Source : Les Echos
L’ARGENT DES FRANÇAIS - Fait rare, le revenu disponible médian a baissé depuis 2008 en France. Et les prix de l’immobilier ainsi que ceux de l’eau, des transports ou des communications ont grimpé en flèche.
C’est toute l'ambiguïté des statistiques. Sur
le papier, le pouvoir d’achat des Français n’a pas baissé depuis la
crise. Depuis 2007, il a augmenté d’un maigre 1 % environ. Cela tient au
fait que les salaires ont continué à croître au cours des sept
dernières années malgré l’explosion du chômage , que l’inflation est restée faible sur la période et que les prestations sociales ont joué leur rôle d’amortisseur, de « stabilisateurs automatiques », comme disent les économistes. «
C’est une des caractéristiques de l’économie française d’avoir des
évolutions de revenus lissées en période de crise par rapport aux
Britanniques ou aux Américains », explique Jérôme Accardo, chef du département des conditions de vie des ménages à l’Insee.
Seulement voilà, comme l’explique cet expert, « quand on leur dit que le pouvoir d’achat s’est maintenu, les gens n’y croient pas ». Et ils ont quelques raisons de ne pas y croire.
Dossier spécial L'argent des Français
La
crise financière a tout changé, tout bouleversé. Salaires et pouvoir
d’achat, modes de consommation, impôts, épargne, nouvelles fortunes,
évasion fiscale, rapport à l’argent : « Les Echos » détaillent dans un
dossier spécial les conséquences d’une rupture historique.
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D’abord parce que la moyenne ne
correspond pas à la réalité vécue par les Français. En effet, quand on
s’intéresse au salaire médian – celui qui partage la population en deux
groupes égaux en nombre, ceux qui gagnent plus et ceux qui gagnent moins
–, celui-ci a baissé de 50 euros entre 2009 et 2012 et se situait cette
année-là à 1.730 euros net mensuels.
Facteur
aggravant, ce chiffre ne tient pas compte des impôts. Or, si, dans un
premier temps, pour répondre à la crise, les gouvernements ont laissé
filer les déficits, à partir de 2011, ils ont mis à contribution les
ménages. Résultat, selon les calculs de l’Observatoire français des
conjonctures économiques (OFCE), entre 2011 et 2013, « la hausse
des prélèvements fiscaux et sociaux a amputé le pouvoir d’achat de
930 euros par ménage, soit plus de 300 euros en moyenne par an ».
Ainsi, depuis 2008, le niveau de vie médian a baissé de 350 euros et
s’élevait en 2012 à 19.740 euros par an pour une personne seule.
Les plus pauvres ont beaucoup plus souffert
Ensuite,
si depuis la faillite de Lehman Brothers, véritable point de départ de
ce que les Américains appellent désormais la « Grande Récession » (par
analogie avec la « Grande Dépression » des années 1930), le pouvoir
d’achat résiste, cela n’est pas valable pour tous les Français. Les plus
pauvres ont beaucoup plus souffert que les plus aisés. Enfin, il faut
rappeler qu’entre 1998 et 2002, années de fortes croissance, le pouvoir
d’achat des Français progressait de plus de 2 % par an. La stagnation
des dernières années n’en est donc que plus durement ressentie.
Mais
il existe une explication plus profonde justifiant la différence entre
le ressenti des Français et la statistique économique. « Il existe
un lien entre la hausse des prix de l’immobilier, et plus généralement
celle des dépenses contraintes – c’est-à-dire le logement, l’eau,
l’électricité, les communications… – et les difficultés des Français »,
estime ainsi Régis Bigot, directeur général du Centre de recherche pour
l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). Selon les
chiffres de l’Insee, les dépenses préengagées représentent 29,3 % du
revenu disponible des ménages, soit 3 points de plus qu’en 2002. «
Depuis 1997, le prix de l’immobilier a été multiplié par 2,5. Tant que
les revenus augmentaient, cela ne posait pas de problème, mais comme,
depuis 2002, la progression du pouvoir d’achat s’est infléchie, les
Français ressentent plus durement la hausse du coût du logement », poursuit Régis Bigot.
Dépression prolongée
Pour
les ménages les plus pauvres, les dépenses de logement représentent
désormais la moitié de leur budget chaque mois, contre 20 % à 25 % pour
les plus aisés et plus d’un tiers pour les classes moyennes. « C’est
ce qui explique que les classes moyennes se retrouvent désormais
confrontées à des contraintes semblables à celles des pauvres. Elles se
retrouvent à devoir arbitrer entre les vacances, les loisirs comme le
cinéma ou le restaurant, en raison du poids démesuré qu’a pris le
logement dans leurs dépenses. Il s’agit de contraintes qu’elles ne
connaissaient pas auparavant », selon Régis Bigot.
Le
pic du moral des ménages calculé chaque mois par l’Insee a été
enregistré en 2002. Depuis, les Français semblent être entrés en
dépression prolongée, contrairement à nos voisins qui, eux, avaient
connu leur point haut en 2006-2007. Pourtant, l’Hexagone et les revenus
des Français ont plutôt mieux résisté à la crise qu’en Grande-Bretagne,
en Italie ou en Espagne.
Décidément,
la meilleure façon de faire gagner du pouvoir d’achat sans détériorer
la compétitivité est plus que jamais d’agir sur les prix du logement.
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/021149689644-pouvoir-dachat-le-grand-blues-des-classes-moyennes-1130948.php?f8m7PkQ6H2WOpCsQ.99#xtor=CS1-26
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