mercredi 25 février 2015

La peur de l’autre, le nouveau lien social ?

Source : R-éveillez-vous

La xénophobie sous toutes ses formes est-elle le nouveau lien social ? L’autre, c’est l’étranger, c’est celui que l’on ne connait pas, c’est le différent. Son arrivée peut constituer une menace tant que nous n’avons pas fait connaissance, et qu’il n’y a pas eu un apprivoisement mutuel. La peur de l’autre constitue-t-elle un nouveau lien social ?
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Le Lien social
Le lien, maitre mot qui matérialise les fils et connexions qui se tissent dans l’invisible, entre nous et nos contemporains. Les liens forment un entrelacs, des nœuds, des tensions, des relâchements. Ils fondent notre société. Ils relient et unissent et séparent parfois, les individus entre eux. Sur quoi sont-ils fondés ? Peuvent-ils être fondés sur la peur de l’autre ? La peur c’est une crainte qui se porte sur un objet connu, facilement identifiable. Objet dont elle redoute l’impact dans l’avenir. Avant la première guerre mondiale, les nationalismes exacerbés des puissances européennes ont été renforcé par la définition d’un ennemi. Toute la Nation était unie contre l’ennemi. Toute la société de cette époque a partagé pendant un temps cette préoccupation.

La peur, et l’ennemi commun
La peur de l’étranger, sa stigmatisation par amalgames, est-elle vraiment un phénomène nouveau ? N’est-ce pas plutôt un mécanisme malheureusement souvent observé au cours de l’histoire de l’humanité? Sa récurrence ne nous empêche-t-elle pas de penser ce phénomène comme étant nouveau mais bien plutôt comme étant millénaire ? Si nous avons peur, est inscrit dans nos gènes et nos comportements ancestraux, la notion d’union qui fait la force. C’est une stratégie de survie. Autrement dit, face à un même ennemi, et l’urgence ou l’imminence d’y faire face, un groupe d’individus sera beaucoup plus enclin à coopérer et à s’entendre, à mettre des systèmes d’alliances en place, que s’il est face à la perspective d’un gain. Ce dernier cas verra plutôt la mise en place de systèmes de coopération moins forts, mais également un phénomène de concurrence entre les associés dans certains cas. La peur au contraire suscite le besoin de faire alliance solide entre les hommes. Il en va de la survie. Elle permet donc de lier les membres d’une même société et de les définir. « C’est l’antisémitisme qui fait le juif. » disait Sartre dans ses Réflexions sur la question juive. Par cette assertion, il affirme que l’ennemi commun aux juifs, l’antisémitisme, participe de l’identité juive. Il en irait de même pour cet autre dont nous aurions peur. Le problème de la peur, érigée au statut de lien social, c’est que c’est un phénomène qui rétrécit notre vision des choses. Elle focalise l’attention sur l’objet de la peur, car il faut potentiellement que nous puissions nous en défendre. En tant que lien social, elle crée une société de borgnes ou une société à œillères. Chaque individu, lié aux autres par elle, serait alors comme un cheval de course ne voyant que la piste, sans rien percevoir de ce qui se passe autour. Dans ces conditions, bien malin celui qui réussira à faire tomber les œillères qui l’empêchent de voir, et de prendre de la distance sur la situation.

Illusion du lien fondé sur la peur
Ici, elle s’applique à l’Autre. Mais qui est cet Autre, vague et fantomatique, jamais défini et dont l’utilisation s’amenuise à mesure que notre connaissance de cet Autre grandit? Derrière ce mot d’Autre, nous identifions bien souvent l’étranger. Celui qui n’est pas soi et que nous avons peur de reconnaitre comme un semblable. L’autre, c’est celui qui n’a pas le même statut social et qui est différent. L’autre dans notre société, c’est le stéréotype associé à sa valise de préjugés. En excluant une partie de la population immigrée, et séparant les individus socialement installés de longue date, des individus fraichement arrivés, de quel lien social pouvons-nous nous permettre de parler ? L’Autre, c’est le riche qui planifie machiavéliquement son hégémonie sur le monde. L’Autre, c’est le pauvre qui fomente une révolution pour acquérir les richesses des possédants. Qu’est-ce que cette société qui prétendrait faire lien sur une base de Xénophobie ? Quelle honte n’éprouve-t-elle pas de faire incarner à l’Autre, l’expression de toutes ses peurs sociales. Parmi lesquelles nous pouvons citer le chômage, la peur qu’il n’y ait pas assez de travail et que l’autre le vole, vole la richesse, la peur que l’autre envahisse et prenne le pouvoir par un phénomène de colonisation inversée, et enfin la peur de perdre son identité et ses avantages sociaux, de payer plus d’impôts pour entretenir l’autre, bref d’être parasité ! Plus que d’un véritable lien social, il s’agit plutôt d’une expression communautaire entre des individus différents qui se regroupent par opposition à d’autres individus encore plus différents d’eux-mêmes. Comment ce phénomène pourrait-il faire lien dans l’ensemble d’une société ? Il semble bien plutôt participer à sa fragmentation qu’à son unité. La peur de l’autre semble plus être le symptôme d’une fragilité et d’une absence d’unité que d’un réel lien entre tous.
Par : Eugénie Baylac

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