mercredi 1 octobre 2014

Nanomatériaux : petits mais maxi-risques ?

Par Sylvie Boistard
Publié par :
http://www.viva.presse.fr//nanomateriaux-petits-mais-maxi-risques-170016
Le : 29-09-2014

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Nous ne le savons pas forcément, mais les nanomatériaux sont présents
dans de nombreux produits de consommation courante. L’Anses tire la
sonnette d’alarme et demande qu’ils soient classés parmi les substances
dangereuses.

Le 15 mai dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) lançait une
alerte sur les nanomatériaux. « De nombreuses questions subsistent quant
à leurs effets sur la santé et l’environnement […], sachant qu’il
n’existe pas à l’heure actuelle de données directement sur l’homme, en
raison de l’absence d’études épidémiologiques », estime l’agence, qui en
appelle à un encadrement réglementaire renforcé des nanomatériaux
manufacturés au niveau européen. Objectif : mieux évaluer les risques
sanitaires des produits qui en contiennent.
Des particules omniprésentes

Impossible d’y échapper. Depuis une décennie, les nanoparticules de
titane, d’argent, de carbone, de silice, etc., ont envahi notre
quotidien. Et pour cause : leur petite taille – 50 000 fois inférieure à
l’épaisseur d’un cheveu – leur confère des propriétés physiques,
chimiques et biologiques (robustesse, élasticité, adhé­rence,
conductivité, action bacté­ricide, etc.) particulièrement intéressantes
pour les industriels du textile, de l’agroalimentaire, de l’automobile,
de l’électronique ou des cosmétiques.

On les retrouve ainsi dans les crèmes solaires comme filtre contre les
ultraviolets, dans certains dentifrices pour leur pouvoir abrasif, mais
aussi dans l’alimentation pour apporter de nouveaux goûts et saveurs aux
produits. On les incorpore dans le sucre glace pour renforcer sa
blancheur et sa légèreté, dans les poudres chocolatées pour éviter la
formation de grumeaux, dans le sel pour l’assécher ou encore dans le
ketchup pour l’épaissir.

Les nanomatériaux sont également présents dans les textiles
antibactériens, les pneus – pour améliorer leur adhérence –, les
carburants, les batteries, les claviers et souris d’ordinateur, les
ciments, les isolants, les produits électroménagers, les raquettes de
tennis, les peintures et lasures… autant dire partout. Le monde médical
et pharmaceutique n’y échappe pas. Les nanos sont utilisés comme agent
antibactérien dans la fabrication de tables d’opération, comme produits
de contraste en imagerie médicale, mais aussi dans le développement de
nanomédicaments. Ils servent de vecteurs pour acheminer des médicaments
au cœur même des lésions ou des cellules malignes afin de réduire les
doses et, donc, les effets secondaires.
Des effets toxiques sur la santé et l’environnement

Diverses études internationales menées in vitro et in vivo sur des rats
et des souris mettent en évidence des effets sur la santé et
l’environnement. Même si ces résultats ne sont pas directement
extrapolables à l’homme – les études épidémiologiques faisant encore
défaut –, ils sont particulièrement inquiétants. En raison de leur très
petite taille, les nanoparticules sont soupçonnées de traverser les
barrières naturelles de l’organisme que sont la peau, les poumons, le
tube digestif, le placenta. Plus leur taille est réduite, et plus les
nanoparticules sont susceptibles de passer dans la circulation sanguine
et de s’accumuler dans les organes (rein, foie, cerveau, thymus, etc.).

Les nanoparticules de carbone, l’une des plus répandues (on les trouve
dans certains articles de sport, les écrans souples et les équipements
automobiles), sont particulièrement pointées du doigt. Elles
provoqueraient des ­cassures d’Adn et de chromosomes, des aberrations
chromosomiques (nombre anormal de chromosomes), des malformations et des
anomalies dans le développement de l’embryon, mais aussi des maladies
respiratoires telles que la fibrose pulmonaire ou le mésothéliome, un
cancer dont sont également victimes les personnes exposées à l’amiante.

Quant au dioxyde de titane, utilisé dans les cosmétiques et dans le
secteur du bâtiment, des études indiquent, depuis 2004, qu’il risque de
provoquer des cancers pulmonaires. Le Centre international de recherche
sur le cancer (Circ) l’a d’ailleurs classé en 2006 comme carcinogène
possible chez l’homme par inhalation. Pour l’Anses, les recherches
doivent s’accentuer, ­notamment sur les risques d’une exposition faible
mais chronique aux nanoparticules, et ceux liés à leur ingestion. On ne
sait rien non plus de leur cycle de vie, ni de leur transformation une
fois libérées dans l’environnement.
Renforcer la réglementation et la traçabilité

L’Anses préconise que les nanomatériaux comme les nanotubes de carbone
et d’argent, le dioxyde de titane et le dioxyde de silice soient soumis
aux ­réglementations européennes Clp (règlement de classification,
étiquetage et emballage des substances et des mélanges) et Reach,
laquelle gère l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation ou la
restriction d’utilisation des produits chimiques. Ces mesures
permettraient de renforcer la traçabilité des nanomatériaux destinés à
être intégrés dans les produits de consommation, depuis leur production
jusqu’à leur distribution, et ainsi de mieux contrôler l’exposition de
la population, mais aussi celle des salariés travaillant au contact de
ces produits.

Depuis le 1er janvier 2013, la France oblige les producteurs et les
utilisateurs de nanomatériaux à déclarer ceux produits, importés ou
distribués sur le territoire. Mais cette déclaration fait état du
tonnage de nanomatériaux employés, pas de leur usage. Autrement dit, il
est impossible de savoir dans quels produits de consommation courante
ils ont été incorporés.

Depuis juillet 2013, le mot « nano » doit clairement figurer, entre
parenthèses après le nom de la nanoparticule, sur la liste des
composants des produits cosmétiques et des biocides. Mais pour les
autres produits de consommation, il n’y a aucune obligation d’indiquer
leur présence sur les étiquettes. Le consommateur n’a donc pas d’autre
choix que de rester vigilant. Attention, par exemple, aux textiles qui
affichent des propriétés exceptionnelles (antibactérien, indéchirable,
inusable, hydrofuge, etc.), ils sont les plus susceptibles de renfermer
des nanoparticules. Des sites référencés sur le site veillenanos.fr
permettent de repérer les produits qui en contiennent.

A lire : Nanotoxiques, une enquête, par Roger Lenglet, Actes Sud, mars
2014, 22 euros.


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