Source : 24 MATINS
Économie
Grâce à une production de pétrole en plein boom, les États-Unis exportent désormais sans complexe leur or noir dans le monde, entraînant une refonte des infrastructures sur leur territoire et rebattant les cartes sur le marché mondial.
En pompant actuellement plus de 10 millions de barils par jour, le pays est devenu le deuxième producteur de brut au monde, derrière la Russie et devant l’Arabie saoudite. Un essor lié aux nouvelles techniques permettant d’extraire à moindre coût du pétrole de schiste.Face à cette explosion, les États-Unis ont levé fin 2015 l’interdiction d’exporter du brut en place depuis 1975. Une opportunité saisie immédiatement par les entreprises américaines: en 2017, elles ont exporté en moyenne 1,1 million de barils par jour dans 37 pays.
Même si le Canada reste la première destination, les États-Unis ont grignoté des parts de marché en Asie, une région habituellement considérée comme le pré carré de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ou de la Russie, qui ont volontairement décidé depuis l’an dernier de limiter leur production pour redresser les prix.
Les importations ont parallèlement fortement baissé, reculant en 10 ans de 10 à 8 millions de barils par jour.
Mais même si la production américaine continuait de s’envoler, le pays ne cessera pas de sitôt d’acheter du brut à l’étranger.
Les raffineries américaines, dans leur grande majorité, ne sont en effet pas conçues pour transformer le pétrole de schiste considéré comme léger.
Elles ont été construites pour raffiner le pétrole lourd venant par exemple du Canada, du Venezuela ou du Mexique, qu’elles achètent peu cher, et revendent en se faisant au passage une marge importante.
“Comme il faut cinq à sept ans pour construire une raffinerie, on ne peut pas changer du jour au lendemain”, remarque Harry Tchilinguirian, spécialiste des marchés pétroliers à BNP Paribas.
De plus, rappelle-t-il, les entreprises américaines pensaient, jusqu’à l’envol du schiste vers 2010, que le pétrole viendrait surtout des sables bitumineux du Canada et ont entamé la construction d’oléoducs entre les deux pays. “Pour faire de nouveaux investissements, elles doivent être sûres que leur choix sera toujours bon dans sept ans.”
Pourquoi par ailleurs faire grossir les capacités de raffinage aux États-Unis, où la demande en énergie va probablement se tasser dans les prochaines années ?
Âge d’or
“Les États-Unis ne peuvent pas devenir complètement indépendants du pétrole étranger”, observe M. Tchilinguirian. “L’idée d’un +âge d’or de l’énergie américaine+ défendue par Donald Trump n’est pas seulement de devenir moins dépendant. C’est aussi de pousser l’industrie de l’énergie à se projeter à l’étranger”, ajoute-t-il.Les entreprises américaines construisent donc à tout va oléoducs et terminaux pour envoyer au monde l’or noir américain.
Le projet le plus emblématique est celui mené actuellement au Port pétrolier au large de la Louisiane (Loop), le seul terminal aux États-Unis capable d’accueillir ces super-cargos transportant jusqu’à 2 millions de barils. Il a pour la première fois été utilisé en février pour exporter, et non pas importer, du brut.
Plus à l’ouest, sur la côte du Golfe du Mexique, le port de Corpus Christi prévoit de draguer ses fonds pour accommoder de plus gros navires.
Selon plusieurs estimations, les États-Unis pourraient théoriquement être capables à moyen terme d’exporter 4 à 5 millions de barils par jour.
La question est ensuite de savoir quels marchés peuvent absorber tout ce brut.
Pour John Coleman du cabinet Wood Mackenzie, l’Europe est la destination la plus logique, au moins jusqu’en 2022. “Les raffineries européennes sont plus compatibles avec le brut léger américain et les coûts de transport sont moins importants”.
Toutefois la demande risque aussi de s’y tarir dans les années à venir.
Les États-Unis, s’ils parviennent à garder un prix suffisamment compétitif pour compenser le temps et le coût de transport supplémentaires, pourraient se tourner vers l’Asie.
D’autant plus que l’Afrique de l’Ouest et les pays du Moyen-Orient devraient construire eux-mêmes plus de raffineries sur leur territoire et ainsi limiter leurs propres exportations.
Mais, remarque M. Coleman, “la question des infrastructures pétrolières aux États-Unis reste encore en suspens, c’est le sujet du moment. Même si de nombreux investissements ont été annoncés, il en faudra sans doute plus.”
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