Source : Reporterre
La loi sur la biodiversité sera adoptée par l’Assemblée nationale mardi 19 juillet. Le terme d’un long marathon pour cette loi, qui enregistre en fait de nombreux reculs de la politique de la nature, comme l’estiment les auteurs de cette tribune.
La loi sur la biodiversité sera adoptée par l’Assemblée nationale mardi 19 juillet. Le terme d’un long marathon pour cette loi, qui enregistre en fait de nombreux reculs de la politique de la nature, comme l’estiment les auteurs de cette tribune.
François de Beaulieu est
naturaliste, Gilles Clément est jardinier, Pierre Lieutaghi est
ethnobotaniste, Bernadette Lizet est ethnologue, Marie-Paule Nougaret
est journaliste.
La technique est rodée : ça se passera les derniers jours de la session à l’Assemblée nationale, avant la fermeture pour l’été. La loi qui met fin à la protection de la nature se votera en douce, le 19 juillet, entre l’aspiration aux vacances et le vacarme des attentats.
En dix-sept mois de débat, depuis le 24 mars 2015, aucun élu n’a relevé la férocité de ce titre : « Loi pour la reconquête de la nature, de la biodiversité et des paysages ». Nature trop rebelle, trop belle, trop sauvage, une évadée, une réfugiée indésirable qu’il faut punir et exploiter. Déjà le ministère de Mme Royal ne comporte plus de Direction de protection de la nature. Ce genre d’institution, ça va en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Suisse, mais en France, voyons, soyons sérieux. La Nature c’est vous — mais peut-être y a-t-il lieu, justement, de s’inquiéter d’une férocité si bien assumée.
Durant les dix-sept mois d’aller et venues entre la Chambre et le Sénat, la presse a critiqué les articles concernant les pesticides (et certes lui faut-il le faire, pour conserver quelques lecteurs), mais pour le reste, la loi lui apparaît comme un progrès.
Pourtant, ceux qui ont eu la patience de suivre les débats sur l’article 33 qui instaure les banques d’actifs naturels et la compensation de biodiversité en termes financiers ont compris que c’était le principal enjeu politique. Et hôtelier, disons-le, touristique, agricole et immobilier. L’équivalent d’un département artificialisé tous les 7 ans, c’était sans doute trop peu pour le désir de croissance. Il y avait urgence à bousculer la loi de 1976 sur la nature, ses lenteurs, ses insuffisances, et ses obligations de protection.
La compensation d’une destruction de la nature selon la nouvelle loi doit s’opérer « sans perte nette de biodiversité ». Il y aurait donc des pertes « brutes » de biodiversité dont il n’y aurait pas à se soucier. Absurdité et surdité. On a pu voir comment la méthode, encore expérimentale mais non moins expéditive, permettrait, selon le bureau d’études Biotope, de proposer l’échange de toute la biodiversité des 1.400 ha la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, contre quelques centaines d’hectares de prairies confiées à des agriculteurs aux pratiques intensives, si jamais il s’en trouve pour accepter.
Il est vrai que mardi, mercredi au plus tard, si le débat se prolonge, sera nommé le président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Il y a des places à prendre. De l’argent s’écoulera du béton — à base de gravier naturel, tout de même — sur les aires protégées « susceptibles d’être mobilisées pour mettre en œuvre des mesures de compensation » (article 33 BA). Plus aucun problème de financement. Et des crédits tomberont de l’Agence comme du ciel pour arracher les herbes exotiques envahissantes le long des rives sauvages, à coup de bulldozer.
La technique est rodée : ça se passera les derniers jours de la session à l’Assemblée nationale, avant la fermeture pour l’été. La loi qui met fin à la protection de la nature se votera en douce, le 19 juillet, entre l’aspiration aux vacances et le vacarme des attentats.
En dix-sept mois de débat, depuis le 24 mars 2015, aucun élu n’a relevé la férocité de ce titre : « Loi pour la reconquête de la nature, de la biodiversité et des paysages ». Nature trop rebelle, trop belle, trop sauvage, une évadée, une réfugiée indésirable qu’il faut punir et exploiter. Déjà le ministère de Mme Royal ne comporte plus de Direction de protection de la nature. Ce genre d’institution, ça va en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Suisse, mais en France, voyons, soyons sérieux. La Nature c’est vous — mais peut-être y a-t-il lieu, justement, de s’inquiéter d’une férocité si bien assumée.
Durant les dix-sept mois d’aller et venues entre la Chambre et le Sénat, la presse a critiqué les articles concernant les pesticides (et certes lui faut-il le faire, pour conserver quelques lecteurs), mais pour le reste, la loi lui apparaît comme un progrès.
Pourtant, ceux qui ont eu la patience de suivre les débats sur l’article 33 qui instaure les banques d’actifs naturels et la compensation de biodiversité en termes financiers ont compris que c’était le principal enjeu politique. Et hôtelier, disons-le, touristique, agricole et immobilier. L’équivalent d’un département artificialisé tous les 7 ans, c’était sans doute trop peu pour le désir de croissance. Il y avait urgence à bousculer la loi de 1976 sur la nature, ses lenteurs, ses insuffisances, et ses obligations de protection.
La compensation d’une destruction de la nature selon la nouvelle loi doit s’opérer « sans perte nette de biodiversité ». Il y aurait donc des pertes « brutes » de biodiversité dont il n’y aurait pas à se soucier. Absurdité et surdité. On a pu voir comment la méthode, encore expérimentale mais non moins expéditive, permettrait, selon le bureau d’études Biotope, de proposer l’échange de toute la biodiversité des 1.400 ha la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, contre quelques centaines d’hectares de prairies confiées à des agriculteurs aux pratiques intensives, si jamais il s’en trouve pour accepter.
- A Notre-Dame-des-Landes, en avril 2016 : une zone humide dont la destruction n’est « pas compensable »
Il est vrai que mardi, mercredi au plus tard, si le débat se prolonge, sera nommé le président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Il y a des places à prendre. De l’argent s’écoulera du béton — à base de gravier naturel, tout de même — sur les aires protégées « susceptibles d’être mobilisées pour mettre en œuvre des mesures de compensation » (article 33 BA). Plus aucun problème de financement. Et des crédits tomberont de l’Agence comme du ciel pour arracher les herbes exotiques envahissantes le long des rives sauvages, à coup de bulldozer.
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Source : Courriel à Reporterre
Photos : Les Naturalistes en lutte.
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