Source : l'atelier idf
Les monnaies locales complémentaires ont le vent en poupe. A l'instar
de la communauté d'agglomération des Lacs de l'Essonne, un nombre
croissant de collectivités en font l'expérimentation. Mais dans quel but
exactement ? Philippe Derudder, spécialiste en France des monnaies
complémentaires, était invité à en exposer les enjeux lors des « 24H de
l'ESS en Essonne » le 20 novembre dernier.
SOMMAIRE
Monnaies locales complémentaires
Une pratique très ancienne
Si les monnaies locales complémentaires se multiplient à l'échelle du globe - on compterait entre 5000 et 6000 expériences de par le monde -, elles ne sont pas pour autant un phénomène nouveau. Philippe Derudder nous rappelle que de telles monnaies existaient déjà dans la Haute Egypte (-3000 et -1000 av. JC) où, à côté d'une monnaie royale faite de métaux précieux, co-existait une monnaie « de vie », les ostracons (des tessons de poterie), servant aux échanges du quotidien. Des monnaies complémentaires ont également longtemps existé en Europe, durant le Moyen Age. Les monnaies uniques, telles qu'on les connaît aujourd'hui, sont en fait une invention très moderne.Les « miracles monétaires » des années 1930
C'est avec la crise de 1929 que les monnaies complémentaires ont réapparu. En 1930,Schwanenkirschen est un petit village de Bavière, touché par le chômage et la pauvreté depuis la fermeture de la mine locale. Un ingénieur rachète la mine et, pour la redémarrer, faute de soutien des banques, recourt à une monnaie locale : la Wära. Celle-ci, vite acceptée par les mineurs puis par les commerçants, produit rapidement un effet spectaculaire : le chômage disparaît, les échanges reprennent, le village revit. Devant ce « miracle », d'autre expériences s'ensuivent, par exemple à Wörgl (Autriche, 1932), avec toujours le même résultat : le chômage disparaît, l'économie locale fleurit à nouveau. Hélas, à chaque fois, les autorités gouvernementales font stopper ces expériences, et le chômage revient.Une exception cependant : le Wir, créé en Suisse en 1934, n'a pas été interdit ; il est toujours utilisé aujourd'hui, par plus de 70 000 PME. Selon l'économiste Bernard Lietaer, le Wir est d'ailleurs l'une des principales raisons de la bonne santé économique helvétique.
Différents types de monnaies pour différentes fonctions
Philippe Derudder classe les monnaies complémentaires (qu'il ne faut pas appeler « alternatives », car elles ne visent pas à se substituer à la monnaie officielle) en trois types :- Les monnaies commerciales (ou « barter »), de type Wir, qui circulent à l'intérieur d'un réseau d'entreprises, leur permettant d'alléger leur trésorerie et de développer un effet réseau ;
- Les monnaies sociales, de lien, permettant aux citoyens de s'échanger biens et services sur la base du temps passé : les systèmes d'échanges locaux (SEL), le Jardin d'échange universel, les Accorderies, les Fureai Kippu (Japon)... ;
- Les monnaies éco-citoyennes, initiées et gérées par les citoyens, pour leurs échanges commerciaux au sein d'un réseau local : leChiemgauer (Allemagne), la Banco Palmas (Brésil), le SOL, la Mesure, l'Abeille (France)... Ces monnaies traduisent la volonté de reprendre le pouvoir sur un outil qui nous échappe aujourd'hui, redonnant à la monnaie le sens d'un véritable outil d'échange.
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