Sur le modèle de la « Coopérative Intégrale Catalane » en Espagne, un groupe s’est formé pour créer l’équivalent à Toulouse. Squats, permaculture, milieu étudiant, les horizons sont divers. Entre autogestion et prises de décisions collectives, les assemblées générales s’enchaînent et ne se ressemblent pas.
En cette matinée du mois de novembre, un cercle se forme devant les portes de « La Chapelle »,
lieu culturel alternatif toulousain. Sous les rayons du soleil
d’automne, les participants arrivent tranquilles, pas toujours à
l’heure. Pour cette deuxième assemblée générale, l’idée de construire
une alternative hors du « système » rassemble finalement une quarantaine de curieux.
Le projet de coopérative intégrale est loin d’être cosmétique. Il est même plutôt radical. Il s’agit de mettre en réseau au sein d’une grande coopérative des projets locaux autonomes déjà existants, constituant des alternatives au modèle dominant. Et ce dans tous les aspects de la vie quotidienne : habitation, agriculture, logement, production, financement. Léon, de la coopérative catalane, insiste sur le passage à l’action, « on passe de la résistance au système à une alternative viable ». Comme fil directeur de l’expérience : la prise de gestion collective, la démocratie directe, l’autogestion.
L’ordre du jour est écrit sur un tableau. Il faut rajouter des chaises. Au centre du cercle trône une vieille boîte de conserve pour les mégots. « Vous devez respecter les lieux, ne pas marcher dans l’herbe et ne pas laisser vos clopes » prévient-on dès l’arrivée. Chacun commence à se présenter, de façon plus ou moins poétique, agressive, ironique.
Dans le cercle ? Des étudiants, squatteurs, instits, jeunes actifs, militants. Les profils, horizons, et terreaux idéologiques sont diverses. « On a tous nos réseaux » résume un squatteur. Mathieu travaille sur un projet de groupement d’achat, « un supermarché de la mort, mais qui serait à nous ! ». Les mots d’« autonomie » et « d’autogestion » ont fait rêvé Isabelle. « J’ai vu le projet de Calafou en Catalogne » raconte aussi Carlos au fil des prises de paroles, « je suis curieux de voir tout ce qui existe déjà à Toulouse et comment on pourrait faire le lien entre tout ça ». Pour Karim « occuper des lieux c’est bien. Mais avec ce genre d’initiatives, on peut reprendre le contrôle sur nos vies ». Maya a déjà participé à l’ouverture d’un squat, « j’aimerais ouvrir un resto associatif ». Des corn-flakes maison circulent de main en main. Le groupe auto-régule la parole, freine les trop bavards, calme les énervés. Certains quittent le cercle comme d’autres trouvent leur place.
Sur le papier, la flèche file droit vers une série d’étapes transitoires basées sur la « monnaie officielle », puis la « monnaie sociale » (échange multi-réciproque de biens, services et connaissances), puis sur un système de troc et d’échange direct, pour aboutir enfin à l’objectif suprême : l’« économie communautaire », soit l’art de partager. Retour aux fondamentaux : la monnaie n’est qu’une valeur d’échange et pas un moyen d’accumuler les richesses. « L’idée est même de se passer de l’argent » explique Léon.
On retrouve là un tas d’influences : la permaculture, la décroissance. Au niveau politique, l’autogestion et l’abolition de la hiérarchie rappelle le mouvement anarchiste, même si le mot n’est pas prononcé. L’idée d’aller du local vers le global est aussi un fil rouge. Quant au statut de coopérative, il est selon Carlos « un moyen d’assurer la démocratie au sein du groupe ».
Après l’auberge espagnole du midi, de petits groupes de travail se forment pour l’après-midi autour de thèmes plus précis : le juridique, les valeurs, les outils de communication, les réseaux.
Deux mois plus tard, tout ce travail est fidèlement restitué. Fin janvier, une vingtaine de personnes a recomposée la troisième assemblée générale. Entre les plus impliqués et de nouveaux venus, les débats se poursuivent. Mais ce n’est qu’un début.
Depuis la Grèce antique, la démocratie prend la forme d’un cercle. Il y en aura beaucoup d’autres, jusqu’à aboutir à Toulouse sur une coopérative intégrale à la catalane. « On peut tout à fait créer notre propre modèle sans copier intégralement ce qui existe déjà » prévient Claire, très impliquée dans le projet. « Je pense que c’est un processus qui peut prendre deux ou trois ans » résume Carlos, pas découragé pour autant. En attendant, le travail continuera au rythme d’une journée par mois.
