RAPPORT 2012 DE
SANTE AU TRAVAIL
CONCLUSION COMMUNE DU COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL
DE BOURG EN
BRESSE
19ème rapport annuel commun d’activité
d’un groupe de
pairs
LE
TRAVAIL, LA SANTE, ET LA MEDECINE DU TRAVAIL
ABANDONNES A LA PREDATION ET AUX CONFLITS D’INTERETS
Docteurs CELLIER,
CHAPUIS,
CHAUVIN, DELPUECH, DEVANTAY, GHANTY, LAFARGE
1 rue A. Bertholet
01000 Bourg
en Bresse - tél 04 74 23 66 30
Février 2013
Dans notre rapport 2011, nous avons particulièrement développé
l’oppression du contraste entre les constats tellement graves en santé
au
travail, liés aux organisations de travail délétères et l’inadéquation
totale de
la réforme qui aggravait encore l’aliénation des médecins du travail et
des
préventeurs à ceux qui génèrent les risques, en leur confiant même la
mise en
place des orientations de prévention dans un conflit d’intérêt sans
précédent et
sans qu’aucune piste de transformation ne voie le jour. Nous avions dit
notre
écœurement alors que malgré tous les empêchements structurels et les
difficultés, une frange active de notre profession avait développé une
activité
très pertinente, la clinique du travail, permettant la compréhension des
mécanismes d’atteintes à la santé dues au travail, l’accompagnement des
blessés
et malades du travail et la construction de vraies pistes de
solution (cf.
nos propositions de 2011 en annexe). Il ne manquait plus que les moyens
effectifs de la mise en œuvre de ces solutions dans les entreprises, ce
qui
passait nécessairement par une indispensable coercition puisque notre
expérience
montrait bien que ce n’est pas par manque d’information mais par manque
de
volonté que les améliorations ne voyaient pas le jour dans les
entreprises. Bien
au contraire, suite à la dernière réforme, la déprofessionnalisation
s’installe
au mépris de cette construction très professionnelle et pertinente, pour
partir
vers des orientations bien en deçà des constats. Rien d’étonnant puisque
la
décision politique a été de prendre le parti des logiques financières et
des
tenants du système en refusant de remettre en question les organisations
de
travail générées par celui-ci. Or ce sont ces organisations qui sont
pourtant à
l’origine de l’essentiel des pathologies dues au travail. La
déprofessionnalisation de la prévention en santé au travail est un moyen
de ce
camouflage ; celle-ci frappe d’ailleurs l’ensemble du monde du travail
dans
cette volonté d’asservissement qui tourne au drame puisqu’elle est en
train de
déstructurer le travail, les liens sociaux et le tissu social.
Nous
l’affirmons !
Le coup fatal a été porté à la prévention en santé au travail dans une
grande
irresponsabilité de l’Etat et des décideurs.
Un espoir
se dessinait en 2012 avec le changement de gouvernement qui en
appelait à plus de justice sociale et de préoccupations des réels
problèmes des
français. Mais quel espoir déçu ! Malheureusement l’évènement majeur de
2012, c’est que ce gouvernement a tourné le dos au drame du travail et
on peut
même se demander si ce n’est pas son attitude par rapport à l’intérêt
général.
Et tout ça au cœur d’une expérience que nous ne connaissons que trop
bien qui
est que l’urgence de se préoccuper de la question du travail est une
énième fois
enfouie dans l’angle mort du débat public !!! Or il n'y a pas plus réel,
plus aigu et plus délétère actuellement que le problème du travail pour
chacun
de nos concitoyens. Nous ne parlons pas de l'emploi, problème gravissime
également, mais qui n'est pas directement l'objet de notre
responsabilité ; mais
de ce travail que nous
avions décrit
comme contaminé et qui gangrène la vie, le psychisme, la santé, les
liens
sociaux.
