Médiapart - 7 janvier 2014
Par Laurent Mauduit
Beaucoup de
médias pointent un changement de cap
social-libéral de François Hollande. Mais si
virage il y a eu, il est en fait intervenu le
jour même de son accession à l'Élysée. Ce qui
fait planer des doutes sur la sincérité de ses
engagements pendant la campagne.
C’est reparti !
Périodiquement, les grands médias croient
deviner que François Hollande est en train de
négocier un changement de cap de sa politique
économique et sociale. Il a donc suffi que, lors
de ses vœux aux Français pour la nouvelle année,
le 31 décembre, le chef de l’État révèle son
intention de proposer aux entreprises un « pacte
de responsabilité », avec à la clef des
nouveaux allègements de charges sociales en
contrepartie d’engagements sur le front de
l’emploi, pour qu’aussitôt, les commentaires
reprennent : « Hollande
a-t-il pris un tournant
"social-libéral ?"» s’interroge
Europe 1. « Hollande
change de logiciel », assure France
Info. Dans un
entretien avec Le
Journal du dimanche,
l’ancienne ministre socialiste de l’écologie,
Delphine Batho, croit, elle, déceler « un
tournant idéologique de Hollande ».
Pourtant, cet apparent
consensus surprend. Car à y regarder de près, un
constat saute aux yeux : si tournant il y a eu,
il n’est pas intervenu en cette fin d’année
2013, ni même dans le courant de l’année 2012.
Non ! Ce tournant néo-libéral, François Hollande
l’a négocié le jour même de son accession à
l’Élysée. La bonne question n’est donc pas de
savoir s’il y a eu un virage récent ; c’est bien
plutôt de savoir pourquoi, dès le début, le chef
de l’État a choisi de mettre en œuvre une
politique économique et sociale radicalement
contraire à ses engagements de campagne. En
somme, la bonne question est beaucoup plus
grave : de la part de François Hollande, n’y
a-t-il pas eu une part de duperie ?
Que l’on se comprenne
bien ! Il ne s’agit pas de nier ici l’importance
des propos récents tenus par François Hollande
et de la réforme qu’il vient d’annoncer, dans le
souci de parvenir à ce « pacte
de responsabilité » avec les
entreprises. Car cette annonce est, sans
conteste, stupéfiante. Le gouvernement sort
d’interminables polémiques – avec les syndicats,
avec la gauche de la gauche, avec sa propre
majorité… – du fait du « choc
de compétitivité » qu’il a
proposé aux mêmes entreprises, en leur offrant,
sans contrepartie ni contrôle, 20 milliards
d’euros sous forme de crédits d’impôt, financés
sur le dos des salariés ou des consommateurs par
le biais notamment d’une hausse de la TVA.
Et ces controverses ne
sont pas même éteintes que le gouvernement
envisage un nouveau plan d’allègements de
cotisations sociales, qui serait financé par
l’impôt. En clair, encore et toujours, sur le
dos des contribuables ou des consommateurs.
L’annonce de François
Hollande vient donc confirmer que c’est bel et
bien une « politique de l’offre » néo-libérale
qu’il entend conduire. Une « politique de
l’offre » qui vise à organiser un immense
transfert des entreprises vers les ménages.
Après les 20 milliards d’euros, d’autres cadeaux
devraient suivre.
Mais la référence au
« choc de compétitivité » permet de clore ce
débat biscornu autour du supposé virage du chef
de l’État. Car, avec son « pacte
de responsabilité », François Hollande ne
procède pas à un virage : il ne fait
qu’amplifier cette « politique de l’offre »
qu’il conduit au détriment du monde du travail
depuis de longs mois.
Depuis quand
précisément ? C’est la question clef. En vérité,
cela a été la première surprise de ce
quinquennat. Alors que pendant la campagne
présidentielle, il avait vivement condamné le « choc
de compétitivité » préconisé
par Nicolas Sarkozy ainsi que la hausse de la
TVA voulue par le champion de l’UMP pour
financer le dispositif, François Hollande a
tourné casaque dès son accession à l’Élysée.
Au mois de juin 2012,
plusieurs ministres font en effet entendre une
petite musique inattendue – que l’on n’avait
jamais entendue pendant la campagne dans la
bouche des hiérarques socialistes – suggérant
que le problème majeur de l’économie française
était celui de la compétitivité de ses
entreprises. Et lors du premier sommet social du
quinquennat, le 9 juillet 2012, le nouveau chef
de l’État lance les prémisses de la réforme qui
conduira au fameux choc de compétitivité.
Dans les semaines qui
suivent, toute la politique économique va
s’inspirer de la même doctrine. Austérité
budgétaire et salariale, trahison des ouvriers
de Florange, abandon de la « révolution
fiscale », quasi-abandon du projet de partition
des banques : dans la foulée de ce « choc
de compétitivité », François Hollande
surprend en conduisant une politique totalement
à rebours de ce qu’il avait suggéré pendant la
campagne, notamment en professant que son
ennemi, c’était la finance.
