Cétait là aller dans un sens plus radical que les ratios dits de Bâle II
et Bâle III, tentant dimposer aux banques, dans la durée, une réserve en caisse
équivalent à 8% de lensemble des sommes circulant dans les banques. Et la
panique aidant, ce nétait guère rassurant, pour les banques, si tous les
«petits clients» retiraient lensemble de largent leur appartenant ! On
nétait plus avant la crise où les banques françaises en 2007 avaient accumulé
un gain de 48 milliards deuros permettant de distribuer des bonus extravagants
et autres revenus mirobolants à 9 000 traders et dirigeants
français.
Les
années fortes évanouies, il fallait aussi entendre la défiance, voire rassurer
langoisse des déposants.
De la
promesse aux discours abscons
A
défaut de vouloir socialiser les banques et, au surplus, à prétendre se montrer
le bon élève de laffairiste Union Européenne, Hollande dut en rabattre pour
autant quil ait sincèrement pensé que la réforme nétait pas une manière
dappâter lélecteur de gauche.
Quand
lheure de laction fut venue, les socio-libéraux se convainquirent quil
fallait, par réalisme, faire preuve dune «extraordinaire indulgence» (1)
vis-à-vis du secteur bancaire. Dabord parce que celui-ci était ENORME, près de
4 fois le Produit Intérieur Brut ! Ensuite, parce quil était destiné à
assurer de la liquidité à
léconomie, même sil ne lui octroyait sous forme de prêts que 10% de leur
bilan (2), plus des ¾ relevant des «opérations de marché» lucratives.
Liquidités ? Quest-ce à dire ? Cest la circulation du capital en
quête de rentes, sous forme dachats et de ventes dactions. Fallait-il donc
protéger les actionnaires propriétaires de parts dentreprises, vendant leurs
parts, en achetant dautres en fonction de lanticipation de gains mesurés en
rendement actionnarial à deux chiffres ? Nos doctes gouvernants
nemployèrent guère ces termes révélateurs. Ils préférèrent recourir à la notion
absconse de teneur du marché, bref à
défaut dêtre con, il fallait comprendre que pour les actionnaires le marché
devait bien se tenir afin de leur assurer le gonflement de leurs rentes. Alors,
avec toute lemphase de circonstance, Moscovici et Berger présentèrent leur
solution trompe-lil : la loi allait imposer la filialisation des banques.
La réforme ou
comment «fouetter les banquiers avec un
plumeau» (1)
Par
la filialisation, il sagissait, en apparence de «ranger» les activités
spéculatives dans des filiales séparées, les dépôts des épargnants sen trouvant
ainsi sécurisés. Mais pas toutes
loin de là ! Il fallait être
raisonnable : les hedge funds
qui détiennent 20% des actifs financiers des banques, fallait pas y
toucher ! Trop gros pour faire faillite. Or ces «banques de lombre» étaient bien
celles-là mêmes doù était venue la
«vérole spéculative» (1). Pour ne
prendre quun exemple, BNP Paribas avait dû, lors de lété 2007, fermer trois de
ses hedge funds et en subir les
pertes. Ainsi, les banques si peu allégées de leurs activités spéculatives
devaient-elles encore et toujours disposer de la garantie de lEtat pour, en cas
de faillite, pouvoir les renflouer ? Et bien, oui ! Mais pas encore
suffisant !
La
holding chapeautant les banques et leurs filiales serait autorisée à intervenir
pour sauver leurs filiales si, par quelques déconvenues dramatiques (dire «état de détresse» en langage socialo)
elles faisaient faillite. Pour ce cas de figure, dit «hautement improbable», le
projet de loi Mosco-Berger se veut rassurant. Cette holding ne pourrait utiliser
«ses» fonds quà hauteur de 10 à 25% de «ses» actifs financiers, enfin, ceux des
déposants. Eh ! 10% des actifs de BNP Paribas, cest 7.5 milliards deuros,
25%, 18.75 milliards ! Enorme ! De quoi accélérer la panique et,
catastrophe oblige, de faire jouer la garantie de lEtat ! Quà cela ne
tienne, puisque les Français ny verront que du feu ! Telle est la nature
de lentourloupe hollandiste
Quant
à ceux, méfiants, qui y verraient anguille sous roche, une affirmation accolée à
de la langue de bois saurait faire laffaire : les transactions seront
sécurisées par voie de «collétarisation» ou par «un dépôt de gage dactifs dune valeur
équivalente». Du brouillard sémantique pour ne pas dire nettement ce qui se
pratique déjà, à savoir que si vous ne remboursez pas votre prêt arrivant à
échéance, vos biens, meubles et immeubles sont saisis à hauteur de votre
créance, augmentée des intérêts de retard ! Il en est de même pour les
banques et mêmes les Etats qui, endettés, vendent par privatisation le Bien
public !
Les
coups de fouet indolores
Filialisation, garantie de lEtat, sécurisation, collétarisation
Le
patron de la Société Générale a fait ses
comptes et vendu la mèche : la réforme ne concernera que 1.5 % de ses
activités. Quant aux «économistes
atterrés» (3), leurs estimations globales font apparaître que les banques ne
seront affectées
que sur 0.75 à 2% de leurs
activités.
On en
conviendra, cette rouerie qui se veut talentueuse nabusera, en définitive, que
les croyants intéressés par la prétendue vertu hollandiste. Et si par mégarde, un crack
survenait, les pontifes sen laveraient les mains. Les textes de notre
sacro-sainte République ont tout prévu pour les déresponsabiliser. Deux grands
argentiers sont seuls habilités à
nous faire les poches : le gouverneur de la Banque de France et le directeur
général du Trésor, seuls, peuvent piocher dans le fonds de garantie des dépôts
français pour sauver une banque ou un hedge fund. Et les Ponce Pilate sen
laveront les mains.
Somme
toute, les banquiers rassurés peuvent continuer à pérorer. Assis sur le tas dor
des dépôts et de largent public dont ils continueront de disposer à leur gré,
ils savent que même avec Hollande, même quand ils perdront, ils y gagneront et
que tout sera fait pour «amortir leurs
gamelles»(1).
Gérard Deneux, le 25 mars 2013
(1) Les
expressions sont de Frédéric Lordon, auteur notamment de «La crise de trop» édition
Fayard
(2) Je
renvoie, ici, à mon texte précédent «Crise, quelles crises ? Origine et
conséquences»
(3) Collectif de chercheurs, experts en économie constitué à lautomne 2010
qui a fait paraître notamment le manifeste des économistes atterrés dans
lequel ils font une critique des 10 postulats qui inspirent toujours les
décisions des pouvoirs publics en Europe, malgré les cinglants démentis apportés
par la crise et face auxquels ils ont mis 22 contre-propositions en débat. www.atteres.org
Sources pour cet article : Les analyses de Frédéric Lordon, de
Michel Husson et autres «économistes
atterrés»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire