Elisabeth Schneiter Reporterre
vendredi 17 octobre 2014
Les causes
de l’épidémie de fièvre Ebola sont à chercher dans les importants
changements environnementaux qu’a connus l’Afrique ces dernières
décennies. La déforestation massive en Afrique de l’ouest et
l’exploitation minière ont favorisé le contact du virus avec les
populations humaines.
Dans la recherche des causes et des responsabilités sur ce qui a fait que l’épidémie actuelle de fièvre Ebola a échappé au contrôle, un facteur a été oublié dans les analyses : la santé publique est liée à la santé de l’environnement.
Certes l’incapacité des personnels de santé locaux et des groupes d’aide internationale à contenir le virus est une partie du problème. Mais pour comprendre l’épidémie, il faut s’intéresser aux importants changements démographiques et environnementaux qu’a connus l’Afrique durant les dernières décennies.
« En général, le virus Ebola vit à l’intérieur de la jungle, dans des animaux, probablement les roussettes, une espèce de chauve-souris frugivores. Les flambées se produisent lorsque le virus Ebola "déborde" de son hôte animal vers une personne humaine », dit Jonathan Epstein, épidémiologiste de l’EcoHealth Alliance à New York, qui étudie les maladies virales émergentes.
Déforestation massive
Pour lui, c’est l’augmentation de l’activité humaine dans et autour des forêts - exploitation forestière, agriculture, chasse - qui augmente les occasions d’infection par le virus Ebola. « La déforestation ou l’incursion dans les forêts, que ce soit par la chasse ou tout simplement la modification du paysage, augmentent les contacts entre les gens et les animaux sauvages », dit Epstein.
C’est pourquoi, si l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, la première de son genre dans la région, a surpris l’establishment médical, le risque émergent depuis au moins une décennie était devenu si fort, que cette épidémie paraissait à plusieurs spécialistes prévisible et inévitable.
L’Afrique d’aujourd’hui est très différente de l’Afrique de 1976, lorsque le virus Ebola a été découvert. Au cours des quatre dernières décennies, la population du continent a triplé. Les forêts ont été abattues, et les routes ont éventré des zones qui étaient auparavant presque inaccessibles.
« Ce virus se développe dans une population urbanisée avec des personnes qui voyagent de plus en plus loin », explique Michael Osterholm, directeur du Centre de recherche sur les maladies infectieuses et de la politique à l’Université du Minnesota.
L’activité humaine est le moteur qui pousse les chauves-souris à trouver de nouveaux habitats parmi les populations humaines. Les forêts qui couvraient toute l’Afrique de l’Ouest ont été rasées au cours de la dernière décennie. Les forêts tropicales humides de la Guinée ont été réduites de 80 %.
D’après Global Witness, plus de la moitié des forêts du Liberia, où vivent quarante espèces menacées, y compris le chimpanzé de l’Ouest, ont été vendues à des exploitants forestiers industriels durant le gouvernement d’après-guerre de la présidente Ellen Johnson Sirleaf.
L’exploitation forestière, l’agriculture itinérante sur brûlis et l’abattage des arbres pour le bois de feu ont augmenté la déforestation en Sierra Leone, où la couverture forestière totale a chuté à seulement 4 %, et selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) : « Si la déforestation se poursuit au rythme actuel, les forêts de la Sierra Leone pourraient disparaître d’ici 2018. »
Exploitation minère
Dans ces forêts habitaient des chauves-souris frugivores, porteuses du virus Ebola. Chassées par la destruction de leur habitat, elles se concentrent dans ce qui en reste. Dans le même temps, l’exploitation minière est devenue la grande activité de la région, employant des milliers de travailleurs qui vont régulièrement dans les mines, justement situées sur le territoire des chauve-souris, en particulier les roussettes.
Les roussettes sont porteuses du virus Ebola, mais généralement n’en meurent pas. Le virus pourrait facilement avoir migré de l’Afrique centrale à l’Afrique de l’Ouest de la même façon que les oiseaux propagent le virus du Nil occidental en Amérique du Nord lors des migrations saisonnières.
En Afrique de l’Ouest, les populations locales mangent des chauves-souris et de la viande de brousse mais il y a d’autres voies de transmission du virus. Il est concevable que le garçon de deux ans dont on pense qu’il est le premier cas de cette épidémie en Guinée, ait été infecté après avoir mangé des fruits contaminés par des chauve-souris. Ce mode de transmission peut également expliquer comment la maladie pénètre dans les populations de gorilles sauvages.
Début septembre, la Fondation Bill & Melinda Gates a annoncé qu’elle engagerait 50 millions de dollars pour favoriser l’intensification des efforts d’urgence pour contenir la flambée de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest et interrompre la transmission du virus.
La fondation travaillera aussi avec des partenaires des secteurs public et privé afin d’accélérer le développement de thérapies, vaccins et diagnostics qui pourrait être efficaces dans le traitement des patients et la prévention de la transmission de la maladie.
Mais, remarque Michael Osterholm, c’est « l’augmentation de la population et la déforestation en Afrique qui augmentent les chances d’autres foyers d’épidémie. Ces changements augmentent la probabilité des épidémies d’Ebola et le fait qu’il y aura de plus en plus de malades. Ce n’est pas le virus qui a changé, c’est l’Afrique ».
Source : Elisabeth Schneiter pour Reporterre à partir des articles du Guardian, de National Geographic, et de NPR.
Photos :
. Combinaisons : Flickr (CC BY-ND 2.0/European Commission DG Echo)
. Mine : Wikipedia (CC BY-SA 3.0/Per Arne Wilson)
. Déforestation : Wikipedia (CC BY 2.0/WRI Staff)
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