C'est
aussi de longues soirées de travail, des week-ends à se réunir pour
discuter de tout : couleur des murs, taille des prises, équipements»,
raconte Thomas, l'un des piliers du projet.
«Nous voulons sortir du chacun chez soi. Partager nos
connaissances, que les jeunes aident les vieux pour les tâches trop
physiques, que les vieux aident les enfants à faire leurs devoirs»,
évoque Chantal, une autre «abricoopine».
Après cinq ans de travaux en commun, la première pierre a
été un moment d'émotion. «C'est la concrétisation de nos envies, nous
allons suivre le chantier de près», avoue Thomas. «Cet habitat
participatif, je souhaite que la communauté continue de l'encourager», a
déclaré Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la
Métropole. «Nous allons continuer à développer ce type d'habitat, qui
réintroduit du lien social», a affirmé le directeur général du groupe
«Les Chalets», Jean-Paul Coltat. Le groupe a déjà inauguré deux
résidences «participatives» à Balma et Ramonville, et travaille sur des
projets à Toulouse-Bellefontaine et Balma. Avec l'avantage pour les
habitants de pouvoir, en plus, profiter de l'accession sociale à la
propriété. Une initiative rafraîchissante.
La première pierre de «Quatre Vents» posée hier
La première pierre de l'ensemble «Quatre vents» a été posée
hier dans le nouveau quartier de la Cartoucherie à Toulouse, en présence
du maire de Toulouse et président de la Métropole, et du directeur
général du groupe Les Chalets. Il est situé dans la première tranche du
quartier, à proximité d'immeubles déjà habités, et du futur groupe
scolaire. L'ensemble comprend 89 appartements, dans quatre bâtiments.
C'est la troisième résidence comprenant de l'habitat participatif
réalisée par le groupe Les Chalets, après Balma et Ramonville. Les
habitants disposeront de pièces communes (pièce de vie, musique, chambre
d'amis) et collaboreront pour l'entretien des espaces verts communs.
Lena travaille dans le centre d’appel d’une grande
mutuelle d’assurance. Depuis l’intervention d’une société de conseil en
management, les conditions de travail s’y sont terriblement dégradées,
en même temps qu’est apparue une optimisation maximale de tout. Alors,
Lena a claqué la porte.
1ère diffusion le 4/02/2013
Reportage : Bahar Makooi
Réalisation : Assia Khalid (Vincent Abouchar)
Chanson de fin : "Golden phone" par le groupe Micachu - Album : "Golden phone". Des nouvelles : Lena (nom d'emprunt) va
mieux depuis qu'elle a quitté la mutuelle. Elle travaille désormais dans
un restaurant parisien, directement en contact (humain) avec les
clients. Elle peut leur parler, leur sourire... pour de vrai et sans
avoir à leur mentir !
« La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas »
En France,
l’opposition à la réforme du code du travail et l’occupation des places
par le mouvement Nuit debout ont convergé dans le refus d’une vision
étriquée de la politique : évanouissement des espérances collectives
dans le trou noir électoral, aménagement à la marge de l’ordre social.
Assiste-t-on à la fin d’un cycle marqué par des revendications toujours
plus limitées et jamais satisfaites ?
par Pierre Rimbert
Demander
peu et attendre beaucoup : dix-huit ans après la création de
l’association Action pour une taxe Tobin d’aide aux citoyens (Attac), en
juin 1998, le prélèvement de 0,01 % à 0,1 % sur les transactions financières inspiré par l’économiste James Tobin pour « jeter du sable dans les rouages » des marchés tarde à voir le jour (lire « En attendant la taxe Tobin »).
La forme édulcorée que négocient sans enthousiasme les cénacles
européens rapporterait une fraction du montant (plus de 100 milliards
d’euros) initialement escompté.
Mais, au fait, pourquoi avoir placé la barre si bas ? Pourquoi avoir tant bataillé pour l’introduction d’une si légère friction dans la mécanique spéculative ?
Le confort du regard rétrospectif et les enseignements de la grande
crise de 2008 suggèrent que l’interdiction pure et simple de certains
mouvements de capitaux parasitaires se justifiait tout autant.
Cette prudence revendicative reflète l’état d’esprit d’une époque où
le crédit d’une organisation militante auprès d’un public urbain et
cultivé se mesurait à sa modération. Avec l’effondrement de l’Union
soviétique, la fin de la guerre froide et la proclamation par les
néoconservateurs américains de la « fin de l’histoire »,
toute opposition frontale au capitalisme de marché se trouvait frappée
d’illégitimité, non seulement aux yeux de la classe dirigeante, mais
aussi auprès des classes moyennes désormais placées au centre du jeu
politique. Pour convaincre, pensait-on, il fallait se montrer « raisonnable ».
Certes, la fameuse taxe infradécimale — 0,1 %
— présente dans son inaboutissement même une vertu pédagogique
incontestable : si l’ordre économique s’obstine à refuser un aménagement
aussi modique, c’est qu’il est irréformable — et donc à révolutionner.
Mais pour provoquer cet effet de révélation, il fallait jouer le jeu et
se placer sur le terrain de l’adversaire, celui de la « raison économique ».
L’idée d’un ordre à contester avec modération s’imposait en France avec
d’autant plus d’évidence que l’initiative politique avait changé de
camp. Depuis le tournant libéral du gouvernement de Pierre Mauroy, en
mars 1983, non seulement la gauche a cessé d’avancer des propositions
susceptibles de « changer la vie »,
mais les dirigeants politiques de toutes obédiences font pleuvoir sur
le salariat une grêle de restructurations industrielles, de
contre-réformes sociales, de mesures d’austérité budgétaire. En l’espace
de quelques années, le rapport à l’avenir bascule.
La révolte des sidérurgistes de Longwy contre les fermetures d’usines
en 1978-1979 traçait, par son inventivité, l’épure d’une
contre-société (1).
Celle tout aussi massive des ouvriers du fer en 1984 ne caresse plus le
rêve de transformation sociale. L’heure des combats défensifs a sonné,
au début des années 1980 en France comme en Allemagne après la mise au
pas de l’opposition extraparlementaire, en 1985 au Royaume-Uni après
l’échec de la grande grève des mineurs. Il s’agit dès lors de rendre la
vie un peu moins dure, de se retrancher pour atténuer le rythme et
l’impact des déréglementations, des privatisations, des accords
commerciaux, de la corrosion du droit du travail. Indispensable
préalable, la sauvegarde des conquêtes sociales dicte son urgence et
s’impose peu à peu comme l’horizon indépassable des luttes.