2012 aura
été l'année de la NON REPONSE à ces besoins urgents
alors que cela fait des années que nous ne cessons
d'
alerter sur le drame de la faiblesse de régulation par l'Etat ; il était
alors
légitime d'espérer d'un gouvernement, a priori porté par les questions
humaines,
qu'il aille vers une dénonciation de la Réforme en santé au travail -
c'était
l'objet de notre demande dans une lettre à François Hollande en juillet
2012 (en
annexe) -, et repense en profondeur ce qu'il était juste et efficace de
mettre
en place compte tenu de l'apocalypse des constats.
Mais très
curieusement, avant même la santé au travail, le travail
lui-même est traité en quantité négligeable, alors que c'est pourtant le
lieu du
cancer qui mine les individus et la société. Nous avons lu avec
stupéfaction
dans la presse, de façon très lapidaire, que notre ministre actuel
trouvait que
la réforme en santé au travail «avait le mérite d'avoir été faite», et
qu’il
s'engageait seulement à en faire le bilan ! Mais quel peut bien être le
bilan d’un système aussi gangréné que le sinistre Comité Permanent
Amiante qui a
donné le drame que l’on connait, sinon encore des morts et des blessés
au
travail ; car les capacités d’actions des préventeurs sont annihilées
par
leur mise sous tutelle par ceux qui génèrent les risques. Nous voulons
dire que
maintenant, après toutes ces leçons qui n’auront pas été tirées, les
décideurs
pourraient bien être considérés comme responsables ET coupables car ils
ne
pourront pas dire qu’ils n’ont pas été éclairés et alertés par les
professionnels de la gravité de leur décision à laisser perdurer un tel
conflit
d’intérêt dans les services et finalement d’avoir organisé sciemment
l’amputation du pouvoir d’agir des médecins du travail et des autres
préventeurs. Notre diagnostic est fait : les bilans de la santé au
travail
sont faits depuis des décennies et sont catastrophiques ; la réforme
n'apportera
aucun remède, bien au contraire. Le paritarisme
dans la
gestion des SST reste bien en deçà des besoins. Les
fausses
réponses sont maintenant à l'œuvre dans nos services de plus en plus
dans le
chaos et en inadéquation avec les constats, comme c’est aussi le cas
pour leurs
partenaires de la CARSAT et de la DIRECCTE, dépossédés des vrais moyens
de
traitement pour répondre aux vrais diagnostics. D'ailleurs,
personne ne parle de traitement et donc de transformation
mais seulement d'évaluation. Quant à la vraie
pluridisciplinarité, nous ne cessions de souligner que ces organismes, à
condition d'être vraiment légitimés sur le plan de leur mission et de
leur
autorité, y ont leur place, juste et essentielle, en coopération avec
les
médecins du travail ; nous sommes témoins que cette synergie,
lorsqu'elle peut
s'appliquer, est tout à fait efficace à faire avancer les mesures
basiques de
prévention dans les entreprises et nombre de problèmes restés irrésolus
depuis
des décennies par le refus de la part des employeurs de faire les
transformations nécessaires et par l’absence de coercition pour les y
forcer
dans l’intérêt du bien public. Ceci est une réalité centrale à laquelle,
malheureusement, tournent le dos toutes les gesticulations périphériques
que
nous voyons à l'œuvre dans la mise en place de la réforme qui fait
semblant de
tout solutionner alors qu’elle recommence une évaluation globalement
faite
depuis des décennies.
Au chevet
de la France malade du travail, les médecins sont relégués au
rang d'exécutants alors que c’est l’exact contraire qu’il aurait fallu
faire à
savoir tout mettre en œuvre pour le développement de leur point de vue
spécifique, très pertinent et très efficace, qu’est la clinique médicale
du
travail.
Nous ne
voyons pas d'autre explication à la démission du gouvernement vis
à vis de cette urgence de santé publique, la santé
au
travail, que la confirmation qu'il est lui aussi
soumis à la
doctrine dite libérale, et il est bien vrai que soigner le travail et
les
travailleurs, c'est forcément oser remettre en question ce qui n'est
pourtant
pas du tout une fatalité mais un choix de société.
