Source : Reporterre
Voici une carte
unique : ligne par ligne, dans toutes les régions de France, elle
présente l’état du chemin de fer en France, selon la qualité de son
service. L’équipe de Reporterre a mené l’enquête, tronçon par tronçon,
en interrogeant des dizaines d’experts et d’usagers. Bilan : ça va mal.
Il est urgent de rénover « les trains du quotidien ».
En découvrant notre carte des
lignes de train menacées, présentant des dysfonctionnements, retards,
ralentissements, etc, vous ne serez sans doute pas surpris : le réseau
ferré français ne va pas très bien. Mais cette carte n’existait pas :
aujourd’hui, nous vous présentons l’état du réseau ferroviaire français
du point de vue des voyageurs.
Est-il facile d’aller en train au cœur du Massif central ? Est-il raisonnable de prendre le train dans les métropoles lyonnaise ou marseillaise si l’on souhaite arriver à l’heure au travail ? Peut-on circuler entre les régions sans être obligé de changer à Paris ou de prendre le TGV ?
« Le transport ferroviaire a beaucoup moins d’impact sur la pollution de l’air donc la santé et le climat que le transport routier », souligne Anne Lassman-Trappier, représentante des associations environnementales au Conseil d’administration de SNCF Réseau. Mais nous avions l’impression que se déplacer en train est de plus en plus difficile. Nous avons donc voulu vérifier, constater, hors TGV, comment se porte le train en France.
Il nous semblait urgent de faire cet état des lieux. Cette semaine, un rapport faisant des propositions pour une réforme du ferroviaire sera remis par Jean-Cyril Spinetta au gouvernement. La semaine dernière, c’était le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron qui était publié. À l’automne dernier, les Assises de la mobilité ont été un moment de consultation des parties prenantes. Tout cela va inspirer les grandes orientations de la politique des transports et du ferroviaire, notamment à travers le projet de loi d’orientation de la mobilité intérieure, qui sera présenté ce printemps. Afin de se faire entendre dans le débat, la CGT appelle les cheminots à manifester ce jeudi 8 février, pour « dénoncer la politique antiferroviaire du gouvernement ». Bref, le débat sur l’avenir du rail en France bat son plein.
La carte des lignes de chemin de fer menacées
La carte en plein écran est DISPONIBLE ICI
Cette collecte de données nous a permis de classer les lignes en quatre catégories :
Nous avons recensé 27 lignes pour un total de 1250 km dans cette catégorie, soit environ 4% du réseau national à l’arrêt. Là dedans, 13 lignes sont d’après nos informations sans espoir de réouverture. Aucun chantier de régénération n’y est prévu. 2 sont suspendues en raison de problèmes techniques, et 12 autres ont, elles, des travaux programmés et devraient revoir passer des trains d’ici quelques mois ou quelques années.
Ces lignes fermées sont principalement des lignes périphériques, des capillaires formant les mailles fines du filet ferroviaire. Elles desservent les territoires les moins peuplés, les plus difficiles d’accès. Elles n’ont souvent qu’une seule voie —les croisements de trains ne peuvent se faire qu’en gare.
Une bonne partie se situe dans la catégorie de ce que l’on appelle les lignes « UIC 7 à 9 », selon le classement de l’Union internationale des chemins de fer. Ce sont les moins sollicitées, celles sur lesquelles passent peu de trains, les moins « chargées » dans le jargon ferroviaire, et donc les moins entretenues. Elles représentent pourtant plus de 40 % du réseau ferré français, soit 12.000 km de lignes, dont 9.000 km sur lesquels circulent des voyageurs.
Les 11 autres ont un avenir incertain. Des travaux sont promis, mais ils n’ont pas commencé, sont repoussés, ne semblent pas prioritaires. Parfois, ils sont planifiés, et même en cours ou réalisés, mais restent insuffisants. Il en va ainsi pour la ligne des « Hirondelles », dans le Jura. 6 millions d’euros ont été dépensés pour une rénovation viable jusqu’à 2020. Et après ? Il faudrait trouver 40 millions… Autre cas au nord de Marseille, sur la ligne de la Côte Bleu : les travaux, nécessaires avant 2019, ne démarrent pas à cause de l’attente de la contribution de l’État.