L’énergie collective est en marche. « La coopérative intégrale est comme un organisme vivant » dit-on en Catalogne. A Toulouse, elle vient juste de naître.
Le projet de coopérative intégrale est loin d’être cosmétique. Il est même plutôt radical. Il s’agit de mettre en réseau au sein d’une grande coopérative des projets locaux autonomes déjà existants, constituant des alternatives au modèle dominant. Et ce dans tous les aspects de la vie quotidienne : habitation, agriculture, logement, production, financement. Léon, de la coopérative catalane, insiste sur le passage à l’action, « on passe de la résistance au système à une alternative viable ». Comme fil directeur de l’expérience : la prise de gestion collective, la démocratie directe, l’autogestion.
L’ordre du jour est écrit sur un tableau. Il faut rajouter des chaises. Au centre du cercle trône une vieille boîte de conserve pour les mégots. « Vous devez respecter les lieux, ne pas marcher dans l’herbe et ne pas laisser vos clopes » prévient-on dès l’arrivée. Chacun commence à se présenter, de façon plus ou moins poétique, agressive, ironique.
Dans le cercle ? Des étudiants, squatteurs, instits, jeunes actifs, militants. Les profils, horizons, et terreaux idéologiques sont diverses. « On a tous nos réseaux » résume un squatteur. Mathieu travaille sur un projet de groupement d’achat, « un supermarché de la mort, mais qui serait à nous ! ». Les mots d’« autonomie » et « d’autogestion » ont fait rêvé Isabelle. « J’ai vu le projet de Calafou en Catalogne » raconte aussi Carlos au fil des prises de paroles, « je suis curieux de voir tout ce qui existe déjà à Toulouse et comment on pourrait faire le lien entre tout ça ». Pour Karim « occuper des lieux c’est bien. Mais avec ce genre d’initiatives, on peut reprendre le contrôle sur nos vies ». Maya a déjà participé à l’ouverture d’un squat, « j’aimerais ouvrir un resto associatif ». Des corn-flakes maison circulent de main en main. Le groupe auto-régule la parole, freine les trop bavards, calme les énervés. Certains quittent le cercle comme d’autres trouvent leur place.
Vers un monde sans argent
Puis il faut expliquer le concept de coopérative intégrale. Pas facile. « Un vrai exercice mental » selon Leon. Les questions fusent. Des concepts claquent comme autant de promesses gigantesques : « autogestion », « transformation sociale », « monnaie alternative ». On parle même d’organiser un cours d’économie pour les néophytes. Des schémas photocopiés circulent. Pour atteindre ce « système économique intégral » (défini par des relations de proximité et de confiance et favorisant la dé-capitalisation), on part d’une « économie financière ».Sur le papier, la flèche file droit vers une série d’étapes transitoires basées sur la « monnaie officielle », puis la « monnaie sociale » (échange multi-réciproque de biens, services et connaissances), puis sur un système de troc et d’échange direct, pour aboutir enfin à l’objectif suprême : l’« économie communautaire », soit l’art de partager. Retour aux fondamentaux : la monnaie n’est qu’une valeur d’échange et pas un moyen d’accumuler les richesses. « L’idée est même de se passer de l’argent » explique Léon.
On retrouve là un tas d’influences : la permaculture, la décroissance. Au niveau politique, l’autogestion et l’abolition de la hiérarchie rappelle le mouvement anarchiste, même si le mot n’est pas prononcé. L’idée d’aller du local vers le global est aussi un fil rouge. Quant au statut de coopérative, il est selon Carlos « un moyen d’assurer la démocratie au sein du groupe ».
Un processus de deux à trois ans
Autour du cercle, les idées rebondissent comme des balles de ping-pong, et butent sur certains murs. Créer ni plus ni moins qu’un nouveau système économique ? « La question de l’illégalité va forcément de poser un jour » lâche un participant. Une autre enchaîne, « pour l’instant, on profite tous d’un système médical. L’État tout pourri, j’y crois pas non plus. On peut pas faire des IRM en boites en camembert ! »Après l’auberge espagnole du midi, de petits groupes de travail se forment pour l’après-midi autour de thèmes plus précis : le juridique, les valeurs, les outils de communication, les réseaux.