Que le
lecteur et toutes les instances responsables sachent bien les
ravages de ce désengagement de l'Etat, car, outre l'absence de décisions
thérapeutiques, il donne l'exemple, le mauvais exemple, que rien ne doit
s'opposer à la folie de la rentabilité à tout prix et à ses conséquences
humaines.
Nous
voyons l’escalade de la violence au travail se poursuivre puisque
l’Etat ne joue plus son rôle de garant de la dignité des personnes. Nos
consultations sont essentiellement axées sur la prise en charge des
décompensations psychiques et physiques liées à la maltraitance au
travail
permise par un système indigne d’une démocratie.
Bien au
contraire, nous sommes les témoins et victimes des incroyables
renversements de valeurs décrits dans nos précédents rapports avec des
niveaux
d’aggravation avancée. Ce sont les médecins qui se mettent au service de
la
santé et des blessés qui se retrouvent malmenés et accusés par les
instances
mêmes qui devraient garantir la préservation de la santé. Un de nos
confrères a
été poursuivi et jugé par la Chambre Disciplinaire du Conseil de L’Ordre
sur
plainte d’un employeur concernant l’affirmation du diagnostic de
souffrance au
travail établi dans un certificat alors que cet employeur a pourtant été
reconnu
coupable par les Prud’hommes de harcèlement des cinq salariés de son
entreprise.
Une autre collègue est elle-même mise à mal par un DRH qui la considère
comme un
obstacle à son management et il faut déployer des trésors d’énergie pour
que le
contrôle social et l’Inspection du Travail puissent remplir leur rôle et
maintenir le médecin dans sa fonction.
Et
l'indépendance du médecin du travail nous direz-vous? Et bien oui,
sans les moyens précis prévus dans la loi pour la défendre, avec une
Inspection
du travail sérieusement délégitimée dans son rôle de coercition et non
soutenue
par l'Etat qui se détourne lui-même de l'intérêt général, notre
fragilisation
est à son comble.
Tout ce
gâchis est bien le témoin de ce grand mal idéologique avec la
participation de tous et de chacun (il faut bien le reconnaitre). Il
laisse
perdurer l’insoutenable tout en portant en lui-même les ferments de sa
propre
destruction, en particulier par cette contamination radicale de la
destruction
du sens du travail et de son rôle dans la construction identitaire des
individus
et des sociétés. Dans l’absence de ressaisissement nous voyons
malheureusement
actuellement dans le monde du travail, comme dans nos services, les
ingrédients
d’un effondrement sociétal très inquiétant.
POUR CONCLURE, notre
génération de professionnels en santé au travail a vu monter en
puissance le faux discours sur le coût du travail, sur la compétitivité à
tout
prix, même à celui de la vie, alors que les dégâts de cette
précarisation sur la
santé et finalement sur le contenu du travail n'ont jamais cessé de
s'aggraver
et que cela a un coût humain et financier considérable, nullement relayé
par les
médias au niveau où il devrait l’être. Nous savons que porter soins aux
travailleurs et au travail, cela passe par la régulation de ces dérives,
réel
gisement de potentiel du côté de la vie : la vraie compétitivité serait
de faire
du travail de qualité et ainsi améliorer la santé, la société,
l'économie, la
civilisation.
Dans cette
volonté de défendre les vraies valeurs du travail, la dignité
des personnes et la santé publique, l’Etat se devrait de réinvestir avec
force
son autorité régalienne pour arrêter la logique d’asservissement et
donner
pleine légitimité à ses représentants que sont les Inspecteurs du
travail pour
qu’ils puissent réellement s’interposer dans toutes les formes de
violence et
maltraitance au travail ; c’est notre constat de très longue date que
cela
serait déjà une étape essentielle à la prévention en santé au travail.