Définir ce que l’on désire vraiment
En 1995, à la veille de l’élection présidentielle, même les partis
qui s’étaient réclamés du communisme se résignent à ne plus mettre en
avant que des revendications comme l’interdiction des licenciements,
l’augmentation du salaire minimum et la baisse du temps de travail dans
un cadre salarial inchangé. Emmené par la Confédération générale du
travail (CGT) et Solidaires, le mouvement victorieux de
novembre-décembre 1995 contre la réforme de la Sécurité sociale conduite
par M. Alain Juppé souleva un temps l’hypothèse d’un passage de relais
d’une gauche politique exsangue à une gauche syndicale revigorée. La
suite fut plutôt marquée par l’essor de l’altermondialisme.
L’approche internationale de ce mouvement, son calendrier de
rassemblements et ses nouvelles manières de militer reposaient sur un
principe distinct à la fois des affrontements idéologiques
post-soixante-huitards et des indignations morales façon Restos du
cœur : la contre-expertise, appuyée sur des analyses savantes bien
faites pour convaincre des sympathisants plus familiers des
amphithéâtres que des chaînes de montage. Avec ses économistes et ses
sociologues, son sigle en pourcentage et ses déchiffrages, ses
antimanuels et ses universités d’été, Attac se donnait pour mission de
populariser une critique experte de l’ordre économique. A chaque
décision gouvernementale affaiblissant les services publics, à tout
accord de libre-échange concocté en douce par les institutions
financières internationales répondaient d’impeccables argumentaires, des
dizaines d’ouvrages, des centaines d’articles.
Qu’il s’agisse d’inégalités, de politique internationale, de racisme,
de domination masculine, d’écologie, chaque secteur protestataire
exhibe depuis cette époque ses penseurs, ses universitaires, ses
chercheurs, dans l’espoir de crédibiliser ses choix politiques par
l’onction de la légitimation savante. Cette critique, conjuguée à la
dégradation des conditions de vie, a permis de mobiliser des populations
politiquement inorganisées, mais qui se découvraient vulnérables à une
mondialisation dont la violence se concentrait jusque-là sur le monde
ouvrier.
Le mouvement, auquel Le Monde diplomatique fut étroitement
associé, aura convaincu de son sérieux, remporté des victoires dans le
monde intellectuel, dans les livres, dans la presse, et même percé
l’écran des journaux télévisés. Il aura passé un temps infini à répéter
des évidences tandis que ses adversaires, sans scrupules et sans
relâche, mettaient en œuvre leurs « réformes ».
Comme l’avait suggéré la vague contre-culturelle des années 1970, un
ordre politique de droite s’accommode fort bien de best-sellers de
gauche. Opposer sa bonne volonté savante à la mauvaise foi politique de
l’adversaire aura sans doute rendu la critique plus audible. Mais pas
plus efficace, comme en fera l’amère expérience, en 2015, le ministre
des finances grec Yanis Varoufakis, dont les raisonnements
académiquement homologués ne pesèrent pas bien lourd face à
l’acharnement conservateur de l’Eurogroupe (2).
Sur la fresque idéologique qui couvre la période 1995-2015 coexistent
deux éléments contradictoires. D’un côté, une repolitisation
frémissante, puis bouillonnante, qui se traduit par une succession de
luttes et de mouvements sociaux massifs : 1995 (Sécurité sociale), 1996
(sans-papiers), 1997-1998 (chômeurs), 2000-2003 (sommet de la vague
altermondialiste), 2003 (retraites), 2005 (banlieues, campagne contre le
traité constitutionnel européen), 2006 (étudiants précaires), 2010
(retraites à nouveau), 2016 (droit du travail), rejet des grands projets
inutiles (en particulier depuis 2012). De l’autre, des institutions
contestataires fragilisées : forces syndicales dos au mur, mouvement
social tourné — ou détourné — vers l’expertise, partis de la gauche
radicale enlisés dans les sables d’un jeu institutionnel discrédité. Le
souffle, les espoirs, l’imagination et la colère des uns ne résonnent
pas dans les slogans, les livres et les programmes des autres.
Tout se passe comme si trente années de batailles défensives avaient
privé les structures politiques de leur capacité à proposer, fût-ce dans
l’adversité, une visée de long terme désirable et enthousiasmante — ces
« jours heureux »
qu’avaient imaginés les résistants français au début de l’année 1943.
Dans un contexte infiniment moins sombre, nombre d’organisations et de
militants se sont résignés à ne plus convoiter l’impossible, mais à
solliciter l’acceptable ; à ne plus aller de
l’avant, mais à souhaiter l’arrêt des reculs. A mesure que la gauche
érigeait sa modestie en stratégie, le plafond de ses espoirs s’abaissait
jusqu’au seuil de la déprime. Ralentir le rythme des régressions :
tâche nécessaire, mais perspective d’autant moins encourageante qu’elle
fait ressembler l’« autre monde possible » au premier, en un peu moins dégradé. Symbole d’une époque, la précarité a déteint sur le combat idéologique — « précaire », du latin precarius : « obtenu par la prière »…
Assiste-t-on à l’achèvement de ce cycle ?
La germination de mouvements observée sur plusieurs continents depuis
le début des années 2010 a fait émerger un courant, minoritaire mais
influent, las de ne demander que des miettes et de ne récolter que du
vent. A la différence des étudiants d’origine bourgeoise de Mai 68, ces
contestataires ont connu ou connaissent la précarité dès leurs études.
Et, contrairement aux processionnaires des années 1980, ils ne redoutent
guère l’assimilation du radicalisme aux régimes du bloc de l’Est ou au « goulag » :
tous ceux qui, parmi eux, ont moins de 27 ans sont nés après la chute
du mur de Berlin. Cette histoire n’est pas la leur. Souvent issus des
franges déclassées des couches moyennes produites en masse par la crise,
ils et elles font retentir au cœur des assemblées générales, des sites
Internet dissidents, des « zones à défendre »,
des mouvements d’occupation de places, et jusqu’aux marges des
organisations politiques et syndicales, une musique longtemps mise en
sourdine.
Ils disent : « Le monde ou rien » ; « Nous ne voulons pas les pauvres soulagés, nous voulons la misère abolie », comme l’écrivit Victor Hugo ;
pas seulement des emplois et des salaires, mais contrôler l’économie,
décider collectivement ce que l’on produit, comment on le produit, ce
qu’on entend par « richesse ».
Non pas la parité femmes-hommes, mais l’égalité absolue. Non plus le
respect des minorités et des différences, mais la fraternité qui élève
au rang d’égal quiconque adhère au projet politique commun. Point d’« écoresponsabilité »,
mais des rapports de coopération avec la nature. Pas un néocolonialisme
économique habillé en aide humanitaire, mais l’émancipation des
peuples. En somme : « Nous voulons tout »,
ambition qui déborde si largement le champ de vision politique habituel
que beaucoup l’interprètent comme l’absence de toute revendication.
Si placer la barre au ciel plutôt qu’au sol n’accroît pas d’un pouce
les chances de réussite, ce déplacement présente un double intérêt.
Confinée pour le moment sur les bas-côtés de la contestation et hostile
par principe à l’organisation politique, la résurgence radicale
influence les partis par capillarité, à l’instar du fil qui relie le
mouvement Occupy Oakland — le plus ouvrier du genre aux Etats-Unis — aux
militants qui soutiennent le candidat démocrate Bernie Sanders dans le
cadre très institutionnel de la campagne présidentielle. Mais surtout,
ce regain renforce les batailles défensives quand ceux qui les mènent
dans des conditions difficiles peuvent à nouveau s’appuyer sur une visée
de longue portée et, à défaut de projet tout ficelé, sur des principes
de transformation qui illuminent l’avenir. Car vouloir tout, quand bien
même on n’obtiendrait rien dans l’immédiat, c’est s’obliger à définir ce
que l’on désire vraiment plutôt que ressasser ce que l’on ne supporte
plus.
On aurait tort de voir dans cette bascule un glissement de l’action
revendicative vers un idéalisme incantatoire : elle rétablit en réalité
la lutte sur ses bases classiques. Que la gauche n’évolue plus qu’en
formation défensive fait figure d’exception historique. Depuis la fin du
XVIIIe siècle, les partis politiques, puis les syndicats, ont toujours
tâché d’articuler objectifs stratégiques de long terme et batailles
tactiques immédiates. En Russie, les bolcheviks assignent le premier
rôle au parti et confinent les organisations de travailleurs au second.
En France, les anarcho-syndicalistes intègrent « cette double besogne, quotidienne et d’avenir ». D’un côté, explique en 1906 la charte d’Amiens de la CGT, le syndicalisme poursuit « l’œuvre revendicatrice quotidienne (…) par la réalisation d’améliorations immédiates ». De l’autre, « il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ».
Comme l’observait l’historien Georges Duby, « la trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas ».
En politique, le rêve sans le pas se dissipe dans le ciel brumeux des
idées, mais le pas sans le rêve piétine. Le pas et le rêve dessinent un
chemin : un projet politique.
A cet égard, les idées mises au clou par la gauche et réactivées par
les mouvements de ces dernières années prolongent une tradition
universelle de révoltes égalitaristes. En avril, un panneau destiné à
collecter les propositions des participants à la Nuit debout, place de
la République à Paris, proclamait : « Changement de Constitution », « Système socialisé de crédit », « Révocabilité des élus », « Salaire à vie ». Mais aussi : « Cultivons l’impossible », « La nuit debout deviendra la vie debout » et « Qui a du fer a du pain » — aux accents blanquistes.
Espoirs de convergence
Au-delà des socialismes européens, utopique, marxiste ou anarchiste,
un pointillé thématique relie les radicaux contemporains à la cohorte
des silhouettes insurgées qui hantent l’histoire des luttes de classes,
de l’Antiquité grecque aux premiers chrétiens, des qarmates d’Arabie
(Xe-XIe siècle) aux confins de l’Orient. Quand le paysan chinois Wang
Xiaobo prend en 993 la tête d’une révolte à Qingcheng (Sichuan), il
déclare qu’il est « las de l’inégalité qui existe entre les riches et les pauvres » et qu’il veut « la niveler au profit du peuple ».
Les rebelles appliqueront sur-le-champ ces principes. Presque un
millénaire plus tard, la révolte des Taiping, entre 1851 et 1864,
conduira à la formation temporaire d’un Etat chinois dissident fondé sur
des bases analogues (3).
Tout comme en Occident, ces insurrections faisaient converger des
intellectuels utopistes opposant de nouvelles idées à l’ordre établi et
des pauvres révoltés décidés à imposer l’égalité à coups de fourche.
La tâche, de nos jours, s’annonce assurément moins rude. Un siècle et
demi de luttes et de critiques sociales a clarifié les enjeux et imposé
au cœur des institutions des points d’appui solides. La convergence
tant désirée entre classes moyennes cultivées, monde ouvrier établi et
précaires des quartiers relégués ne s’opérera pas autour des partis
sociaux-démocrates expirants, mais autour de formations qui se doteront
d’un projet politique capable de faire briller à nouveau le « soleil de l’avenir ». La modération a perdu ses vertus stratégiques. Etre raisonnable, rationnel, c’est être radical.
L’existence de notre journal ne peut pas uniquement dépendre du
travail de la petite équipe qui le produit, aussi enthousiaste
soit-elle. Nous savons que nous pouvons compter sur vous.
(3) Cf. « Les traditions égalitaires et utopiques en Orient », dans Jacques Droz (sous la dir. de), Histoire générale du socialisme, tome 1, Presses universitaires de France, Paris, 1972.
Article modifié le 11 mai 2016 pour ajouter la campagne contre le
traité constitutionnel européen (TCE) au mobilisations de l’année 2005.
TV DEBOUT – La
TV Debout a lancé jeudi 26 mai son journal quotidien. Pour cette
première édition, Mehdi et Nathalie ont fait un bilan des manifestations
et des nombreux blocages de raffineries et autres entreprises. Ils ont
parlé du blocage de la parution des journaux par la CGT, de la mise en
examen du fils Balkany ou encore des tergiversations des hommes
politiques sur l’assouplissement de la « Loi Travail ».
Un JT qui donne une autre vision de l’actualité de Nuit Debout à retrouver tous les jours à partir de 20h30 en direct sur le YouTube de TV Debout.
Mardi 31 Mai à 18h30 au CCHa 5 rue St-Pantaléon, 31000 Toulouse Métro ligne A - Arrêt Capitole
Les Compagnons Bâtisseurs gèrent et animent un Atelier Solidaire dans le quartier d’Empalot, à Toulouse.
