Source : La Tribune
CC - Wikimedia
Le gouverneur de la banque centrale espagnole, membre du conseil des gouverneurs de la BCE,
tente de reprendre la menace utilisée en Grèce de l’expulsion de la
zone euro pour décider les Catalans à ne pas voter pour les listes
indépendantistes le 27 septembre.
Vous avez aimé la menace du Grexit et
l’utilisation du système bancaire pour faire céder le gouvernement grec
cet été ? Vous adorerez la menace du « Catexit », autrement dit celle
d’expulser une Catalogne devenue indépendante de la zone euro. Cette nouvelle version a été ouvertement utilisée ce lundi 21 septembre par le gouverneur de la Banque d’Espagne, Luis Maria Linde.
Le « Catexit »
Ce dernier a ainsi déclaré que si la Catalogne se séparait de l’Espagne, le nouvel Etat serait « automatiquement exclu de la zone euro, car ce processus implique la sortie de l’Union européenne. » Et Luis Maria Linde d’aller encore plus loin dans les menaces en dressant le tableau cataclysmique d’un « Catexit. » « Les banques catalanes pourraient cesser d’avoir accès au refinancement de la BCE », explique-t-il. Dans ce cas, la Catalogne serait obligée d’émettre sa propre monnaie qui serait sans doute dévaluée. Et Luis Maria Linde rajoute encore l’horreur à la menace : « les dépôts pourront alors être gelés, comme cela a été le cas en Amérique latine ou en Grèce. »
Utiliser une recette qui a bien fonctionné
A six jours des élections régionales catalanes qui prennent la forme d’un référendum de substitution, la Banque d’Espagne - et donc la BCE - rejoue la partition grecque, chypriote et irlandaise qui a si bien fonctionné jusqu’ici pour obtenir des électeurs ou des gouvernements ce que désire la banque centrale. La menace de couper l’accès à l’euro et de provoquer un chaos économique par « un mauvais choix » semble donc devenir un mode de gouvernance de la zone euro de la part de l’Eurosystème. Ce qui est nouveau, c’est qu’on est ici non pas dans un choix purement économique, mais dans un choix politique. La Banque d’Espagne sort ici ouvertement de sa neutralité politique en cherchant à apeurer les électeurs catalans. Sa déclaration suit les annonces ce week-end des grandes banques espagnoles qui avaient menacé de quitter la Catalogne si cette dernière sortait de l’UE en cas d’indépendance.
Provoquer la panique pour gagner les élections
Il semblerait que, à Madrid, les élections du 27 septembre commencent à provoquer la panique et que l’on essaie d’affaiblir le mouvement indépendantiste catalan par la peur et la menace. Une technique qui avait déjà été utilisée avec succès en Ecosse voici un an lors du référendum du 18 septembre 2014. Dans les sondages, en effet, les deux listes indépendantistes, la CUP d’extrême-gauche et la liste commune indépendantistes Junts pel Sí obtiennent toujours la majorité des sièges. En termes de voix, elles restent minoritaires, mais certaines enquêtes, comme celle de Metroscopia du 16 septembre, leur attribuent près de 50 % des voix (49,6 % pour Metroscopia). En cas de double majorité, il sera difficile de stopper la volonté indépendantiste des Catalans.
Encore un bluff ?
Les menaces de Luis Maria Linde sont cependant un peu courtes et pourraient bien relever du même bluff que celui du Grexit. La liste Junts pel Sí n’entend pas, en effet, déclarer unilatéralement l’indépendance, sauf si Madrid provoque une épreuve de force. Le programme de cette liste est celui d’une séparation négociée et sanctionnée par un référendum qui a toujours été refusé par Madrid. Or, les indépendantistes souhaitent intégrer l’Europe dans ce processus. Junts pel Sí est en effet une liste pro-européenne, militant pour une Catalogne intégrée dans la zone euro et l’UE. L’idée est de négocier les modalités de la séparation, y compris au niveau financier et monétaire. Cette négociation serait logique puisque les Traités, contrairement à ce que dit Luis Maria Linde, ne prévoient pas le cas de la sécession. Il faudra donc discuter pour combler ce vide.
Le risque du « Catexit » pour la zone euro
Un « Catexit » chaotique provoqué par une BCE inflexible n’est, en réalité, pas davantage crédible que l’était le Grexit. La Catalogne représente 17 % du PIB espagnol, le cinquième de la zone euro. L’effondrement de son économie provoquerait une onde de choc qui menacerait le reste de l’Union monétaire. D’autant que, à la différence de la Grèce, la Catalogne est une économie très ouverte et c’est aussi une économie de transit par laquelle passe l’essentiel des exportations espagnoles.