Il
devrait confier la santé aux professionnels de celle-ci, en mettant
l’accent sur
leur formation, leur légitimation et leur indépendance.
A ce jour,
il faut bien savoir que l’Etat français a abandonné le travail
au chaos déclenché par les logiques gestionnaires et la santé au travail
au
patronat assisté des spécialistes «de la communication», au cœur d’un
conflit d’intérêt historique dans sa caricature et dans ses conséquences
gravissimes, empêchant toute réelle prévention avec dans le même temps,
la
dégradation du système de soins, lui aussi de plus en plus abîmé et
empêché par
la pénurie médicale et les logiques gestionnaires.
Et
pourtant ! Nous ne le dirons jamais assez, la France dispose de
compétences immédiates en Santé au Travail ; il suffit pour cela de
désenclaver l’Inspection du Travail, la Médecine du Travail, la CARSAT
et de les
mettre en synergie dans une réelle pluridisciplinarité partant des
constats pour
faire faire un bond en avant sans précédent et dans un minimum de temps à
la
Santé au Travail (cf. en annexe les fondamentaux de notre rapport de
l’an
dernier).
Annexes :
-
Rapport 2011 de santé au travail – Fondamentaux
-
Courrier au Conseil National de l’Ordre des médecins de février 2013
-
Courrier à François Hollande de juillet 2012
RAPPORT 2011 DE SANTE AU TRAVAIL
CONCLUSION COMMUNE DU COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL
DE BOURG EN
BRESSE
18ème rapport annuel commun
d’activité d’un
groupe de pairs
SANTE ET MEDECINE DU
TRAVAIL :
APOCALYPSE
NOW
Dans le
mot
apocalypse, il y a la notion de destruction (tellement présente à
l’heure
actuelle), mais il y a aussi, au cœur même de l’effondrement et «grâce» à
lui,
la notion de dévoilement, c'est-à-dire l’éclatement criant de la vérité
sur les
impasses où peuvent mener les conduites néfastes des uns, facilitées par
l’indifférence, l’irénisme péjoratif ou la compromission des
autres.
Pour
la
RECONSTRUCTION imminente, après le chaos et son paroxysme, au cœur
des
urgences, et à ne pas oublier pour ceux qui doivent rebâtir l’Etat
Démocratique
(acte premier) :
-
Repositionner l’Etat Régalien dans son rôle de régulateur imparable et impartial du monde et de la santé au travail.
-
Endiguer le travail dégradé et promouvoir impérieusement le travail décent pour tous.
-
Abroger la loi sur la santé et la médecine du travail de Juillet 2011 (et ses décrets d'application), qui institutionnalise la mainmise totale du patronat sur les acteurs de santé au travail.
-
Créer les conditions pour une indépendance réelle et non faussée des acteurs de santé au travail, dimension cardinale à l’efficacité.
-
Désenclaver la médecine du travail de ses liens incestueux avec le patronat pour permettre (enfin) le déploiement de la pertinence et l’efficacité de sa haute contribution possible dans les actions de transformations favorables à la santé au travail, en synergie avec les acteurs de coercition (Inspection du Travail -CARSAT) ; eux-mêmes pleinement légitimés dans leurs fonctions de protection de la santé des salariés et dans le cadre d’une authentique pluridisciplinarité protégée de tout conflit d’intérêts.
-
Déployer un sas totalement étanche entre la gestion des risques dans l’intérêt des employeurs et la prévention en santé au travail dans l’intérêt exclusif des salariés.
-
Créer les conditions pour une démocratie sociale optimale en sachant que l’Etat ne doit pas se défausser sur le paritarisme s’agissant des grands enjeux de santé au travail et de la question cruciale de l’indépendance des acteurs de prévention
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Docteurs CELLIER, CHAPUIS, CHAUVIN,
DELPUECH, DEVANTAY, GHANTY,
LAFARGE
1 rue A. Bertholet 01000 Bourg en
Bresse - tél 04 74 23 66 30
Février
2012
COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL DE BOURG EN BRESSE
A
Monsieur le
Docteur Michel Legmann, Président du Conseil National de l’Ordre des
médecins.
A
Monsieur le
Docteur André Deseur, Président de la section Exercice Professionnel du
Conseil
National de l’Ordre des médecins.
Au
sujet de
l’affaire du docteur …, condamnée par la Chambre disciplinaire
régionale :
grandes stupéfaction et inquiétude pour la profession de médecin du
travail
Le 14 février 2013
Messieurs
les
Présidents,
Voilà
vingt ans que
notre collectif décrit et alerte sur les incroyables atteintes à la
santé au
travail, leur dégradation en continu jetant une lumière crue sur les
impossibilités toujours grandissantes de la prévention. Nous avons listé
très
précisément tous les verrous institutionnels à faire sauter et les
leviers à
actionner pour que les préventeurs, en particulier les médecins du
travail,
aient enfin les moyens de leur action. Nous nous sommes élevés encore
dans notre
rapport annuel 2011 sur la question de la responsabilité de l’Etat
mettant en
place, bien au contraire, de nouvelles règlementations pour «nous tirer
loin de
notre mission de santé du côté des intérêts financiers». Le conflit
d’intérêt
tourne à la caricature via la dernière réforme en santé au travail, qui
dépossède les médecins de leur libre arbitre dans les décisions de
prévention
ainsi que d’autres mesures réglementaires dont cette choquante
possibilité pour
les employeurs de porter plainte devant le Conseil de l’Ordre
départemental.
Nous
vous avions mis
en garde sur cet article du Code de la santé publique datant de 2002,
offrant
une possibilité aux employeurs d’entraver la mise en visibilité et la
prévention
en santé au travail. Nous renvoyons à notre courrier du 26 avril 2012 au
Conseil
National qui mettait en évidence toutes les confusions mises en place
pour
éloigner les médecins du travail et le Conseil de l’Ordre de l’esprit de
la loi
déontologique qui ne devrait pourtant qu’être au service de la santé,
pour les
attirer de manière pervertie et délétère via des règlementations
(celles-ci
désinsérées de l’esprit de la Loi) vers la défense des intérêts
financiers.
Pourtant la mission du médecin de travail n’est pas de s’occuper de la
santé ou
de l’intérêt des employeurs mais de la santé des salariés. Alors comment
se
fait-il qu’il doive rendre compte devant l’Instance Ordinale de son
activité sur
une plainte de l’employeur alors qu’il y a déjà des moyens de recours
par la
voie du Code du travail ?
Comment
se fait-il
qu’on laisse encore en l’état cette faille dans la règlementation, qui
permet à
l’employeur de dévoyer la mission du Conseil de l’ordre dans un objectif
manipulatoire? Dans un glissement inquiétant, comment peut-il se faire
que l’on
en soit arrivé à mettre un blâme à un médecin qui a parfaitement
développé toute
sa professionnalité et sa responsabilité vis-à-vis de sa seule et unique
mission, la santé des salariés ?
Nous
vous avions
alertés, via notre rapport 2011, sur cette brèche dangereuse pour la
santé au
travail et la mission de fond de l’Ordre des médecins. Vous nous aviez
confirmé
votre propre inquiétude et vous disiez «que la menace de plainte auprès
de
l’Ordre est parfaitement inacceptable dès lors qu’elle a pour objet
d’aliéner
l’indépendance professionnelle des médecins du travail et nous
ressentons
douloureusement le fait que nos instances ordinales puissent être
utilisées, à
leur corps défendant, à cette fin».