Ce premier projet répond à 3 objectifs:
- Le développement social qui visant à favoriser l’amélioration du cadre de vie.
- Le développement économique avec la création d’une activité innovante
au cœur du quartier d’Empalot, en impliquant les personnes les plus
exclues dans l’amélioration de leur habitat.
- La protection de l’environnement à travers la baisse des consommations énergétiques.
À
l'occasion des journées de l'habitat participatif en Europe, la
coopérative d'habitants «mas coop» de Beaumont sur Lèze, vous ouvre ses
portes samedi de 10h à 18h au 1171 route d'Eaunes.
À 11h : projection du film «l'habitat participatif : 1+1=3» avec des
témoignages des acteurs des éco-quartiers de Strasbourg, suivi d'un
moment d'échanges autour du verre du vivre-ensemble. Auberge espagnole
pour un déjeuner convivial.
De 14h30 à 16h30, Bruno Thouvenin animera un atelier de
sensibilisation à l'habitat participatif, avec au programme : «De quoi
parle-t-on ? Un tour d'horizon des différentes formes de l'habitat
participatif», «Par où s'y prendre pour démarrer un projet ? Les grandes
étapes du processus» et «Quelles sont les principales questions à se
poser avant de se lancer ?» Contacter Cécile au064151 1326
La Dépêche du Midi
En
savoir plus sur
http://www.ladepeche.fr/article/2016/05/26/2351962-habitat-participatif-mas-coop-ouvre-ses-portes.html#MgXyEZIZCi0icYFd.99
« En Belgique, la loi « travail » s'appelle Loi Peeters. Le projet de loi du Ministre de L’Emploi
Kris Peeters permettrait entre autres d'augmenter le temps de travail
hebdomadaire à 45 heures, instaurer un contrat zéro heures ou créer un
contrat intérimaire à durée indéterminée. Et comme en France, la
mobilisation sociale et syndicale est au rendez-vous. »
ll n'y a pas de hasard : nous « devons » tous nous mettre aux mêmes normes que les USA, pour accueillir par la suite le TAFTA.
Sauf que cette fois-ci, nous disons tous NON !
Tous contre ce système néolibéral ! Tous contre l'oligarchie !
Tous contre leur Nouvel Ordre Mondial ! (Sarkozy, tu as tort ; nous
sommes nombreux à « s'y opposer » (pour celles et ceux qui ne savent pas
ce qu'il a dit, voir https://www.youtube.com/watch?v=hnIRVXIfNEo)) Tous pour une Démocratie Participative ! Tous pour leur foutre au cul !
Et n'oubliez jamais ceci : « Un peuple uni ne sera jamais vaincu ! »
Ci-dessous la prise de position de l’intersyndicale contre la loi Travail.
Un peu plus bas, l’appel du
Comité confédéral national (CCN) de la CGT réuni les 24 et 25 mai 2016,
les communiqués de la CGT-Force ouvrière et de l’Union syndicale
Solidaires Communiqué CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL
Toujours déterminé-es : Amplifier la mobilisation, faire respecter la démocratie !
vendredi 20 mai 2016
Après plus de deux mois de mobilisation des salarié-es, des jeunes,
des privé-es d’emploi et des retraité-es, la mobilisation se poursuit et
s’amplifie comme le montre cette journée du 19 mai.
Cette semaine, le développement d’actions, de grèves dans de nombreux
secteurs et de blocages pour obtenir le retrait du projet de loi
travail et l’obtention de nouveaux droits, montre que la détermination
reste intacte.
L’opinion publique reste massivement opposée à cette loi Travail et à l’utilisation autoritaire du 49.3 par le gouvernement.
Le gouvernement n’a pas d’autre issue que celle du dialogue avec les
organisations qui luttent pour le retrait de ce projet de loi et pour
être écoutées sur les revendications qu’elles portent. C’est pourquoi
les organisations CGT, FO, FSU, Solidaires et les organisations de
jeunesse, UNEF, UNL et FIDL en appellent solennellement au Président de
la République.
Des secteurs professionnels sont engagés dans un mouvement de grève
reconductible, d’autres vont entrer dans l’action. Les organisations
appellent le 26 mai prochain à une journée nationale de grève,
manifestations et actions.
Les organisations décident de renforcer l’action par une journée de
grève interprofessionnelle avec manifestation nationale à Paris le 14
juin, au début des débats au Sénat. Elles appellent à multiplier d’ici
là, sur tout le territoire, des mobilisations sous des formes
diversifiées.
Elles décident également une grande votation dans les entreprises,
les administrations et les lieux d’étude qui se déroulera dans les
semaines à venir en parallèle au débat parlementaire afin de poursuivre
avec les salarié-es et les jeunes les débats sur la loi Travail, obtenir
le retrait de ce texte pour gagner de nouveaux droits permettant le
développement d’emplois stables et de qualité.
La loi doit notamment préserver la hiérarchie des normes, élément protecteur pour tous et toutes les salarié-es.
Cette votation sera remise lors d’un nouveau temps fort qu’elles décideront prochainement.
Les organisations invitent leurs structures à poursuivre la tenue
d’assemblées générales avec les salarié-es pour débattre des modalités
d’actions, de la grève et de sa reconduction.
Elles se retrouveront rapidement pour assurer l’organisation et la réussite de ces mobilisations et initiatives.
Les Lilas, 19 mai 2016
Appel du CCN aux syndicats et aux militants de la CGT
La mobilisation contre le projet de loi Travail rassemble toujours plus de salariés et s’enracine durablement.
Le mépris et l’agressivité qu’exprime le gouvernement contre le
mouvement social et les organisations syndicales parties-prenantes est
inacceptable ! Interdictions de manifester, levées des piquets de grève,
charges des forces de l’ordre : la volonté est bien de faire plier et
d’étouffer le mouvement social. Cette perte de sang-froid est le signe
d’un gouvernement aux abois ! La réponse des salariés ne s’est pas fait
attendre : multiplication des décisions de grève et d’actions.
Le CCN rappelle que le droit de grève est un droit constitutionnel. Le
CCN apporte tout son soutien aux salariés mobilisés. Il condamne
unanimement la violence déployée par le gouvernement pour briser
l’action collective des salariés, notamment dans le secteur pétrolier, à
l’image de la répression violente qui s’est produite à Fos ce matin.
