dimanche 21 avril 2019

L’ONU avertit la France, coupable de violations du droit au logement

A l’issue d’une visite de dix jours en France, la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit au logement constate que « de nombreuses personnes n’ont même pas accès aux services d’hébergement d’urgence les plus basiques. »

Source : Le Nouvel Obs
Publié initialement le 12 avril 2019


Le constat est sans appel. La France est coupable de violations des droits de l’homme dans sa gestion des sans-abri, a déclaré, ce vendredi 12 avril, la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit au logement, Leilani Farha, lors d’une conférence de presse.
A l’issue d’une visite de dix jours en France, au cours de laquelle cette juriste canadienne a visité de nombreux campements, squats et logements insalubres, la représentante de l’ONU dresse un bilan sévère de l’état du droit au logement en France :
« En France, le système est tel que de nombreuses personnes n’ont même pas accès aux services d’hébergement d’urgence les plus basiques. »Elle a notamment cité l’échec du numéro d’urgence national 115, débordé par le nombre d’appels :
« J’ai essayé d’appeler le 115. J’ai attendu près de 2 heures pour parler avec quelqu’un. »Si la France est l’un des rares pays à avoir inscrit dans la loi le droit opposable à un logement (DALO), elle connaît comme la plupart de ses voisins européens – la Finlande fait figure d’exception – une augmentation du nombre des personnes sans abri sur son sol depuis une dizaine d’années, après la crise de 2008 et l’afflux de migrants via la Méditerranée.
Selon la dernière estimation de l’Insee, en 2014, quelque 140 000 personnes seraient sans domicile en France, dont près de 12 000 à la rue. Rien qu’à Paris, quelque 3 622 personnes dormaient dans les rues, parkings ou parcs et jardins le 7 février dernier, selon un décompte organisé par la mairie – soit 600 personnes recensées en plus par rapport à l’an dernier.

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« Une manière cruelle de gérer le sans-abrisme »

Pour la rapporteure des Nations unies, la gestion française du problème, qui fluctue en fonction des saisons avec l’ouverture de places d’urgence supplémentaires l’hiver, est « une manière cruelle de gérer le sans-abrisme ».
« Les expulsions et évacuations menées à travers le pays, dans des contextes divers, sont en violation du droit humanitaire international », estime-t-elle, citant notamment le cas des évacuations menées toutes les 48 heures par les forces de l’ordre dans les campements de migrants à Calais.
« Il est scandaleux de penser que c’est le résultat de négociations entre la France et le Royaume-Uni. Beaucoup d’argent a été injecté pour sécuriser la frontière, aucun fond n’a été investi pour s’assurer que les personnes puissent survivre », a-t-elle déploré.
Le ministère du Logement et la porte-parole du gouvernement n’ont pas réagi pour l’heure à ces accusations.

« C’est un pays riche »

De ses entretiens avec des travailleurs humanitaires, familles sans abri ou communautés Rom, la rapporteure retient un manque de dialogue entre autorités et publics concernés :
« Je ne vois pas beaucoup de consultation entre le gouvernement et les groupes concernés, qu’il s’agisse des migrants, des femmes victimes de violences, des Roms, des communautés d’origine immigrées, des demandeurs d’asile. »Une famille française d’origine algérienne, une réfugiée malienne accompagnée de sa fille aveugle et des travailleurs sans abri ont ainsi témoigné mercredi devant la rapporteure, lors d’une visite du gymnase Roquépine, à deux pas de l’Elysée, ou le collectif Droit au logement (DAL) abrite quelque 40 familles de sans-abri.
La rapporteure appelle le gouvernement à mettre en œuvre des stratégies de long terme plus ambitieuses, à l’instar du modèle de « Logement d’abord » mis en place avec succès en Norvège.

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Un conseil d’ores et déjà partiellement suivi avec le plan « Logement d’abord 2018-2022 » présenté en septembre 2017 à Toulouse par Emmanuel Macron, qui connaît cependant des débuts timides, selon la Fondation Abbé Pierre.
« La France est bien placée pour parvenir à remplir ses obligations en matière de droits de l’homme », estime la rapporteure. « C’est un pays riche, le sans-abrisme et le nombre de morts sans-abris ne sont pas acceptables, vu les ressources disponibles. »
Selon le collectif Les Morts de la rue, au moins 566 personnes sont mortes dans la rue l’an dernier, âgées de 49 ans en moyenne. Mais l’association estime que leur nombre réel est cinq à six fois plus important.

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