Deux mois plus tard, tout ce travail est fidèlement restitué. Fin janvier, une vingtaine de personnes a recomposée la troisième assemblée générale. Entre les plus impliqués et de nouveaux venus, les débats se poursuivent. Mais ce n’est qu’un début.
Depuis la Grèce antique, la démocratie prend la forme d’un cercle. Il y en aura beaucoup d’autres, jusqu’à aboutir à Toulouse sur une coopérative intégrale à la catalane. « On peut tout à fait créer notre propre modèle sans copier intégralement ce qui existe déjà » prévient Claire, très impliquée dans le projet. « Je pense que c’est un processus qui peut prendre deux ou trois ans » résume Carlos, pas découragé pour autant. En attendant, le travail continuera au rythme d’une journée par mois.
L’énergie collective est en marche. « La coopérative intégrale est comme un organisme vivant » dit-on en Catalogne. A Toulouse, elle vient juste de naître.
Les catalans bien dans leur Coop
A une heure environ de Barcelone, il faut prendre une petite route qui part du village de Vallbona d’Anoia pour atteindre Calafou.
Dans un fond de vallée où il ne fait pas chaud en hiver, une ancienne
usine textile est devenue « Colonia ecoindustrial postcapitalista ».
Rachetés collectivement, les 28 000m2 et 27 logements de l’ensemble
n’ont rien d’un lieu de vacances. Il y a du boulot pour un siècle. Au
pied d’une rivière encore souillée par les déjections des industries en
amont, les coopérateurs travaillent dur sur leur projet politique de
transformation sociale. En deux mots : sortir du capitalisme et se
libérer du contrôle étatique.
Calafou est en fait un des maillons de la chaîne de la Coopérative Intégrale Catalane (CIC) créée en 2010, qui fait des petits jusqu’à Toulouse. León, venu partager son expérience côté français résume « l’idée est de mettre ensemble des alternatives qui existaient déjà pour les intégrer dans un système global ». Le concept central est donc la mise en réseau d’entreprises solidaires, d’initiatives, et projets qui constituent une alternative au modèle capitaliste dans tous les domaines. Le projet catalan repose sur l’idée d’autogestion et de prise de décision collective (basée sur l’égalité entre les membres). Les décisions sont prises de manières décentralisée et autonomes, par des assemblées ouvertes selon la règle du consensus. Pour les sujets qui concernent toute la coopérative intégrale, elles sont débattues au sein d’assemblée générale, puis mises en application au sein de groupes de travail.
On estime qu’environ 10 000 personnes gravitent autour du réseau, même si toutes ne sont pas adhérentes. Des monnaie sociales (mais aussi le troc ou la gratuité) régissent les échanges, même si des euros circulent encore. Signe que vivre totalement en marge du système est illusoire ? « Je me considère comme un utopien, c’est à dire de ceux qui prennent le chemin de l’utopie » expliquait en début d’année un des habitants de Calafou d’un geste de la main vers l’avant, pour montrer tout le chemin qu’il reste à parcourir.
Calafou est en fait un des maillons de la chaîne de la Coopérative Intégrale Catalane (CIC) créée en 2010, qui fait des petits jusqu’à Toulouse. León, venu partager son expérience côté français résume « l’idée est de mettre ensemble des alternatives qui existaient déjà pour les intégrer dans un système global ». Le concept central est donc la mise en réseau d’entreprises solidaires, d’initiatives, et projets qui constituent une alternative au modèle capitaliste dans tous les domaines. Le projet catalan repose sur l’idée d’autogestion et de prise de décision collective (basée sur l’égalité entre les membres). Les décisions sont prises de manières décentralisée et autonomes, par des assemblées ouvertes selon la règle du consensus. Pour les sujets qui concernent toute la coopérative intégrale, elles sont débattues au sein d’assemblée générale, puis mises en application au sein de groupes de travail.
On estime qu’environ 10 000 personnes gravitent autour du réseau, même si toutes ne sont pas adhérentes. Des monnaie sociales (mais aussi le troc ou la gratuité) régissent les échanges, même si des euros circulent encore. Signe que vivre totalement en marge du système est illusoire ? « Je me considère comme un utopien, c’est à dire de ceux qui prennent le chemin de l’utopie » expliquait en début d’année un des habitants de Calafou d’un geste de la main vers l’avant, pour montrer tout le chemin qu’il reste à parcourir.
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