Dans le même temps, ce week-end, le gouvernement a été contraint de
répondre à la revendication des salariés du transport concernant la
rémunération des heures supplémentaires. Ce recul démontre que :
– la lutte paie et c’est une excellente nouvelle pour les milliers de
salariés qui luttent pour le retrait du projet de loi travail. Cela doit
évidemment encourager l’ensemble des salariés à rejoindre le mouvement.
– Le projet de loi a bel et bien un impact majeur sur le quotidien de
tous les salariés, en particulier leur rémunération. Le gouvernement a
été obligé de l’avouer : c’est le dumping social généralisé !
Elargir, durcir la mobilisation, c’est multiplier la tenue d’assemblées
générales partout avec les salariés sur leur cahier revendicatif. Cela
nécessite l’engagement de toute la CGT, militants, élus, mandatés et
syndiqués.
Transformer leur opposition au projet de loi régressif, c’est impulser
la votation citoyenne qui va être organisée dans les entreprises et les
administrations mais aussi sur les lieux d’étude et dans les lieux
publics, partout dans le pays.
Les organisations du CCN, réunies le 24 et 25 mai, appellent tous les syndicats à poursuivre et amplifier la mobilisation :
– ils multiplieront les assemblées générales avec les salariés pour décider des suites du mouvement ;
– ils créeront les conditions de la réussite des prochaines journées
d’action : celle du 26 mai, la manifestation unitaire à Paris le 14
juin, et toutes celles qui seront proposées dans l’intervalle comme dès
la semaine prochaine à la RATP, dans l’aviation civile, les Cheminots…
– ils inciteront les salariés et la population à participer à la
votation citoyenne pour manifester leur opposition à la loi travail et
imposer un code du travail du XXIème siècle.
Une nouvelle journée de mobilisation permettra la remise de cette
votation pendant le débat parlementaire, après le 14 juin. C’est une
nouvelle perspective pour permettre à encore plus de salariés, jeunes,
privés d’emploi, retraités de s’engager dans la mobilisation.
Partout dans le pays, dans les entreprises, dans les administrations,
les localités, de nombreuses initiatives sont menées pour amplifier la
lutte et obtenir le retrait du projet de loi et l’ouverture de
négociations porteuses de progrès social. Toutes ces actions doivent
renforcer celles déjà engagées par de nombreux secteurs.
La victoire est à portée de main. Montreuil, le 24 mai 2016
Communiqué de FO
Force Ouvrière soutient la mobilisation et la multiplication des actions pour le retrait du projet de loi travail
Manifestation
contre la loi Travail du 19 mai 2016 à Paris. Photographie : F. Blanc /
FO Hebdo – CC BY-NC 2.0 – flickr.com/force-ouvriere
La confédération Force Ouvrière apporte son soutien à l’ensemble des
salariés en grève qui mènent actuellement des actions contre ce projet
de loi.
Le bras de fer continue face au comportement de blocage du gouvernement.
C’est avec détermination à la fois dans l´action et en réclamant le
dialogue que Force Ouvrière continue la mobilisation et appelle à
l’amplifier.
Les manifestations du 26 mai et la journée de grève
interprofessionnelle et de manifestation nationale du 14 juin prochain
seront autant de moments forts pour exprimer mécontentement et
revendications.
Force Ouvrière appelle l’ensemble des salariés à rejoindre les actions de ces deux journées.
Union syndicale Solidaires : Le 26 mai, avant et après, on continue, on renforce la grève !
L’intersyndicale nationale interprofessionnelle appelle à une nouvelle journée de grève et de manifestations le jeudi 26 mai.
Sans attendre une semaine de plus, l’Union syndicale Solidaires
soutient tou-tes les salarié-es déjà en grève reconductible et appelle à
renforcer ce mouvement partout où c’est possible.
Il en est de même pour la manifestation nationale du 14 juin : pour
l’Union syndicale Solidaires, il ne s’agit pas d’en faire la perspective
d’un enterrement du mouvement ; au contraire, en étendant et renforçant
la grève, donnons-nous les moyens que ce soit la manifestation fêtant
l’abandon du projet de loi Travail et qui aidera à imposer nos propres
revendications et non plus celles des patrons !
Plus vite nous frapperons fort et bloquerons l’économie et les profits des patrons et actionnaires, plus vite nous gagnerons !
26 février 2016 Loi « Travail » : vers un million de personnes qui disent NON MERCI ? (0)
Le projet de loi "travail" de Myriam El Khomri soulève un tollé
syndical, citoyen et politique. Nous continuons à publier des prises de
position syndicales, ou donner des dates d'action. […]
25 mars 2016 Pas de répit contre la loi Travail : vers le 31 mars et suites… (0) Après
la journée du 24 mars 2016 marquée par plusieurs scènes de répression
policière contre les jeunes, le débat commence sur la journée du 31 mars
et ses suites possibles. Revue des […]
Quand la plupart des
réalisateurs luttent contre les fuites sur internet, d’autres font du
web leur allié. Le cinéaste britannique Ken Loach a choisi d’être de
ceux-là et de couper l’herbe sous les pieds des hackers en mettant tous
ses films en ligne. L’occasion de se replonger dans la filmographie de
ce militant
En cinquante ans de carrière, Ken Loach a raconté de nombreux
chapitres de l’Angleterre du XXe siècle, avec une nette préférence pour
ceux que l’histoire a passés sous silence. "C'est important, aujourd'hui
de faire entendre une autre voix. On ne peut pas aborder les crises
politiques actuelles sans connaître celles du passé", expliquait-il à Télérama en juin 2014.
Depuis février 2015, il rend visible plus d’une dizaine de ses films sur YouTube,
une façon de prendre à contre-pied le piratage illégal mais aussi
l’élitisme culturel. Dommage cependant que, pour des raisons de droits,
on ne puisse pas voir ses films dans tous les pays du monde (en France
ou en Belgique par exemple)...
Retour en image sur quelques films
qui l’ont érigé pour toujours au rang des colosses cinématographiques
(et de quoi bien commencer l'exploration de sa filmographie)
Un
projet de loi Front de gauche visant à imposer un écart maximum de
salaire de un écart de 1 à 20 a été rejeté seulement une voix près, dans
une Assemblée quasi vide. 18 députés ont refusé de légiférer malgré les
scandales provoqués par les rémunérations indécentes des PDG du Cac 40.