Dans ce groupe on trouve majoritairement, encore une fois, des petites lignes, semblables à celles que nous avons décrites parmi les lignes rouges. Elles pourraient d’ailleurs venir grossir ce contingent dans les années à venir. Certaines sont particulièrement difficiles à exploiter, comme celle de l’Aubrac, qui trace à travers le Massif central, multipliant les ouvrages d’art.
Mais on trouve aussi dans ce groupe des liaisons d’intérêt national, reliant des zones densément peuplées. L’exemple le plus absurde est sans doute celui de la liaison entre Bordeaux et Nantes : alors que ces deux métropoles gagnent en habitants, la ligne en mauvais état impose des ralentissements, le temps de parcours explose, la fréquentation dégringole. Plus généralement, plusieurs liaisons inter-régionales se retrouvent dans ce groupe, délaissées au profit des liens avec la capitale.
En Normandie, les Intercités reliés à Paris ne manquent pas de voyageurs mais ont des problèmes de « matériel » —entendez locomotives et wagons— trop vieux ou inadapté quand il est récent. Autre problème commun aux lignes se dirigeant vers la capitale, la saturation des tronçons dès que l’on s’en approche. Les abonnés le sont aussi aux retards et suppressions de trains.
À l’inverse, on retrouve dans les zones les moins densément peuplées telles que le Cantal ou l’Auvergne, des horaires inadaptés, des gares qui ferment, un personnel qui se raréfie, une qualité de service qui se dégrade et devient inadapté aux usagers. Cela peut arriver sur des lignes en mauvais état, mais aussi parfois sur des lignes rénovées, comme dans le Morvan.
La rénovation de ces lignes a généralement été financée en majeure partie par les régions, soutenues dans une moindre proportion par l’État, SNCF Réseau et éventuellement d’autres collectivités locales.
« Il est quand même paradoxal que deux lignes à grande vitesse aient été mises en service cet été alors qu’on enregistrait en même temps 5.300 km de ralentissement sur le réseau ferré pour insuffisance d’entretien », appuyait la ministre des transports Élisabeth Borne dans une interview au JDD en septembre 2017.
La raison de cette situation est connue : le réseau classique a été délaissé au profit de la réalisation des lignes TGV. SNCF Réseau (auparavant RFF, Réseau ferré de France) ne pouvait pas à la fois mener de grands chantiers et entretenir le dense réseau existant. Un choix qui pèse encore sur la société. « L’État a imposé à son entreprise publique de continuer la politique LGV [lignes grande vitesse], estime Didier Le Reste, ex tête de la CGT cheminots, désormais porte-parole de la Convergence Nationale Rail. Et maintenant SNCF réseau porte une dette de 53 milliards parce que l’État n’a pas assumé ses responsabilités. » Conséquence : les péages sont particulièrement élevés en France, faire circuler un train coûte cher.
Plusieurs experts contactés par Reporterre pointent ainsi le manque de vision politique de long terme de l’État pour le train. Les politiques ont fonctionné aux grands projets : chacun voulait sa LGV.
Une façon de faire qui entre en collision avec la lourdeur de la maison SNCF. « C’est une vieille maison où chacun a ses habitudes, qui a beaucoup d’inertie », souligne l’économiste des transports Yves Crozet. « Depuis que je suis au conseil d’administration de SNCF Réseau, je me rends compte que les politiques font les arbitrages à la dernière minute. Or c’est une entreprise lourde, qui ne peut pas changer de cap facilement », observe Anne Lassman-Trappier.
