- 8 avr. 2019
- Par YVES FAUCOUP
- Blog : Social en question
On apprenait samedi que « l’argent est très bien
redistribué vers les pauvres », selon une économiste, ancienne
conseillère de François Hollande. Et que les retraites-chapeau
exorbitantes échappent en partie à la fiscalité : si le Smic avait
augmenté aussi vite, il serait aujourd’hui six fois supérieur. Enfin, la
charité est en baisse, à cause de la suppression de l’ISF !
![Laurence Boone [site de France Inter] Laurence Boone [site de France Inter]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/04/08/laurence-boone.jpg?width=452&height=252&width_format=pixel&height_format=pixel)
Prétendre que l’argent est bien redistribué vers les plus pauvres, c’est sans doute ce qu’une super-diplômée en économie, ancienne de la Bank of America, qui chroniquait dans le journal de droite L’Opinion de l’inénarrable Nicolas Beytout, qui a été membre du Groupe Bilderberg, qui siège au CA de Pinault et qui fut conseillère économique de François Hollande, peut dire sans trembler, en compulsant dans son bureau quelques statistiques. Il est vrai que les 10 % des ménages les plus pauvres cotisent à hauteur de 16 % de leurs revenus et récupèrent 77 % en prestations (selon une étude de la Drees, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Tandis que les 10 % des ménages les plus riches cotisent pour 56 % de leurs revenus et les prestations qu’ils reçoivent comptent pour 25 % de leurs revenus. Donc meilleure hausse du pouvoir d’achat pour les plus pauvres. Implacable. Salauds de pauvres. Sauf que cela signifie que celui dont le revenu est de 800 € cotise pour 128 € et touche 616 (solde : 488), et celui qui a 8000 € de revenus cotise beaucoup plus (4480 €) mais perçoit 2000 € (solde : 2480). Complétons : la protection sociale c’est 325 milliards de retraite en 2016 et 249 milliards pour la santé. Qui fera croire que ces sommes vont surtout vers les plus pauvres ? De nombreuses études montrent qu’en matière de santé ce sont les classes moyennes qui consomment le plus. Mais il est vrai qu’un citoyen sans aucun revenu, grâce au RSA va toucher près de 500 € : ça fait, effectivement, un sacré enrichissement ! Mais le coût global du RSA c’est 1 % de la dépense publique. Pourquoi les têtes d’œuf ne s’ingénient pas à le répéter ?
Chapeau les retraites !
Infos recueillis au cours de l’émission On n’arrête pas l’éco sur France Inter ce samedi 6 avril :

Il en est de même sur d’autres primes, indique Emmanuel Lechypre (BFM-TV), qui même s’il est un libéral, ne craint pas de relever souvent des anomalies dans le système capitaliste : ces autres primes ne tiennent pas plus compte des performances. Et d’invoquer la « théorie économique » qui consiste à se débarrasser plus facilement d’un mauvais patron en lui accordant une forte indemnité.
Emmanuel Lechypre constate que la valeur des entreprises a été multipliée par 6 depuis 40 ans : et la rémunération a été multipliée aussi par 6. Ce n’est pas plus compliqué de diriger une grosse entreprise mais « les sommes en jeu sont six fois plus importantes, la responsabilité financière est six fois plus importante ». « Donc la part de la rémunération du patron dans les profits et le chiffre d’affaire de l’entreprise, il a pas tant que ça augmenté finalement au fil des années ». Sauf, comme l’indique Christian Chavagneux, la surface financière c’est le cours de bourse (sur lesquels influent des fonds d’investissement venant d’on ne sait où) et non pas la valeur ajoutée.
Précision nécessaire : la valeur des entreprises a donc été multipliée par 6 en 40 ans, c’est évidemment en euros constants, c’est donc comme si un salaire au Smic (1979) s’établissait aujourd’hui à 6 Smic.
Générosité du public
Damned ! La collecte des dons est en baisse de 4,2 %, surtout parce que le pouvoir d’achat des retraités, avec la CSG est en berne. Alors France Inter dans le journal de 13 h du 8 avril invite le directeur de la communication de la Fondation des Apprentis d’Auteuil pour recueillir son avis. Il s’agit d’une énorme association caritative catholique qui accueille 27.000 jeunes, concernant 5800 familles, possédant 230 établissements et ayant 150 années d’expérience. Ses champs d’intervention sont les suivants : la protection de l’enfance, la lutte contre le décrochage scolaire, l’insertion sociale et professionnelle, et l’accompagnement à la parentalité. Elle joue beaucoup sur son ancienne dénomination « orphelins apprentis d’Auteuil ».
![[document site des Apprentis d'Auteuil] [document site des Apprentis d'Auteuil]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/04/08/apprentis-auteuil.jpg?width=1173&height=458&width_format=pixel&height_format=pixel)
A la fin de l’interview, le journaliste de France Inter, sans doute de bonne foi, face à cette pôvre association qui va galérer, invite les auditeurs à verser leurs dons à cette Fondation. On aura compris que, favorable à un bon équilibre secteur public-secteur associatif dans l’action sociale, je suis de ce fait réfractaire à ces associations tentaculaires, véritables États dans l’État, toutes puissantes, de plus confessionnelle. Mais surtout, ce qui n’a été dit à aucun moment, et le journaliste n’a jamais cherché à le faire préciser, c’est que la perte des 6 millions représente… 1,7 % du budget de la Fondation qui s’établit à 345 millions d’euros. Les comptes 2017 indiquaient que la générosité du public atteignait 34 % de ce budget (soit plus de 117 millions collectés). Les familles elles-mêmes contribuent à hauteur de… 13,8 millions. Et enfin, ce qui a été surtout délibérément tu : c’est que les pouvoirs publics lui versent 193 millions (la moitié du budget de la Fondation est alimenté par l’Aide Sociale à l’Enfance des Départements).

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[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans le billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, les 200 premiers articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200. Le billet n°300 explique l'esprit qui anime la tenue de ce blog, les commentaires qu'il suscite et les règles que je me suis fixées. Enfin, le billet n°400, correspondant aux 10 ans de Mediapart et de mon abonnement, fait le point sur ma démarche d'écriture, en tant que chroniqueur social indépendant, c'est-à-dire en me fondant sur une expérience, des connaissances et en prenant position.]
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