«
Comment un dirigeant d'entreprise, tel que le PDG de Renault-Nissan ou
celui de SANOFI, peut-il percevoir, quelles que soient ses qualités,
une rémunération totale de 43 000 euros par jour, 365 jours par an !
Plus de 15 millions d’euros. Cela représente une échelle de salaire de 1
à 860 » expliquait mercredi à l’Assemblée Gaby Charroux, député Front
de gauche. « Tandis que le SMIC a augmenté de seulement 68 euros en 4
ans, les rémunérations des plus hauts dirigeants d'entreprises n'ont
cessé de croître dans des proportions inacceptables alors qu'ils mènent
souvent des politiques sociales et salariales qui ne cessent de réduire
l’emploi et de contenir les salaires. »
En conséquence, le groupe front de gauche proposait au vote ce jeudi
un texte de loi visant à limiter l’écart des salaires dans une même
entreprise de 1 à 20. Cette proposition a été supprimée en commission et
de nouveau rejetée dans un hémicycle quasiment vide, par 18 voix contre
17. Une autre version du texte proposant simplement de limiter cet
écart de 1 à 100 a également été rejetée. Pourtant, quarante
personnalités de gauche, dont des responsables politiques parmi lesquels
le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis et
le président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone avait signé
il y a tout juste une semaine un texte allant dans ce sens…
Proposition de loi visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises (n° 3680) Intervention en séance publique M. Gaby Charroux, rapporteur Jeudi 26 mai 2016 Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la présidente de la commission des Affaires sociales, Mes chers collègues,
Les inégalités de revenus sont devenues aujourd’hui dans notre pays
un problème politique aussi bien qu’un problème social. La stagnation du
niveau de vie des salariés depuis plusieurs années va de pair avec une
hausse continue des rémunérations les plus élevées, comme si les
dirigeants des grandes entreprises et certains salariés qui se voient
attribuer des bonus ne vivaient plus dans la même société que leurs
compatriotes. Au Ve siècle avant notre ère, Platon estimait déjà que «
le législateur doit établir quelles sont les limites acceptables à la
richesse et à la pauvreté », et proposait alors un rapport de un à
quatre. De même qu’il lui revient d’exiger la fixation d’un salaire
minimum, afin de garantir que les travailleurs puissent vivre dignement,
le législateur doit encadrer les écarts de rémunération entre les
membres d’une même communauté de travail. Il ne s’agit nullement de
plafonner les rémunérations ou de porter atteinte aux droits de
l’entrepreneur à tirer les fruits de son entreprise : il s’agit de
s’assurer que les résultats de l’entreprise, et donc du travail de tous,
soient répartis selon un écart qui ne soit pas indécent. Longtemps,
les dirigeants ont eu conscience de cet écart et modéraient leurs
prétentions, mais l’évolution récente des pratiques nous oblige
aujourd’hui à réagir. Une échelle des rémunérations de l’ordre de un à
vingt a bien existé, il n’y a pas si longtemps. Cependant, en France,
les dirigeants des entreprises du CAC 40 ont perçu l’année dernière en
moyenne 4,2 millions d’euros, soit l’équivalent de 238 fois le SMIC
annuel. Preuve que ce problème éthique est désormais un problème
politique, mais aussi un motif d’inquiétude économique pour les
investisseurs, ceux-ci commencent à se préoccuper de cette inflation du
montant des rémunérations des dirigeants : rien, et surtout pas les
prétendues performances de certains managers, ne justifie ces écarts. Le
principe du « say on pay », voulant que les actionnaires se prononcent
sur les rémunérations des mandataires sociaux des entreprises, les
encourage à s’interroger sur l’intérêt économique de ces rémunérations.
Le fonds souverain norvégien a décidé, le 3 mai dernier, d’édicter des
principes sur le niveau des rémunérations. Face à ce constat, les
mesures destinées à encadrer les écarts de rémunération, en fixant un
plafond dans le secteur public ou en faisant appel à l’autorégulation,
ont montré leurs limites. C’est pourquoi la présente proposition de loi
vise à mettre fin aux écarts indécents de rémunération au sein de chaque
entreprise. L’augmentation des inégalités de revenus en France
représente aujourd’hui un problème politique aussi bien que social, car
elles ont singulièrement progressé au cours des dernières années. Selon
un rapport de l’O.C.D.E., publié le 13 novembre 2015, la situation de
la France vis-à-vis des inégalités ne cesse de s’aggraver. Si les
inégalités en France sont proches de la moyenne de l’O.C.D.E., entre
2007 et 2011, elles y ont augmenté plus nettement que dans les autres
pays. Par ailleurs les inégalités de patrimoine renforcent les inégalités de revenus. Durant
la crise, avec l’émergence des « emplois non standards », c’est-à-dire
des contrats temporaires, du temps partiel et des travailleurs
indépendants, le marché du travail s’est totalement redessiné. D’après
le rapport, un tiers de la population disposant d’un emploi en France
était dans l’une de ces situations en 2013. Ces personnes, ajoute
l’O.C.D.E., « sont pénalisées en termes de rémunération par rapport aux
personnes occupant des emplois standards ». Parallèlement, le pouvoir
d’achat des salariés a stagné durant les dernières années. Les données
de l’INSEE permettent de déterminer que le pouvoir d’achat du salaire
moyen n’a progressé que de 6,7 % entre 2001 et 2013. Les économistes
de l’INSEE rappellent toutefois que tous les Français ne sont pas logés à
la même enseigne. Les catégories socioprofessionnelles les plus
élevées, dont les salaires augmentent plus rapidement que ceux des
travailleurs les plus pauvres depuis la crise, en profiteront davantage. Parallèlement,
les rémunérations des dirigeants d’entreprise ont connu une progression
bien supérieure, pour atteindre aujourd’hui des niveaux indécents. Dans
son rapport sur la rémunération des dirigeants de sociétés cotées,
publié en septembre 2015, le cabinet de conseil aux actionnaires
Proxinvest a ainsi déterminé que « la rémunération totale moyenne des
présidents exécutifs du CAC 40 repasse la barre des 4 millions d’euros
pour atteindre 4,2 millions en 2014, soit une hausse de 6 % ». Alors
que ces dirigeants mettent en avant les performances de leurs
entreprises pour justifier ces montants, il apparaît que la part des
éléments liés à la performance économique reste limitée : « 40 % des
présidents exécutifs n’ont pas de rémunération à long terme. » Votre
rapporteur observe que les trois plus hautes rémunérations parmi les
plus grandes entreprises françaises ont été attribuées sans que les
indicateurs de performance de ces dirigeants d’entreprises soient
particulièrement bien définis. Économiquement, mais également
socialement et écologiquement, rien ne justifie que ces dirigeants
soient payés l’équivalent de 600 à 860 fois le montant du SMIC annuel. Comme
l’on décrit les économistes que nous avons auditionnés, les
rémunérations des dirigeants sont aujourd’hui véritablement des biens
positionnels, qui permettent à ceux-ci de se situer et de se classer les
uns par rapport aux autres, en laissant croire que leur valeur et leur
compétence sont caractérisées par une rémunération supérieure à leurs
homologues. Elles ne sont plus la contrepartie d’un travail ou d’une
compétence. Si l’on admet, comme certains économistes, que la hausse
des salaires des dirigeants provient du développement de la
capitalisation boursière de ces dernières années, pourquoi les salaires
des autres employés des entreprises n’ont-ils pas fait de même ? L’encadrement
des rémunérations présente des vertus économiques incontestables,
notamment en termes de soutien à la consommation. La crise des subprimes
est aussi le fruit de la richesse excessive des riches, en quête de
rendements élevés pour leur énorme épargne disponible, et de la pauvreté
des conditions de vie de millions de ménages qui avaient facilité la
mise au point de produits financiers à très haut risque. Les citoyens
sont favorables à une limitation des écarts de revenus, et les
jugements des Français sur les salaires « justes » ne sont pas loin de
la norme de un à quatre avancée par Platon il y a vingt-cinq siècles.