Expulser manu militari la Catalogne serait jouer un jeu dangereux. D’autant que ce pourrait aussi être interprété comme un précédent par ceux qui souhaitent sortir de la zone euro. Certes, ce ne serait pas un précédent aussi franc que le Grexit, mais le mythe fondateur de « l’irréversibilité de l’euro » serait mis à mal, car les citoyens catalans seraient alors violemment privés de leur monnaie. Du reste, les fondements juridiques d’une telle expulsion seront contestables, puisque le cas serait nouveau.
Enfin, le gouvernement catalan ne serait pas entièrement démuni de moyens de réponse. Il pourrait répondre en instaurant un contrôle des capitaux et une contribution exceptionnelle pour conserver l’euro et s’appuyer sur des réserves de devises. Son économie en pâtirait lourdement, mais ce serait aussi un coup dur porté aux sociétés espagnoles et aux nombreuses entreprises étrangères présentes en Catalogne. La BCE pourra-t-elle prendre un tel risque en plein marasme économique mondial ? Par ailleurs, la Catalogne pourrait refuser de reprendre une partie de la dette espagnole, laissant un poids insupportable au reste de l’Espagne et provoquant donc un doute sur la solvabilité du pays. Bref, la menace d’une expulsion dans négociation n’est pas très crédible. Luis Maria Linde profite sans doute de son statut de membre du Conseil des Gouverneurs de la BCE pour agiter un chiffon rouge en espérant qu’il aura le même impact que les menaces précédentes appliquées aux pays déjà cités.
Un jeu dangereux
Mais, cette fois, les Catalans pourraient ne pas se laisser prendre. Plus Madrid joue les gros bras et les menaces (début septembre, le ministre de la Défense avait évoqué l’emploi des forces armées contre la Catalogne), plus les indépendantistes progressent dans les sondages. Une autre enquête publiée ce week-end sur la télévision catalane 8TV montrait que 58,2 % des Catalans étaient prêts à « assumer le fait que la Catalogne indépendante soit expulsée de l’UE. » L’Eurosystème prend donc un risque considérable, d’abord celui de renforcer l’indépendantisme, ensuite celui de s’aliéner un mouvement largement pro-européen qui ferait finalement passer l’indépendance avant sa présence dans l’UE, quitte à y revenir ensuite. Reste à savoir si la menace de la Banque d’Espagne sera reprise, en cas de victoire indépendantiste, par la BCE. Si c’est le cas, la question de l’indépendance de cette institution devra à nouveau être posée.
Le « Catexit »
Ce dernier a ainsi déclaré que si la Catalogne se séparait de l’Espagne, le nouvel Etat serait « automatiquement exclu de la zone euro, car ce processus implique la sortie de l’Union européenne. » Et Luis Maria Linde d’aller encore plus loin dans les menaces en dressant le tableau cataclysmique d’un « Catexit. » « Les banques catalanes pourraient cesser d’avoir accès au refinancement de la BCE », explique-t-il. Dans ce cas, la Catalogne serait obligée d’émettre sa propre monnaie qui serait sans doute dévaluée. Et Luis Maria Linde rajoute encore l’horreur à la menace : « les dépôts pourront alors être gelés, comme cela a été le cas en Amérique latine ou en Grèce. »
Utiliser une recette qui a bien fonctionné
A six jours des élections régionales catalanes qui prennent la forme d’un référendum de substitution, la Banque d’Espagne - et donc la BCE - rejoue la partition grecque, chypriote et irlandaise qui a si bien fonctionné jusqu’ici pour obtenir des électeurs ou des gouvernements ce que désire la banque centrale. La menace de couper l’accès à l’euro et de provoquer un chaos économique par « un mauvais choix » semble donc devenir un mode de gouvernance de la zone euro de la part de l’Eurosystème. Ce qui est nouveau, c’est qu’on est ici non pas dans un choix purement économique, mais dans un choix politique. La Banque d’Espagne sort ici ouvertement de sa neutralité politique en cherchant à apeurer les électeurs catalans. Sa déclaration suit les annonces ce week-end des grandes banques espagnoles qui avaient menacé de quitter la Catalogne si cette dernière sortait de l’UE en cas d’indépendance.