Et
voilà que la
condamnation de notre consœur le docteur …, prononcée par le Conseil
régional
disciplinaire, vient valider notre alerte par son avis choquant et
inquiétant
pour notre profession et notre mission de santé au travail, prouvant de
sa part
une vision très archaïque de la médecine du travail, et une grande
méconnaissance de la gravité des enjeux , au cœur d’une hypocrisie
sociétale qui déborde de toutes parts. Car il faut bien comprendre qu’il
y a
désormais une grande spécificité du métier de médecin du travail, c’est
bien
pourquoi depuis vingt ans nous avons tenu informé le Conseil de l’Ordre
de nos
constats, de nos travaux, et de la construction de notre clinique et de
notre
professionnalité, afin de nous mettre en adéquation avec notre
obligation de
moyens face à la gravité des constats. D’ailleurs, fort de cette
connaissance,
le Conseil départemental de l’Ain, se préoccupant beaucoup plus de la
question
de fond de prise en charge de la santé que de la forme des certificats, a
lui,
dans la procédure, défendu la posture du docteur ….
Les
différentes
étapes de l’intervention du docteur… (que nous avions débattues en
groupe de
pairs qui travaillent ensemble depuis vingt ans) ont prouvé, de notre
point de
vue, le haut niveau de professionnalité qu’elle a développé pour
répondre à une
situation où les atteintes à la santé étaient inédites et gravissimes.
Ceci a
d’ailleurs été validé par le jugement des prud’hommes qui a reconnu cinq
salariés sur cinq harcelés au travail dans cette même entreprise. La
grande
spécificité (et aussi la grande force de notre métier que les employeurs
n’auront eu de cesse d’attaquer et de vouloir détruire et faire taire),
c’est
notre diagnostic collectif via notre écoute clinique qui permet de faire
les
liens santé-travail et confirmer les diagnostics individuels. Nous avons
validé
dans notre travail de pairs que dans ces cas très graves où la santé et
la
dignité des personnes sont mises à mal, nous devons aller jusqu’au bout
de
l’alerte et donner des certificats qui se doivent d’être affirmatifs
puisque le
diagnostic est implacable et certain.
Que les
membres du
Conseil de l’Ordre comprennent bien que nous ne sommes plus dans la
période
précédente à ces vingt dernières années. Il y a eu une telle évolution
dans les
constats mais aussi un tel développement de notre métier et d’une
clinique de
haute volée que sortir du conditionnel et aller vers l’affirmation dans
nos
témoignages, sont devenus une exigence professionnelle et éthique. Quand
on en
arrive à un tel niveau délétère de dégradation de la santé au travail,
il n’y a
point de conditionnel à utiliser et il faut refuser à l’employeur les
recours
règlementaires qui ne sont que des moyens grossiers, et pour camoufler
la vérité
et pour annihiler l’efficacité du médecin par la recherche d’une
sanction.
S’il
était confirmé
que notre consœur est répréhensible d’avoir défendu la santé, il faudra
bien
dire que l’on met le coup de grâce à ce beau métier déjà pleinement
défiguré
dans son cœur par les précédentes réformes, et que vraiment plus rien
(nous
n’avons déjà plus grand-chose) n’est possible pour être un tant soit peu
efficace face à de telles maltraitances. Que l’on nous dise alors
comment
répondre dans le même temps à la nécessité de porter assistance à
personne en
danger et que le Conseil de l’Ordre se prononce sur la manière concrète
de
l’exercice de la responsabilité médicale dans ces cas de risque de
suicide ou
autres conséquences gravissimes pour la santé. Que l’on sache bien, en
tous cas,
que le corps des médecins du travail, tellement affaibli par toutes les
attaques
contre son efficience, ne se remettra pas d’une attaque portée par son
Ordre, et
finira par retomber dans le silence qui lui a pourtant été longtemps
reproché.
Nous vous transmettons, Messieurs les Présidents,
l’expression de nos
respectueuses et confraternelles salutations.
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Docteurs Cellier, Chapuis, Chauvin, Delpuech, Devantay,
Ghanty,
Lafarge
Adresse: Docteur
Mireille Cellier.
1, rue Alfred Bertholet 01000 Bourg en Bresse
Le collectif des médecins du
travail de Bourg en
Bresse
Immeuble Le Caravelle
1, rue Alfred Bertholet
01000 Bourg en Bresse
à
Monsieur François Hollande, Président de la République
Monsieur Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre
Madame Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et
de la
Santé
Monsieur Michel Sapin, Ministre du Travail, de l’Emploi, de
la
Formation professionnelle et du Dialogue social
Le 6
juillet
2012
Monsieur
le
Président, Monsieur le Premier Ministre, Madame Monsieur les Ministres,
Comme
vous le savez,
alors que la France est très malade du travail, la médecine du travail
vient
d’être mise, par la dernière loi de juillet 2011, sur la pente aggravée
de son
euthanasie.
La
France est
lanterne rouge en Europe concernant beaucoup d’indices de santé au
travail ; on en arrive à une situation où le conflit inhérent à la
relation
salariale est maintenant empoisonnée dans notre pays comme nulle part en
Europe.
Faisant intrinsèquement partie de la nette aggravation du risque
psycho-social
en France, il y a le fait même de la démultiplication des fausses
analyses et
des fausses solutions. Il y a aussi un enracinement affligeant dans le
faux
semblant en lien avec l’invasion des dérives managériales, en complet
déphasage
avec les réalités, ayant pour conséquence un vécu de non-sens au travail
(contaminant largement le hors travail) et ce, à un degré inédit dans la
période
contemporaine.
Qu’est-ce
qui fait
que l’on en est arrivé là ? C’est bien du côté de la longue tradition
d’hypocrisie sociale en France qui a porté à son point maximum les
occultations
et dénis sur les atteintes à la santé au travail (après la silicose,
l’affaire
de l’amiante en est un sinistre exemple).
Cette
spécificité
française est notamment en lien avec la redoutable efficacité de longue
date du
patronat à freiner l’élaboration des liens entre santé et travail et à
verrouiller et contourner tous les dispositifs et acteurs missionnés
pour
traiter ces questions ; une telle efficacité qui ne peut s’expliquer que
par la faiblesse des acteurs de régulation : à savoir l’ambiguïté des
pouvoirs publics et le peu d’intérêt des acteurs syndicaux (sûrement
coincés
dans la spirale négative d’une démocratie sociale anémiée) qui ont
longuement
sacrifié les questions du travail sur l’autel d’autres
thématiques.
Dans
notre pratique
nous avons amplement expérimenté qu’il y a de belles lois qui ne sont
pas
appliquées, ou qui contiennent de jolies phrases qui pourraient avoir un
contenu
fort si cela ne masquait pas gravement la question de la violence des
rapports
sociaux au travail : c’est le cas par exemple de l’indépendance du
médecin
du travail qui ne peut pas exister dans les structures actuelles, ou du
soi-disant équilibre par le paritarisme lui aussi totalement inopérant
dans les
services de santé au travail. Faisant partie intégrante de cette
déréalisation
et ce faux-semblant , depuis la création de la médecine du travail on a
fait
comme si il n’y avait pas de problème, et que nous allions
pouvoir « éviter l’altération de la santé au travail » alors
que, le lendemain du vote de cette loi de 1946, les médecins du travail
étaient
mis sous tutelle du patronat via la gestion des services, réalisant là
un
magnifique conflit d’intérêts que personne n’a dénoncé à la hauteur de
ses
graves conséquences. Or, compte tenu des énormes besoins de santé au
travail, au
lieu de nous donner les moyens, la dernière loi va complètement à
contre-sens,
nous aliénant encore plus. Faut-il s’étonner que le précédent
gouvernement se
soit empressé sous la forte pression du patronat de détruire ce métier à
l’heure
où malgré les obstacles, une frange active de la profession avait
construit un
cœur de métier efficace pour l’accompagnement des salariés et aussi pour
renvoyer l’alerte grâce à l’établissement de liens entre santé et
travail ?