Dans une enquête menée en 1998 par Thomas Piketty, on demandait aux
personnes interrogées quels devraient être, selon eux, les revenus
mensuels respectifs d’un cadre supérieur d’une grande entreprise et
d’une caissière de supermarché : les réponses moyennes étaient un
rapport de 1 à 3,6, alors que l’écart réel des salaires moyens de ces
deux catégories était au moins de 1 à 9. Contre toute attente, cet écart
variait assez peu selon le revenu du répondant. Il n’existe donc pas de
« fracture morale » en France sur cette question. Je souhaite maintenant démontrer que les mesures destinées à encadrer les écarts de rémunération ont atteint leurs limites. Le
plafonnement des rémunérations des dirigeants des entreprises publiques
ou aidées par l’État n’est pas suffisant. Les États-Unis n’ont pas
hésité à plafonner les rémunérations dans les entreprises sauvées par
l’État fédéral. Ainsi, l’administration Obama a imposé à partir de 2009
un plafond de rémunération globale maximale de 500 000 dollars, soit 384
000 euros, aux patrons et aux équipes de direction des établissements
renfloués par l’État fédéral, c’est-à-dire, en premier lieu, à des
banques et à des constructeurs automobiles. Par ailleurs, un principe de
comparaison des rémunérations a été établi afin de tenter de dissuader
les conseils d’administration d’avaliser des montants établis en dehors
de tout référent. Ainsi, à partir de 2017, les sommes accordées aux
patrons des 3 800 plus grosses entreprises américaines cotées devront
être publiées et mises en regard avec le salaire médian de leurs
salariés. Plus près de nous, en 2013, le peuple suisse a adopté par
référendum le principe d’un vote de l’assemblée générale sur les
rémunérations des dirigeants et de l’interdiction des indemnités de
départ, des primes d’entrée ou de vente d’entreprise. De son côté, la
France a mis en place un encadrement des rémunérations des dirigeants
applicable aux entreprises publiques. Mettant en œuvre un engagement du
Président de la République d’imposer « aux dirigeants des entreprises
publiques un écart maximal de rémunérations de un à vingt », le conseil
des ministres a approuvé le 26 juillet 2012 un décret sur les
rémunérations des dirigeants d’entreprises publiques, les plafonnant à
450 000 euros. Dans le secteur privé, le recours à l’autorégulation a échoué. L’engagement
des représentants du patronat a reposé essentiellement sur la mise en
place du principe inspiré du droit des sociétés anglo-saxonnes du « say
on pay ». Il consiste à demander aux actionnaires réunis lors de leur
assemblée générale de se prononcer par un vote, le plus souvent
uniquement consultatif, sur le mécanisme de rémunération des dirigeants
de leur entreprise. Le code de commerce prévoit actuellement que, si
l’assemblée générale d’une société anonyme vote le montant global des
jetons de présence que le conseil d’administration répartit entre ses
membres, la rémunération des mandataires sociaux – président, directeur
général et directeurs généraux délégués – est déterminée librement par
le conseil d’administration. En 2016, ces dispositions ont été
volontairement appliquées par la plupart des grandes entreprises
françaises pour la seconde fois. Force est de constater que cela n’a pas
eu pour conséquence une autolimitation du montant des rémunérations
proposées aux actionnaires par le conseil d’administration. Dans le
cas récent de la rémunération du président-directeur général de Renault,
ce système consultatif a montré ses limites : le 29 avril dernier,
quelques heures après le vote de l’assemblée générale ayant rejeté à
54,12 % les éléments de rémunérations dus ou attribués à M. Carlos
Ghosn, le conseil d’administration de Renault a « approuvé le maintien
de la rémunération décidée pour le président-directeur général pour
l’année 2015. » Devant cette attitude pourtant conforme à la lettre
du code de l’AFEP-MEDEF, le président du MEDEF s’est déclaré
publiquement « un peu choqué ». Dans le cadre de l’examen du présent
texte, j’ai organisé il y a 10 jours trois tables rondes : l’une
regroupant les organisations syndicales représentatives – FO, la CFCT et
la CGE-CFC ont pu y participer – l’une regroupant des économistes et
spécialistes de la gouvernance d’entreprise, dont M. Gaël Giraud et Mme
Cécile Renouard, coauteurs de l’ouvrage Le Facteur 12 : pourquoi il faut
plafonner les rémunérations ; et l’une regroupant les représentants du
patronat, à savoir le Medef et le Haut Comité chargé de l’application
du code AFEP-MEDEF. Je constate qu’en quelques jours, les positions
du patronat et du Gouvernement ont pu évoluer sur ce sujet : le patronat
a proposé de revoir les règles du code AFEP-MEDEF, mais de manière
uniquement cosmétique ; le journal Libération a lancé une pétition
appelant à plafonner les rémunérations ; le chef de l’État et le
gouvernement se sont déclarés prêts à légiférer ; je pense que la
perspective de la discussion du présent texte n’est pas étrangère. Il
est aujourd’hui de recourir à la loi, et donc à une norme impérative
s’appliquant à tous, car l’augmentation des rémunérations des dirigeants
en 2015 montre bien que les promesses et les codes de bonne conduite ne
sauraient à eux seuls constituer une réponse utile à ce problème de
société que sont les écarts de rémunération. Cela justifie une
proposition de loi ayant pour objet de mettre fin aux écarts indécents
de rémunération au sein de chaque entreprise. C’est pourquoi le texte
présenté prévoit un dispositif simple d’encadrement des rémunérations au
sein de l’entreprise. Le présent texte entendait donc apporter trois
améliorations à la situation actuelle. La commission des Affaires
sociales a supprimé le premier et adopté les deux autres. L’article
