L'UFC-Que Choisir réagit
!
Alors que l’UFC-Que Choisir dénonce depuis des mois la détérioration grandissante de la qualité du réseau électrique français, l’association passe aujourd’hui à l’offensive au sujet des liens capitalistiques entre ERDF et EDF à l’origine de ce problème. L’association saisit le Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la CRE ainsi que les parlementaires pour que les consommateurs paient enfin pour des investissements effectivement en faveur du réseau électrique, et non pour alimenter les comptes d’EDF.
Malgré la
reprise
récente des investissements d’ERDF dans le réseau, ceux-ci
demeurent bien trop
faibles : seulement 826 millions d’euros, alors que le besoin
est estimé à 2
milliards d’euros par an d’ici 2020. Ce sous-investissement
aboutit à une détérioration
inexorable de la qualité de distribution : le temps moyen de
coupure au niveau
national s’est encore dégradé passant de 75 min en 2012 à 97 min
en 2013. Cette
moyenne masque de grands écarts puisque les parisiens supportent
un temps moyen
de coupure de 23 minutes par an, les habitants de l’Ardèche en
subissent 10
fois plus, avec 242 minutes de coupure annuelle.
Le problème
n’est pas
la sous-évaluation du TURPE(1), taxe payée par le
consommateur/usager dans sa
facture pour l’entretien et la modernisation du réseau, bien au
contraire. Le
Conseil d’Etat, en novembre 2012, a même annulé le TURPE 3 car
largement
surévalué, et a sanctionné le système qui consistait à faire
payer deux fois le
consommateur pour des investissements sur le réseau via la
captation définitive
par ERDF des provisions pour renouvellement qui n’étaient pas
utilisées ! Le
manque d’investissement dans le réseau provient ainsi avant tout
du fait
qu’ERDF, en totale dépendance vis-à-vis d’EDF, fait largement
primer la logique
financière sur le niveau de qualité de la distribution.
En effet,
filiale à
100% du groupe EDF S.A, ERDF remonte, chaque année, 75% de son
résultat net à
sa maison mère au détriment de l’investissement dans le réseau
mais aussi
centralise sa trésorerie dans les caisses d’EDF (près de 3,5 Mds
€ fin 2012).
Cette porosité des comptes soulève un grave conflit d’intérêt
entre la logique
financière d’un groupe évoluant dans des domaines concurrentiels
(EDF) et celle
attachée à une entreprise accomplissant essentiellement une
mission de service
public (ERDF). Si la Commission européenne avait alerté sur
cette situation dès
2007, la Cour de Justice a, plus récemment, rappelé qu’un
découplage
total de propriété est une garantie de respect des textes
européens et in fine
d’assurer l’objectif d’indépendance du gestionnaire.
Cette
dépendance
d’ERDF vis-à-vis d’EDF ressort également de son équipe
dirigeante tant en
termes de nomination que de rémunération. L’exemple emblématique
de P.
Montloubou, actuel président du directoire d’ERDF, en est le
meilleur exemple :
pour la première fois a été nommé un directeur de la branche
commerce dérégulée
d’EDF pour prendre la tête d’une filiale régulée comme ERDF.
Plus grave encore,
parmi les critères qu’utilise ERDF dans ses statuts pour
déterminer la
rémunération de ses cadres dirigeants figure un critère relatif
aux flux de
trésorerie. Concrètement, ce critère aboutit à augmenter la
rémunération
des dirigeants à proportion de l’argent remonté auprès de la
maison mère, et
par voie de conséquence, du non investissement dans le réseau
électrique.
Au-delà des
dysfonctionnements actuels, l’UFC-Que Choisir s’alarme de deux
dispositions du
projet de loi sur la transition énergétique transmis au CESE(2),
présenté en
conseil des ministres mercredi dernier, qui sont susceptibles de
renforcer le
sous-investissement dans le réseau électrique :
- l’article
40
supprime la possibilité de fixer par décret des sanctions si les
niveaux de
qualité et de fourniture ne sont pas respectés,
- l’article
41 permet
à ERDF de rémunérer le capital investi à un niveau bien
supérieur à la réalité
permettant ainsi à ce dernier de gonfler la facture des
consommateurs sans que
ce niveau soit justifié au regard de la réalité des charges
subis par ERDF. Une
telle disposition vient détruire toute la portée de la décision
du conseil
d’Etat précitée qui avait critiqué cette surévaluation du TURPE
et exigeait que
ces règles inscrites dans les contrats de concession soient
supprimés.
Décidée à ce
que les
consommateurs paient le juste prix pour une réelle qualité du
réseau de
distribution, l’UFC QUE CHOISIR passe à l’action et :
- saisit le
CoRDiS
pour qu’il fasse cesser les pratiques qui portent atteinte à
l’indépendance du
gestionnaire ERDF et éventuellement sanctionner ce manque
d’indépendance si
préjudiciable aux usagers du réseau électrique et œuvre à une
séparation
patrimoniale des deux entités (EDF et ERDF),
- demande aux
parlementaires de supprimer les articles du projet de loi sur
la
transition énergétique qui favorise des niveaux de qualité
insuffisants et qui
font naître le risque d’une surévaluation indue du TURPE.
(1) C'est le
Tarif
d'Utilisation du Réseau Public qui consiste à faire payer au
consommateur les
besoins d'investissement (amélioration/modernisation) notamment
sur le réseau
de distribution.
(2) Conseil
économique
social et environnemental
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire