jeudi 11 juillet 2013

Appel à un « big bang territorial » pour la gestion de l'eau


Le député Michel Lesage appelle à un « big bang territorial » pour la gestion de l'eau

           
La Gazette des Communes
Par L. Madoui 10/07/2013
 
Le « parlementaire en mission auprès du gouvernement » appuie les orientations du projet de loi de décentralisation, qui crée une compétence de gestion des milieux aquatiques, incombant aux communes et à leurs groupements. Le rapport, remis le 2 juillet au Premier ministre et présenté le 10 juillet à l’Assemblée nationale, comporte 12 orientations, déclinées en 70 propositions.

A bien y regarder, le « big bang territorial » que prône Michel Lesage n’est pas à tout à fait un pavé dans la mare : le Rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France du député (PS) des Côtes d’Armor défend une approche conforme à celle avancée par l’exécutif dans son projet de loi sur la décentralisation.
Les milieux aquatiques confiés au bloc communal - Le « parlementaire en mission », chargé en février par le Premier ministre d’émettre des propositions pour « réorienter la politique » nationale, reprend l’idée gouvernementale de confier aux communes et à leurs groupements la nouvelle mission de gestion des milieux aquatiques, créée par « l’Acte III ».
D’abord rattachée au troisième volet du projet de loi de décentralisation – devant être discuté au Parlement après les municipales de mars 2014 -, la question des milieux aquatiques (art. 35 b et c) relève désormais, suite à un amendement sénatorial, du premier ensemble de mesures, qu’examinera l’Assemblée nationale en première lecture à partir du 16 juillet.
Michel Lesage s’en remet donc au bloc communal, composé d’acteurs institutionnels intervenant à une échelle administrative, et non aux acteurs fonctionnels opérant à l’échelle d’un bassin hydrographique que sont les Etablissements publics territoriaux de bassin (EPTB), qu’avait dans un premier temps retenus le gouvernement dans l’avant-projet de loi de décembre 2012.
Considérés comme « l’échelon pertinent » pour « structurer la nouvelle gouvernance de l’eau et permettre une réapproppriation par la puissance publique des politiques », les communes et EPCI sont néanmoins incités à se regrouper à l’échelle du bassin versant, dans des EPTB ou d’autres types de structures.
Le député-maire de Langueux préconise en outre la couverture du territoire par des Commissions locales de l’eau (Cle, dont il en existe aujourd’hui 150), chargées d’élaborer des Schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage).
Le financement en débat - Selon Michel Lesage, le modèle de financement est « à bout de souffle » : les recettes des services d’eau potable et d’assainissement diminuent sous l’effet de la baisse des volumes distribués et du recul des aides publiques, tandis que les dépenses à envisager sont considérables (eaux pluviales, inondations, renouvellement des réseaux).
Le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » (la facture de l’usager couvre l’ensemble des dépenses), déjà amplement écorné par la mobilisation de ressources budgétaires (aides de l’Europe, des régions et départements), atteint donc ses limites.
Le député estime donc, dans son rapport, qu’« il est indispensable et urgent qu’un débat national approfondi et sans tabou soit lancé sur le financement des politiques de l’eau », portant notamment sur le « mix facture-fiscalité » à mettre en œuvre.
« Ce n’est pas la facture qui va financer la lutte contre les inondations et la réparation des dommages, sujet sur lequel devra s’exercer la solidarité », commentait l’élu en présentant son rapport aux journalistes.
Pour gérer les cours d’eau et prévenir les crues, son rapport propose de créer une taxe de riveraineté (recouvrée auprès des propriétaires de cours d’eau) et une surtaxe d’équipement à partir de la majoration de l’impôt foncier.
Qualifiant de « slogan idiot l’expression ‘l’eau paie l’eau’ », Michel Lesage juge, devant la presse, que « dès lors que l’eau est bien commun d’intérêt général auquel tout le monde doit accéder, il doit être aussi financé par l’impôt. L’école n’est pas financée par les seuls parents d’élèves, ni les transports par les seuls voyageurs, ni l’hôpital par les seuls patients. » Concernant le financement de l’eau potable et de l’assainissement, son rapport propose donc de « fiscaliser partiellement les recettes ».
Une Autorité nationale de l’eau - Le rapport plaide pour la création d’une autorité de régulation du secteur de l’eau, unique activité de réseaux qui en est encore dépourvue. Une telle instance serait notamment chargée du suivi de prix des services d’eau et d’assainissement et du contrôle des délégations de service public.
Elle s’attacherait aussi à prévenir les conflits d’intérêts, dans un secteur où les opérateurs privés sont largement représentés au sein des établissements publics (Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), agences de l’eau …) et où nombre de fonctionnaires exercent une partie de leur carrière dans les entreprises privées.
En matière de « démocratie de l’eau », Michel Lesage souhaite également qu’au sein des comités de bassin des agences de l’eau, les usagers domestiques et les associations de consommateurs et de protection de l’environnement soient isolés dans un collège à part entière, distinct de celui de l’ensemble des usagers, où les industriels et agriculteurs exercent un poids prépondérant.
« Les usagers domestiques acquittent 85 % des redevances versées aux agences et ne représentent que 3 % des membres des comités de bassin, observe le député. Sur le bassin Loire-Bretagne, les associations environnementales et de consommateurs ont choisi de ne plus siéger. » La mise en place d’un collège dédié à la société civile doit, selon Michel Lesage, se retrouver dans l’ensemble des instances nationales (Onema) et locales (Cle).
Les Echos Par Myriam Chauvot | 10/07