Mais la SNCF porte aussi une part de responsabilité. Les horaires de certains trains sont inadaptés, la réservation sur internet privilégie quasi-systématiquement le TGV à l’Intercité et au TER même quand ces derniers ne prennent pas plus de temps, certaines réservations n’apparaissent que quelques jours avant le départ, des liaisons bus sont proposées en concurrence avec les lignes ferroviaires. On a parfois l’impression qu’elle cherche à nous détourner plutôt qu’à nous faire préférer le train...
Cela ne règle par pour autant l’avenir des axes secondaires. « L’État et la SNCF, bien que propriétaires du réseau, ne font rien pour ces lignes », relève Jean-Yves Petit, de France nature environnement PACA. Depuis la réforme ferroviaire de 2014, SNCF Réseau ne peut plus augmenter sa dette, l’entretien et l’exploitation des lignes UIC 7 à 9 n’est plus financé. « Ce sont donc les régions, qui prennent sur leurs fonds propres. Mais certaines disent que ce n’est plus possible pour elles. C’est comme si c’était le locataire qui payait la remise à neuf de son appartement ! Ce qui est inquiétant, c’est que ce sont les lignes qui contribuent à l’égalité des territoires qui sont délaissées. »
Les regards se tournent vers le politique. « Il faudrait mettre 4 milliards chaque année pendant 10 ans pour remettre le réseau à niveau », estime Bruno Gazeau, président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports). « Mais ce n’est pas excessif, c’est ce que font les Allemands et les Anglais. »
Peu probable qu’on y arrive en période de restrictions budgétaires… Le rapport du COI estime que « la question du maintien des voies peu utilisées se pose. En effet, maintenir en service ces infrastructures pour n’y offrir qu’une offre très pauvre en fréquence dont les usagers se détournent génère souvent un coût prohibitif par voyageur-kilomètre. »
Une des solutions, prônée notamment par l’économiste Yves Crozet, serait de reporter sur le car ces liaisons peu fréquentées. Plus évasif, le rapport propose de tester « la transformation de quelques lignes ferroviaires faiblement fréquentées en site propre des nouvelles mobilités ».
Enfin, autre enjeu qui pèsera sur les choix politiques à venir, celui de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, d’ici 2020 pour le TGV et 2023 pour le TER. Le sujet fait débat. Les syndicats de cheminots freinent des quatre fers, plaidant pour un service public unifié. À la Fnaut, Bruno Gazeau est favorable à une « concurrence régulée, comme pour les réseaux urbains en France ». « Il ne faut pas que cela rende le train plus cher et plus compliqué pour les voyageurs », averti de son côté Jean-Yves Petit chez FNE.
Comment le gouvernement va-t-il aborder ce virage ? Le rapport Spinetta, à venir cette semaine, précisera l’orientation. Affaire à suivre...
À venir cette semaine sur Reporterre :
Est-il facile d’aller en train au cœur du Massif central ? Est-il raisonnable de prendre le train dans les métropoles lyonnaise ou marseillaise si l’on souhaite arriver à l’heure au travail ? Peut-on circuler entre les régions sans être obligé de changer à Paris ou de prendre le TGV ?
« Le transport ferroviaire a beaucoup moins d’impact sur la pollution de l’air donc la santé et le climat que le transport routier », souligne Anne Lassman-Trappier, représentante des associations environnementales au Conseil d’administration de SNCF Réseau. Mais nous avions l’impression que se déplacer en train est de plus en plus difficile. Nous avons donc voulu vérifier, constater, hors TGV, comment se porte le train en France.
Il nous semblait urgent de faire cet état des lieux. Cette semaine, un rapport faisant des propositions pour une réforme du ferroviaire sera remis par Jean-Cyril Spinetta au gouvernement. La semaine dernière, c’était le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron qui était publié. À l’automne dernier, les Assises de la mobilité ont été un moment de consultation des parties prenantes. Tout cela va inspirer les grandes orientations de la politique des transports et du ferroviaire, notamment à travers le projet de loi d’orientation de la mobilité intérieure, qui sera présenté ce printemps. Afin de se faire entendre dans le débat, la CGT appelle les cheminots à manifester ce jeudi 8 février, pour « dénoncer la politique antiferroviaire du gouvernement ». Bref, le débat sur l’avenir du rail en France bat son plein.
Lignes rouges, oranges, jaunes, vertes
Nous avons donc, région par région, ligne par ligne, patiemment, recueilli les témoignages des associations locales, syndicats de cheminots, élus, passionnés de trains et particuliers ayant répondu à notre appel. Nous avons reçu plus d’une trentaine de témoignages spontanés, avons réalisé encore plus d’entretiens. Vous n’avez qu’à vous promener sur cette carte pour savoir, autour de chez vous, ou sur le trajet de vos prochaines vacances, comment se portent les lignes de train, si des travaux sont nécessaires, financés, programmés, si une amélioration est envisageable ou si au contraire, la fermeture est probable. Peut-être penserez-vous que nous avons oublié une ligne, ou au contraire un peu exagéré sur le sort incertain d’une autre. Cette carte est évolutive, signalez nous les modifications, en écrivant à planete[at]reporterre.net. Notons également que nous n’avons pas détaillé les lignes d’Île-de-France, par souci de clarté et parce que c’est un cas particulier, mais nous vous apporterons des précisions dans les jours à venir.La carte des lignes de chemin de fer menacées
La carte en plein écran est DISPONIBLE ICI
Cette collecte de données nous a permis de classer les lignes en quatre catégories :
- Tout d’abord, les lignes qui ont fermé ou ferment, en rouge sur la carte.
Nous avons recensé 27 lignes pour un total de 1250 km dans cette catégorie, soit environ 4% du réseau national à l’arrêt. Là dedans, 13 lignes sont d’après nos informations sans espoir de réouverture. Aucun chantier de régénération n’y est prévu. 2 sont suspendues en raison de problèmes techniques, et 12 autres ont, elles, des travaux programmés et devraient revoir passer des trains d’ici quelques mois ou quelques années.
Ces lignes fermées sont principalement des lignes périphériques, des capillaires formant les mailles fines du filet ferroviaire. Elles desservent les territoires les moins peuplés, les plus difficiles d’accès. Elles n’ont souvent qu’une seule voie —les croisements de trains ne peuvent se faire qu’en gare.
Une bonne partie se situe dans la catégorie de ce que l’on appelle les lignes « UIC 7 à 9 », selon le classement de l’Union internationale des chemins de fer. Ce sont les moins sollicitées, celles sur lesquelles passent peu de trains, les moins « chargées » dans le jargon ferroviaire, et donc les moins entretenues. Elles représentent pourtant plus de 40 % du réseau ferré français, soit 12.000 km de lignes, dont 9.000 km sur lesquels circulent des voyageurs.
- Carte des lignes dites « UIC 7 à 9 »
- Ensuite, nous avons recensé les lignes qui pourraient fermer, en orange sur la carte.
Les 11 autres ont un avenir incertain. Des travaux sont promis, mais ils n’ont pas commencé, sont repoussés, ne semblent pas prioritaires. Parfois, ils sont planifiés, et même en cours ou réalisés, mais restent insuffisants. Il en va ainsi pour la ligne des « Hirondelles », dans le Jura. 6 millions d’euros ont été dépensés pour une rénovation viable jusqu’à 2020. Et après ? Il faudrait trouver 40 millions… Autre cas au nord de Marseille, sur la ligne de la Côte Bleu : les travaux, nécessaires avant 2019, ne démarrent pas à cause de l’attente de la contribution de l’État.
Dans ce groupe on trouve majoritairement, encore une fois, des petites lignes, semblables à celles que nous avons décrites parmi les lignes rouges. Elles pourraient d’ailleurs venir grossir ce contingent dans les années à venir. Certaines sont particulièrement difficiles à exploiter, comme celle de l’Aubrac, qui trace à travers le Massif central, multipliant les ouvrages d’art.
