Saliou B. travaille avec un nom d’emprunt,
comme nombre de personnes sans papiers, pour une
entreprise de nettoyage dont le siège est situé à
Vanves (92). Il travaille à temps partiel environ 2
heures par jour, en CDI.
Lors de la signature du contrat, Saliou ne
présente aucun papier, pas même la photocopie de la
pièce d'identité d'emprunt. L'entreprise ne fait pas
de vérifications et le contrat est signé en janvier
2014.
A partir de juin 2014, des retards de
paiement de ses heures de travail amènent le salarié
à se plaindre auprès de son employeur. Celui-ci
devient bizarrement très pointilleux sur l’identité
de son salarié. Il bloque le versement de ses
salaires mais ne lui demande pas de cesser son
activité.
Après 6 mois durant lesquels Saliou B. a
continué de travailler sans être payé, il se décide
à réclamer par courrier le paiement de ses salaires
et la rectification des bulletins de paie, et
informe son employeur qu’il saisira le conseil de
prud’hommes si ses droits ne sont pas rétablis.
L’employeur, pour toute réponse, le
convoque à un entretien préalable à licenciement le
17 décembre au matin ! Mais l'employeur ne s'est pas
contenté de convoquer son salarié ; il a également
prévenu la police, et dix minutes après le début de
l'entretien, une voiture de police arrive sur place.
C’est l’arrestation du salarié qui met fin à
l’entretien. Il est ensuite placé en garde à vue
pour usurpation d’identité,
puis transféré au centre de rétention de Plaisir
(78) d’où il risque
d’être expulsé de France à tout moment.
Les organisations signataires dénoncent
l’attitude de la police et rappellent que celle-ci a
omis de placer en garde à vue le véritable
délinquant : l’employeur, qui lui reste libre.
Est-il prévu qu'il fasse l'objet de poursuites ?
En effet, la dissimulation, même partielle,
d’heures de travail constitue un délit, et a pour
conséquences un manque à gagner en cotisations
perdues pour les organismes sociaux et la protection
sociale.
Par ailleurs, l’article L.8252-2 du code du
travail prévoit que le salarié étranger dépourvu de
titre de séjour a les mêmes droits au paiement des
salaires que les autres salariés. Il a aussi le
droit à être entendu lors d’un entretien préalable
pouvant aller jusqu’à son licenciement.
La police a, dans ce cas, permis à
l’employeur de continuer à s’exonérer de ses
obligations. Son intervention dans cette affaire a
de fait empêché la victime de faire valoir ses
droits devant la justice prud'homale ou pénale.
______________
En empêchant ce salarié de faire valoir
ses droits, et en permettant à l’employeur de
continuer à contrevenir au code du travail, la
police donne un signal symbolique inquiétant : en
plus de devoir se cacher, les salariés sans
papiers devront-ils renoncer à faire valoir leurs
droits ?
Les employeurs coupables d'abus et
exploitation d'une main-d'œuvre par nature
vulnérable seront-ils désormais protégés par les
forces de police ?
Dans un État de droit, cette attitude
est inacceptable. Nous demandons la libération
immédiate de Saliou B. et la saisine des services
de l’inspection du travail pour qu’une enquête
soit menée, le salarié rétabli dans ses droits et
l'employeur poursuivi pour les infractions qu'il a
commises.
Paris,
22 décembre 2014
Organisations signataires :
CGT-UD-Paris
CGT-UD-92
CNT-Solidarité ouvrière-Nettoyage-Région parisienne
Gisti
Sud-Travail-Ile-de-France
Syndicat de la magistrature (SM)
Union syndicale Solidaires
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