Provoquer la panique pour gagner les élections
Il semblerait que, à Madrid, les élections du 27 septembre commencent à provoquer la panique et que l’on essaie d’affaiblir le mouvement indépendantiste catalan par la peur et la menace. Une technique qui avait déjà été utilisée avec succès en Ecosse voici un an lors du référendum du 18 septembre 2014. Dans les sondages, en effet, les deux listes indépendantistes, la CUP d’extrême-gauche et la liste commune indépendantistes Junts pel Sí obtiennent toujours la majorité des sièges. En termes de voix, elles restent minoritaires, mais certaines enquêtes, comme celle de Metroscopia du 16 septembre, leur attribuent près de 50 % des voix (49,6 % pour Metroscopia). En cas de double majorité, il sera difficile de stopper la volonté indépendantiste des Catalans.
Encore un bluff ?
Les menaces de Luis Maria Linde sont cependant un peu courtes et pourraient bien relever du même bluff que celui du Grexit. La liste Junts pel Sí n’entend pas, en effet, déclarer unilatéralement l’indépendance, sauf si Madrid provoque une épreuve de force. Le programme de cette liste est celui d’une séparation négociée et sanctionnée par un référendum qui a toujours été refusé par Madrid. Or, les indépendantistes souhaitent intégrer l’Europe dans ce processus. Junts pel Sí est en effet une liste pro-européenne, militant pour une Catalogne intégrée dans la zone euro et l’UE. L’idée est de négocier les modalités de la séparation, y compris au niveau financier et monétaire. Cette négociation serait logique puisque les Traités, contrairement à ce que dit Luis Maria Linde, ne prévoient pas le cas de la sécession. Il faudra donc discuter pour combler ce vide.
Le risque du « Catexit » pour la zone euro
Un « Catexit » chaotique provoqué par une BCE inflexible n’est, en réalité, pas davantage crédible que l’était le Grexit. La Catalogne représente 17 % du PIB espagnol, le cinquième de la zone euro. L’effondrement de son économie provoquerait une onde de choc qui menacerait le reste de l’Union monétaire. D’autant que, à la différence de la Grèce, la Catalogne est une économie très ouverte et c’est aussi une économie de transit par laquelle passe l’essentiel des exportations espagnoles.
Expulser manu militari la Catalogne serait jouer un jeu dangereux. D’autant que ce pourrait aussi être interprété comme un précédent par ceux qui souhaitent sortir de la zone euro. Certes, ce ne serait pas un précédent aussi franc que le Grexit, mais le mythe fondateur de « l’irréversibilité de l’euro » serait mis à mal, car les citoyens catalans seraient alors violemment privés de leur monnaie. Du reste, les fondements juridiques d’une telle expulsion seront contestables, puisque le cas serait nouveau.
Enfin, le gouvernement catalan ne serait pas entièrement démuni de moyens de réponse. Il pourrait répondre en instaurant un contrôle des capitaux et une contribution exceptionnelle pour conserver l’euro et s’appuyer sur des réserves de devises. Son économie en pâtirait lourdement, mais ce serait aussi un coup dur porté aux sociétés espagnoles et aux nombreuses entreprises étrangères présentes en Catalogne. La BCE pourra-t-elle prendre un tel risque en plein marasme économique mondial ? Par ailleurs, la Catalogne pourrait refuser de reprendre une partie de la dette espagnole, laissant un poids insupportable au reste de l’Espagne et provoquant donc un doute sur la solvabilité du pays. Bref, la menace d’une expulsion dans négociation n’est pas très crédible. Luis Maria Linde profite sans doute de son statut de membre du Conseil des Gouverneurs de la BCE pour agiter un chiffon rouge en espérant qu’il aura le même impact que les menaces précédentes appliquées aux pays déjà cités.
Un jeu dangereux
Mais, cette fois, les Catalans pourraient ne pas se laisser prendre. Plus Madrid joue les gros bras et les menaces (début septembre, le ministre de la Défense avait évoqué l’emploi des forces armées contre la Catalogne), plus les indépendantistes progressent dans les sondages. Une autre enquête publiée ce week-end sur la télévision catalane 8TV montrait que 58,2 % des Catalans étaient prêts à « assumer le fait que la Catalogne indépendante soit expulsée de l’UE. » L’Eurosystème prend donc un risque considérable, d’abord celui de renforcer l’indépendantisme, ensuite celui de s’aliéner un mouvement largement pro-européen qui ferait finalement passer l’indépendance avant sa présence dans l’UE, quitte à y revenir ensuite. Reste à savoir si la menace de la Banque d’Espagne sera reprise, en cas de victoire indépendantiste, par la BCE. Si c’est le cas, la question de l’indépendance de cette institution devra à nouveau être posée.
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