Nous
voulons vous
rappeler là qu’il y a eu une levée de boucliers vis-à-vis de cette loi
aussi
bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat. Au début, l’ensemble des
syndicats
était unanime pour contrer cette réforme, sans compter une pétition
comportant
de nombreux professionnels qui a obtenu 22000 signatures dont 1100
Inspecteurs,
contrôleurs, médecins du travail. L’opposition dans laquelle vous étiez
avant
était montée au créneau pour dire l’absurdité de cette loi qui
malheureusement
est passée en force.
Nous
n’arrivons pas
maintenant à penser une seconde que vous allez laisser cela en l’état,
jouant de
l’alibi que les décisions ont été prises par d’autres. Pour nous,
praticiens de
terrain qui démontrons que ces questions de santé au travail sont une
dimension
majeure de la santé des populations, nous pensons que ce serait une
grave erreur
de ne pas exercer votre fonction régalienne pour remettre tout cela à
plat en
reconstruisant une loi mettant pleinement en adéquation objectifs et
moyens, et
ceci de manière urgente. Nous pensons qu’il n’y a pas une minute à
perdre pour
abroger cette loi scandaleuse qui détourne les ressources médicales à la
faveur
de l’intérêt des employeurs au détriment de la santé des
salariés.
Rappelons
le, un
cœur de métier a été construit par une frange active de la profession à
partir
des référentiels déontologiques, légaux et ceci malgré les obstacles. Il
est
tourné vers l’accompagnement de l’humain confronté aux difficultés
portant
atteinte à sa santé, et vers la fonction de veille et d’alerte : de
telles
postures sont justifiées car elles répondent aux critères d’adéquation,
de
pertinence et d’efficacité, compte tenu des constats de la très forte
diffusion
de la souffrance au travail qui ne peuvent être appréhendés que par les
entretiens médicaux.
Comment
interpréter
cet empressement à vouloir tuer ce métier si ce n’est que justement il
en était
arrivé à une belle efficacité mais trop dérangeante pour le
patronat.
Nous ne
sommes pas
dans l’ordre de l’idéologie quand nous en appelons à une loi qui soit en
adéquation avec les besoins de santé et le Code de déontologie inscrit
dans la
loi, mais bien dans l’ordre de la justesse des choses. Or il est tout à
fait
anti-déontologique et très anormal que la dernière loi bride la capacité
d’initiative des médecins, les empêche de faire les liens entre santé et
travail, détruisant toute capacité d’initier de vraies pistes de
transformations
et de prévention, même si elle a l’aplomb de parler en même temps de
l’indépendance des médecins.
C’est
avant tout une
question d’efficience en santé publique mais nous pensons aussi que cela
est une
question de justice sociale, que cela contribuerait à plus de cohésion
sociale,
à l’épanouissement de la vie au travail, à l’équilibre de la société, et
même
serait profitable à l’économie.
Vous
savez très bien
que notre intervention n’a rien d’opportuniste ; vous êtes les
destinataires de nos écrits sur la santé au travail et nos tentatives
pour
sortir de l’amputation de notre pouvoir d’agir depuis près de deux
décennies ; cette constance est bien le reflet de la dégradation en
continu
des conditions de travail et des atteintes à la santé dues au travail.
Maintenant que vous êtes au pouvoir et avez réellement les moyens
d’agir, nous
ne pouvons pas ne pas vous solliciter à nouveau pour sauver notre métier
en lui
donnant enfin sa dignité et son envol, dans l’intérêt exclusif de la
santé des
salariés. Il s’agit donc de ne pas rater l’opportunité historique de
s’atteler à
ce pan majeur pour la reconstruction de notre pays.
Nous
vous prions
d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Madame
Monsieur
les Ministres, l‘expression de nos respectueuses salutations.
Le collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse :
Docteurs Cellier, Chapuis, Chauvin, Delpuech, Devantay,
Ghanty,
Lafarge.
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