Des ordonnances très
antidémocratiques
En clair, l’histoire de
François Hollande diverge totalement de celle du
premier septennat de François Mitterrand. Car
dans ce dernier cas, il y a eu pendant au moins
10 à 12 mois un gouvernement qui s’est appliqué
à conduire une politique de réformes... de
gauche ! Politique de relance, nationalisation,
création de l'impôt sur les grandes fortunes :
même si c’est avec maladresse, la gauche tente
alors d’appliquer une politique conforme à ses
valeurs. Et ce n’est qu’après avoir heurté de
plein fouet le mur de la contrainte extérieure
que le gouvernement négocie, en 1982-1983, le
fameux « virage
de la rigueur ».
L’histoire de François
Hollande diverge aussi totalement de celle de
Lionel Jospin qui devient premier ministre en
1997. Dans ce dernier cas, le dirigeant
socialiste accède en effet à Matignon avec un
programme très ancré à gauche et ne tourne pas
casaque aussitôt. Non ! Il est plutôt pris par
une sorte d’irrépressible épuisement. Face à la
force croissante des marchés financiers, on le
sent de plus en plus impuissant. Jusqu’à l’aveu
final, qu’il concédera malencontreusement
pendant sa campagne présidentielle, en 2002 : « Mon
projet n’est pas socialiste. »
Rien de tel dans le
cheminement de François Hollande. Il n’a pas
cherché, ne serait-ce que quelques semaines, à
appliquer une politique de gauche, avant de
négocier, comme en 1982, un virage de la
rigueur. Il n’a pas plus donné le sentiment,
comme ce fut le cas sous Lionel Jospin, de
devenir progressivement impuissant, comme
paralysé face aux marchés. Non ! La vérité
commande de dire que François Hollande a
d’emblée appliqué une politique économique
néolibérale. Cela s’est fait dans une confusion
formidable, dans un désordre dont la gauche
socialiste n’est sûrement pas près de se
remettre, mais au moins le cap économique n’a
jamais vraiment changé : cap à droite !
Et c’est pour cela que
le débat qui rebondit aujourd’hui sur le supposé
changement de cap de François Hollande apparaît
un tantinet surréaliste. Car la vraie question à
se poser est la suivante : comment diable
François Hollande a-t-il pu faire entendre une
petite musique de gauche pendant la campagne
présidentielle, avec ses sorties tonitruantes
contre la finance ou en faveur d’une taxe à 75 %
sur les très hauts revenus, et mettre derechef
en œuvre une politique de droite sitôt son
élection assurée ? Dans ce pas de deux, n’y
a-t-il pas eu une part de duperie ?
En tout cas, c’est à une
controverse inédite que s’est exposé François
Hollande. Car dans le passé, il est des hommes
politiques à qui l’on a pu reprocher leur
inconstance ou leur versatilité – ce fut le cas
de Jacques Chirac. Il en est d’autres qui ont
changé de politique économique en cours de
mandats, mais parfois avec des arguments solides
– ne faut-il pas modifier son cap quand des
écueils imprévus surviennent ?
François Hollande, lui,
avait promis – ou parfois seulement suggéré –
une politique économique de gauche ; et dès le
premier jour, sans explication ni justification,
il a mis en œuvre une politique de droite. Et il
l’a fait tellement spontanément – sans même
donner le sentiment d’hésiter, sans consulter
son propre parti ou les célèbres « visiteurs du
soirs » auxquels avait eu recours en d’autres
temps François Mitterrand – qu’on en vient à
penser que tout cela a été calculé. Cyniquement
calculé : gagnons l’élection à gauche ; gérons
le pays à droite…
On devine sans peine que
cette logique conduit la gauche socialiste dans
une impasse gravissime. On a pu en prendre la
mesure : au fil des mois, la contestation
sociale dans le pays s’est faite de plus en plus
tumultueuse et a gagné jusqu’aux rangs mêmes des
parlementaires socialistes.
Le chef de l’État est
d'ailleurs bien placé pour mesurer la violence
des critiques que suscite sa politique, lui qui
vient d’annoncer un recours aux ordonnances pour
les prochaines réformes du gouvernement. En
clair, un gouvernement de gauche, qui se disait
pourtant attaché à une refondation démocratique,
va utiliser l’arme la plus contestable de la
Constitution, celle qui lui permet de gérer les
affaires du pays en se passant de l’approbation
des élus de la Nation – y compris les élus de sa
propre majorité. Une politique néolibérale mise
en œuvre de manière autoritaire grâce aux
dispositions les plus contestables de la
monarchie républicaine : il n’y a là aucune
virage. Il s’agit juste d’un enlisement.
Détestable enlisement auquel la gauche ne
survivra pas…
Virage libéral en cours de mandat ??!!! François Hollande ne s'est il pas battu (aux cotés de Nicolas Sarkozy) pour instaurer la concurrence libre et non faussée autrement dit le libéralisme économique tout au moins dans la "constitution européenne" en 2005 ? Il a été bien aidé en cela par les média "institutionnels" et des journalistes "de renom" qui tentaient de démontrer que "c'est le Peuple" qui a voté majoritairement contre d'ailleurs qu'il fallait changer ! Dans une démocratie" c'est plutôt affligeant, non ? Alors quand cesseront nous de croire que le PS est à gauche comme ils le prétendent ? Et....pour reprendre une formule journalistique célèbre, Nous vivons (vraiment) une époque formidable !
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