Mais on trouve aussi dans ce groupe des liaisons d’intérêt national, reliant des zones densément peuplées. L’exemple le plus absurde est sans doute celui de la liaison entre Bordeaux et Nantes : alors que ces deux métropoles gagnent en habitants, la ligne en mauvais état impose des ralentissements, le temps de parcours explose, la fréquentation dégringole. Plus généralement, plusieurs liaisons inter-régionales se retrouvent dans ce groupe, délaissées au profit des liens avec la capitale.
- Nous avons également indiqué les lignes qui ne seront pas fermées —certaines sont même très fréquentées— mais sur lesquelles le service est fortement dégradé, en jaune sur la carte.
En Normandie, les Intercités reliés à Paris ne manquent pas de voyageurs mais ont des problèmes de « matériel » —entendez locomotives et wagons— trop vieux ou inadapté quand il est récent. Autre problème commun aux lignes se dirigeant vers la capitale, la saturation des tronçons dès que l’on s’en approche. Les abonnés le sont aussi aux retards et suppressions de trains.
À l’inverse, on retrouve dans les zones les moins densément peuplées telles que le Cantal ou l’Auvergne, des horaires inadaptés, des gares qui ferment, un personnel qui se raréfie, une qualité de service qui se dégrade et devient inadapté aux usagers. Cela peut arriver sur des lignes en mauvais état, mais aussi parfois sur des lignes rénovées, comme dans le Morvan.
- Cependant, nous avons aussi signalé les lignes qui ont rouvert, après une période de travaux ou même d’abandon de plusieurs années. Elles connaissent une nouvelle jeunesse et le retour des usagers. Nous les avons colorées en vert sur la carte.
La rénovation de ces lignes a généralement été financée en majeure partie par les régions, soutenues dans une moindre proportion par l’État, SNCF Réseau et éventuellement d’autres collectivités locales.
« 5.300 km de ralentissements »
Ces réouvertures sont la marque qu’un vaste chantier de rénovation du réseau ferré national est engagé. Il a principalement été porté par les régions, qui ont récupéré l’exploitation des lignes régionales au début des années 2000. Mais le travail est titanesque. « Un grand retard a été pris dans la rénovation des lignes classiques (…), nous écrit SNCF Réseau. L’âge moyen du réseau français est de 33 ans, contre 17 ans en Allemagne. Conséquence directe : sur les 30 000 km [plus précisément 28.800km - NDLR] de lignes que compte le réseau ferré national, près de 5 000 kilomètres de voies subissent des ralentissements. »« Il est quand même paradoxal que deux lignes à grande vitesse aient été mises en service cet été alors qu’on enregistrait en même temps 5.300 km de ralentissement sur le réseau ferré pour insuffisance d’entretien », appuyait la ministre des transports Élisabeth Borne dans une interview au JDD en septembre 2017.
- Carte des vitesses maximales nominales (juillet 2017).
- Télécharger pour voir la carte avec plus de précision
La raison de cette situation est connue : le réseau classique a été délaissé au profit de la réalisation des lignes TGV. SNCF Réseau (auparavant RFF, Réseau ferré de France) ne pouvait pas à la fois mener de grands chantiers et entretenir le dense réseau existant. Un choix qui pèse encore sur la société. « L’État a imposé à son entreprise publique de continuer la politique LGV [lignes grande vitesse], estime Didier Le Reste, ex tête de la CGT cheminots, désormais porte-parole de la Convergence Nationale Rail. Et maintenant SNCF réseau porte une dette de 53 milliards parce que l’État n’a pas assumé ses responsabilités. » Conséquence : les péages sont particulièrement élevés en France, faire circuler un train coûte cher.
Plusieurs experts contactés par Reporterre pointent ainsi le manque de vision politique de long terme de l’État pour le train. Les politiques ont fonctionné aux grands projets : chacun voulait sa LGV.