1er proposait d’encadrer les écarts de rémunération au sein d’une même
entreprise par un rapport allant de un à vingt. Cet écart maximal
reprendrai celui proposé il y a plus d’un siècle par le milliardaire
John Pierpont Morgan Senior, fondateur de la banque portant son nom, qui
avait pour règle de ne pas prêter d’argent à une société dont le
dirigeant était payé plus de vingt fois le salaire de ses ouvriers. Dans
chaque entreprise, quel que soit son statut juridique – société privée
ou toute autre forme de personne morale, mais également établissements
publics à caractère industriel et commercial (EPIC) –, le salaire annuel
le moins élevé ne pourrait être plus de vingt fois inférieur à la
rémunération annuelle globale la plus élevée, que celle-ci soit versée à
un salarié ou à un dirigeant mandataire social non salarié. À titre
d’exemple, dans les entreprises où le salaire minimal correspondrait au
SMIC annuel, soit 17 599 euros bruts, la rémunération maximale annuelle
ne pourrait dépasser 351 989 euros bruts. Cependant, ce qui nous
importe, c’est bien de fixer dans la loi le principe de l’encadrement
des écarts, le facteur de multiplication pouvant faire l’objet de
discussion plus approfondie. Ce mécanisme ne constitue cependant pas
un plafonnement des rémunérations : le cas échéant, il permet à
l’entreprise d’augmenter le salaire annuel le moins élevé pour rendre
légale une rémunération maximale qui se retrouverait au-delà du plafond
fixé, notamment du fait des modalités de calcul des éléments variables.
Ainsi, lorsque la bonne santé et les performances de l’entreprise
justifieraient le versement de bonus aux personnes les mieux payées,
cette proposition de loi permettrait aux salariés de voir leur salaire
augmenter à due concurrence, garantissant ainsi une meilleure
répartition des richesses produites dans l’entreprise au profit du
travail et donc, indirectement, de notre système de protection sociale. Lors
de l’examen du texte, la majorité de la commission des Affaires
sociales a rejeté le principe de cet encadrement des rémunérations et
supprimé cet article. Bien entendu, je le regrette et j’ai déposé un
amendement de rétablissement. Lors de l’examen en commission, plusieurs orateurs ont évoqué les « risques constitutionnels ». À
cet égard, je considère qu’un tel encadrement ne s’oppose à aucun
principe constitutionnel. La liberté d’entreprendre, principe dégagé de
l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789 par le Conseil constitutionnel en 1981 n’est pas atteinte par la
présente proposition de loi. Celle-ci ne conduit nullement à plafonner
les rémunérations de certains salariés ou mandataires sociaux ou à
porter atteinte aux droits de l’entrepreneur à tirer les fruits de son
entreprise : il s’agit de s’assurer que les résultats de l’entreprise,
et donc du travail de tous, profitent à chacun. En cela, elle n’est pas
d’une nature différente des autres règles légales de protection des
conditions d’emploi des salariés, et notamment de celle prévoyant
l’existence d’un salaire minimal afin de garantir que chaque travailleur
puisse vivre dignement de son salaire. Par ailleurs, si l’on
considérait que l’encadrement ainsi proposé des conditions de
rémunération au sein de la même communauté de travail qu’est
l’entreprise constituait une atteinte à la liberté d’entreprendre, le
Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que « la liberté
d’entreprendre n’est ni générale, ni absolue » et pouvait faire l’objet
de limitations, lorsque celles-ci étaient « liées à des exigences
constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition
qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de
l’objectif poursuivi ». Ce que confirme le constitutionnaliste Dominique
ROUSSEAU. En rétablissant une échelle de proportionnalité des
rémunérations au sein de cette communauté de vie et de travail, sans
limiter de manière fixe et autoritaire le montant maximal de ces
rémunérations, la présente proposition de loi apporte une solution
adaptée et proportionnée à un réel problème d’inégalité portant atteinte
à la cohésion sociale. Par ailleurs, afin de limiter les connivences
entre dirigeants d’entreprise, notamment dans la détermination de leurs
rémunérations, l’article 2 limite à deux, au lieu de cinq actuellement,
le nombre de postes d’administrateur ou de membre du conseil de
surveillance de société anonyme pouvant être exercé par une même
personne physique. La pratique française de mandats d’administrateur
croisés, et de cooptation entre membres des mêmes sphères et réseaux
d’influence, favorise les échanges de bons procédés, chacun approuvant
la rémunération proposée pour son président. Enfin, en adoptant un de
mes amendements, la commission des Affaires sociales a posé à l’article
3 le principe d’un vote contraignant de l’assemblée générale des
actionnaires sur les rémunérations des dirigeants des entreprises, comme
cela existe notamment au Royaume-Uni ou en Suisse. Cela permettrait que
les rémunérations indécentes et ne reposant pas sur des critères de
réussite satisfaits puissent être refusées par les actionnaires. Mesdames
et Messieurs, un consensus se construit sur la nécessité de légiférer
pour garantir notre cohésion sociale et limiter les écarts de
rémunération. On ne peut se satisfaire d’engagements peu contraignants
du Medef qui n’est pas légitime pour édicter et appliquer à lui-même ses
propres règles, en dehors de tout contrôle citoyen ou démocratique.
Comme le remarque Françoise Deceunier-Defossez, « Les recommandations du
rapport de l’Afep-Medef semblent avoir été acceptées […] pourtant je
doute que leurs principes soient conformes aux règles démocratiques et
aux aspirations de Montesquieu ». Je vous remercie.