Abondant dans le sens des associations de défense des consommateurs, le rapport commandé par Matignon au député socialiste Michel Lesage dénonce la sur-représentation dans les agences de l’eau des agriculteurs, qui sont les principaux pollueurs.
Le rapport Lesage sur la politique de gestion de l’eau en France donne raison aux associations de consommateurs - AFP
Le rapport Lesage sur la politique de gestion de l’eau en France donne raison aux associations de consommateurs - AFP
Le rapport Lesage sur la politique de gestion de l’eau en France donne raison aux associations de consommateurs - AFP
C’est une victoire éclatante pour les associations de défense des consommateurs. Le rapport remis au premier ministre par le député socialiste des Côtes-d’Armor Michel Lesage sur la politique française de gestion de l’eau a abondé dans leur sens en mettant gravement en cause le fonctionnement actuel des six agences de l'eau. « il faut un recentrage...le terme est faible, il existe d’autres possibilités qui iraient plus loin », a lâché Michel Lesage au terme de la présentation aux media de son rapport de 200 pages. Assis à ses côtés, le député d’ Europe Ecologie Les Verts, François-Michel Lambert, opine.
« UFC Que Choisir » avait dénoncé dans un dossier paru en juillet « une gestion de l’eau décidée par les lobbys ». Michel Lesage abonde dans ce sens. « Aujourd’hui, dans la composition du conseil d’administration des agences de l’eau (les comités de bassin), les usagers ne représentent que 40%, et seulement 25% au conseil national de l’eau, 20% à l’office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema)... », énumère t-il. Les entreprises et surtout les agriculteurs, pourtant les principaux pollueurs, sont davantage représentés proportionnellement et disposent de surcroît du soutien d’experts et de juristes, qui manquent cruellement aux usagers et représentants de la société civile (associations environnementales etc), d’où, pour ces derniers, une difficulté d’accès aux informations et un moindre poids dans les décisions. « Il faut un débat national, et créer un quatrième collège pour les usagers » afin de mieux les représenter dans les agences de l’eau, préconise Michel Lesage, qui souligne par ailleurs l’échec de l’Onema, créé il n'y a que quelques années et dont l’inutilité est déjà soulignée. « Les résultats n’ont pas été au rendez-vous, remarque Michel Lesage, L’Onema est opérateur et régulateur, d’où des risques élevés de conflits d’intérêt, il faut une autorité nationale indépendante, qui aident les élus locaux à choisir entre la gestion de l’eau en régie publique ou en délégation » aux opérateurs privés.
Le financement de la politique nationale de l’eau est aussi à revoir. Actuellement, les ménages usagers assurent 86% du financement des agences de l’eau, contre 4% pour les agriculteurs, principaux pollueurs, et 10% pour les industriels. Il faut donc réformer la contribution financière des agriculteurs, en application du principe « pollueur payeur ». L’augmentation de leur contribution financière pénaliserait la compétitivité de l’agriculture française au plus mauvais moment, arguent les opposants comme Antoine Frérot, PDG de Veolia. « L’agriculture française est passée du premier rang mondial au troisième derrière l’Allemagne et les Pays-Bas et le Brésil s’apprête à passer devant », reconnaît Michel Lesage qui préconise donc un mécanisme compensatoire dédommageant les agriculteurs qui font des efforts de diminution de leur pollution. Par ailleurs, le financement doit aussi être revu car « les recettes sont en forte régression, la consommation d’eau des ménages diminuant régulièrement, alors qu’il y a de forts besoins, poursuit le député. Il faut que le système de financement repose non seulement sur les tarifs de l’eau comme aujourd’hui mais aussi sur une fiscalité  : l’impôt est un outil de solidarité », qui permettrait de faire payer entreprises et agriculteurs.
Dernier axe fort du rapport  : la préconisation de déléguer aux collectivités territoriales la gestion globale de l’eau, et pas seulement certains aspects comme les inondations. A cet effet, un amendement a du reste été introduit (article 35 B et C) dans le projet de loi sur la décentralisation actuellement en examen au parlement. Cette décentralisation s’accompagne, dans le rapport par une préférence marquée pour une gestion de l’eau en régie publique plutôt que par délégation à des opérateurs privés. Ces derniers, qui gèrent actuellement les services d’assainissement pour 52% de la population et les services d’eau potable pour 70% des ménages, ne sont pas perçus par Michel Lesage comme travaillant nécessairement dans l’intérêt général. « Il faut une réappropriation de la gestion de l’eau par la puissance publique », insiste t-il lors de la présentation de son rapport, évoquant une « financiarisation » et un « court termisme » induits par la délégation au privé.
Ce rapport est destiné à alimenter la prochaine conférence environnementale des 20 et 21 septembre, axée sur l’eau e l’énergie, « ainsi que les réflexions du Comité Interministériel pour la modernisation de l’action publique (Cimap), qui formulera des recommandations en fin d’année sur les politiques publiques », précise Michel Lesage. Une réforme en profondeur des structures de gestion de l’eau parait de plus en plus probable, au vu des prises de position tant du député socialiste que de son alter ego François-Michel Lambert, en charge des questions de l’eau chez EELV, qui a déjà été à l’origine de la pétition européenne ayant contraint le commissaire européen Michel Barnier à retirer l’eau et l’énergie du champ du projet de directive sur les concessions.

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