Une façon de faire qui entre en collision avec la lourdeur de la maison SNCF. « C’est une vieille maison où chacun a ses habitudes, qui a beaucoup d’inertie », souligne l’économiste des transports Yves Crozet. « Depuis que je suis au conseil d’administration de SNCF Réseau, je me rends compte que les politiques font les arbitrages à la dernière minute. Or c’est une entreprise lourde, qui ne peut pas changer de cap facilement », observe Anne Lassman-Trappier.
- Un train Corail/Intercités en 2013.
Mais la SNCF porte aussi une part de responsabilité. Les horaires de certains trains sont inadaptés, la réservation sur internet privilégie quasi-systématiquement le TGV à l’Intercité et au TER même quand ces derniers ne prennent pas plus de temps, certaines réservations n’apparaissent que quelques jours avant le départ, des liaisons bus sont proposées en concurrence avec les lignes ferroviaires. On a parfois l’impression qu’elle cherche à nous détourner plutôt qu’à nous faire préférer le train...
« Ce sont les lignes qui contribuent à l’égalité des territoires qui sont délaissées. »
Les défenseurs du ferroviaire le reconnaissent cependant, le discours a évolué ces dernières années. Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), sorti la semaine dernière, met en avant les transports du quotidien, tout comme la ministre Elisabeth Borne dans ses déclarations. Les priorités ne sont plus les LGV mais la rénovation des nœuds ferroviaires et des lignes structurantes.Cela ne règle par pour autant l’avenir des axes secondaires. « L’État et la SNCF, bien que propriétaires du réseau, ne font rien pour ces lignes », relève Jean-Yves Petit, de France nature environnement PACA. Depuis la réforme ferroviaire de 2014, SNCF Réseau ne peut plus augmenter sa dette, l’entretien et l’exploitation des lignes UIC 7 à 9 n’est plus financé. « Ce sont donc les régions, qui prennent sur leurs fonds propres. Mais certaines disent que ce n’est plus possible pour elles. C’est comme si c’était le locataire qui payait la remise à neuf de son appartement ! Ce qui est inquiétant, c’est que ce sont les lignes qui contribuent à l’égalité des territoires qui sont délaissées. »
Les regards se tournent vers le politique. « Il faudrait mettre 4 milliards chaque année pendant 10 ans pour remettre le réseau à niveau », estime Bruno Gazeau, président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports). « Mais ce n’est pas excessif, c’est ce que font les Allemands et les Anglais. »
Peu probable qu’on y arrive en période de restrictions budgétaires… Le rapport du COI estime que « la question du maintien des voies peu utilisées se pose. En effet, maintenir en service ces infrastructures pour n’y offrir qu’une offre très pauvre en fréquence dont les usagers se détournent génère souvent un coût prohibitif par voyageur-kilomètre. »
Une des solutions, prônée notamment par l’économiste Yves Crozet, serait de reporter sur le car ces liaisons peu fréquentées. Plus évasif, le rapport propose de tester « la transformation de quelques lignes ferroviaires faiblement fréquentées en site propre des nouvelles mobilités ».
Enfin, autre enjeu qui pèsera sur les choix politiques à venir, celui de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, d’ici 2020 pour le TGV et 2023 pour le TER. Le sujet fait débat. Les syndicats de cheminots freinent des quatre fers, plaidant pour un service public unifié. À la Fnaut, Bruno Gazeau est favorable à une « concurrence régulée, comme pour les réseaux urbains en France ». « Il ne faut pas que cela rende le train plus cher et plus compliqué pour les voyageurs », averti de son côté Jean-Yves Petit chez FNE.
Comment le gouvernement va-t-il aborder ce virage ? Le rapport Spinetta, à venir cette semaine, précisera l’orientation. Affaire à suivre...
À venir cette semaine sur Reporterre :
- Le détail, région par région, des politiques ferroviaires et de leurs impacts
- Le suivi du rendu du rapport de Jean-Cyril Spinetta
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